CISR du 2 octobre 2015

Il convient de situer et d'analyser le contenu du CISR dans un contexte inquiétant faisant apparaître des dysfonctionnements importants qui ne sont pas abordés dans les décisions rendues publiques. Les commentaires qui suivent ont été rédigés dans les heures qui ont suivi la tenue du CISR, des corrections de fautes d'orthographe, de syntaxe ou de grammaire, des répétitions de mots ou des imprécisions de formulation, seront effectuées dans les jours à venir.

Alors que le dernier CISR s'était tenu le 11 mai 2011, la politique gouvernementale des dernières années s'était limitée à une délégation des pouvoirs au ministre de l'intérieur, aux dépens du caractère interministériel indispensable à la coordination des décisions prises.Dans son discours du 11 mai dernier devant le Conseil national de la sécurité routière, Bernard Cazeneuve a indiqué: « Il me revient, et à personne d’autre, de définir une stratégie». Ce discours accumulait par ailleurs une série d’affirmations fausses qui supprimaient toute confiance dans la qualité de sa gestion d’un système complexe. Le mois suivant, un document émanant de ses services (bilan de l'accidentalité de l'année 2013 -  page 100) continuait à affirmer que : «Le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) définit la politique du gouvernement en matière de sécurité routière ». Nous avons donc un retour au mode de gestion "normal" d'un problème concernant de multiples ministères et le contenu d'une politique "gouvernementale" a été défini le 2 octobre 2015.

La sortie du cadre de la gestion interministérielle était bien identifiée dans un rapport des inspections du ministère de l'intérieur, coordonné par Marianne Bondaz. Il est enfin disponible sur le site de la documentation Française, un an après sa remise. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/154000563-evaluation-de-la-politique-de-securite-routiere-rapport-de-diagnostic . La présentation sur le site de la documentation Française indique : Date de remise : Août 2015 -371 pages. Cette affirmation est erronée, le rapport a été remis en juillet 2014.  Les phrases les plus intéressantes concernant le déficit de fonctionnement interministériel étaient les suivantes : La gouvernance de cette politique s’est affaiblie ces dernières années : éclatement des responsabilités relevant du véhicule, des infrastructures et du comportement auparavant réunies dans une même direction, éloignement du ministère de l’écologie du développement durable et de l’énergie, suivi insuffisant des politiques locales déconcentrées ou décentralisées. En l’absence de comité interministériel de la sécurité routière depuis trois ans, l’interministérialité semble reculer alors que la délégation de la sécurité et de la circulation routières (DSCR) doit renforcer un partenariat national avec les collectivités territoriales

Une des conséquences destructrices de la coordination insuffisante entre les ministères a été décrite dans un autre rapport commandé par le ministre de l'intérieur Claude Guéant en 2011 et remis le 13 juin 2012. Ce rapport rédigé par deux inspecteurs du ministère, Jean Colin et Jean-Yves Le Gallou, d'une qualité et d'une précision parfaites, n'a pas encore été rendu public. L'Etat hésite souvent à mettre en évidence ses insuffisances, alors qu'il est indispensable de le faire si l'on veut les rendre intolérables et supprimer les dysfonctionnements qui mettent en cause un des fondements de la démocratie : l'égalité des citoyens face à la loi. Près de la moitié des contraventions qui devraient entraîner des retraits de points du permis de conduire ne provoquent pas le retrait effectif des points tel qu'il est défini par les règlements. Cette situation, dont la gravité est évidente, n'est pas une nouveauté. Les références dans le domaine de la recherche sont les travaux de Claudine Perez-Diaz, publiés notamment dans son livre "Jeux avec des règles pénales" (éditions L'Harmattan - mars 1998).

La question a été à nouveau analysée à la demande du ministre des Transports en 2001 par une commission présidée par Michel Ternier. Le rapport a été publié dans le cadre du Conseil National de l'Evaluation. 5 000 procédures ont été analysées et le déficit d'aboutissement était du même ordre de grandeur que dans les travaux de Claudine Perez-Diaz. En 2011, une commission parlementaire (Assemblée Nationale - 3864), présidée par Armand Jung, a cité dans son rapport (pages 100 et 101) des proportions précises concernant spécifiquement le défaut de retrait de points. Dans le cadre du contrôle sanction automatisé (CSA), la moitié des retraits de points qui devaient être retirés ne l'ont pas été. Plus surprenant, le déficit de retrait de points était également important dans d'autres types d'infractions au code de la route pour lesquels les difficultés inhérentes au contrôle automatisé de la vitesse n'étaient pas présentes. Il s'agissait des infractions concernant la vitesse en dehors du CSA (49,43% de retraits de points), les conduites sous l'influence de l'alcool (60,99% de retrait de points) et la conduite sous l'influence de stupéfiants (41,95 % seulement).

Nous pouvions espérer que ces constats successifs de défaillances majeures des chaînes d'acheminement des procédures depuis les constats des infractions jusqu'au retrait de points devaient produire des améliorations du dispositif dans des délais courts. Le rapport Colin-Le Gallou de 2012 comportait 29 propositions. Elles ne sont toujours pas effectives.

Le bilan 2013 de la sécurité routière en France, publié en juin dernier par l'observatoire national interministériel de la sécurité routière dénombre les infractions concernant la conduite sous l'influence de l'alcool. J'ai analysé les différents documents produits par le ministère pour calculer la proportion de retraits de points par rapport aux infractions constatées. Le bilan global s'est aggravé par rapport aux constats précédents avec un passage de 322 700 infractions à 165 257 usagers perdant 6 points pour une conduite sous l’influence de l’alcool, soit un déficit de 157 443 pertes de 6 points. Exprimée en proportion, la réduction est de 157 443 / 322 700 soit 48,8%.

Il faut avoir ces notions à l'esprit avant de porter un jugement sur un comité interministériel de sécurité routière qui n'aborde pas cette situation d'une gravité exceptionnelle avec pour priorité la correction du déficit de gestion.

analyse des décisions du CISR du 2 octobre 2015

Mesure 1 : multiplier par 4 le nombre des zones sécurisées par des dispositifs de contrôle automatisé, en installant notamment des radars « leurres » : il s’agit de créer des zones de contrôle de la vitesse, toujours signalées par un panneau, au sein desquelles des radars seront susceptible d’être ou non présents.

Tant que le gouvernement n'aura pas maîtrisé les pratiques profondément asociales des entreprises qui produisent ou commercialisent des avertisseurs de radars (fixes ou déplaçables), et qui seront capables de signaler les leurres, une mesure de ce type n'aura pas l'efficacité attendue. Nous sommes encore dans les séquelles du CISR raté de mai 2011 qui avait annoncé la suppression des panneaux de signalisation des radars et l'interdiction de leur signalement par des organismes qui diffusaient des informations sur la localisation des radars. Quelques semaines plus tard, la suppression des panneaux était abandonnée et un accord dépourvu de sérieux était signé avec les entreprises signalant les radars.

Mesure 2 : augmenter, dans les meilleurs délais, l’utilisation des radars embarqués dans des véhicules banalisés, en confiant leur mise en oeuvre à des prestataires agréés, sous étroit contrôle de l’Etat.

Cette mesure est proposée depuis plusieurs années. C'est une bonne mesure, indispensable pour accroître le temps d'usage de ces nouveaux dispositifs qui échappent au signalement par les usagers abonnés à des avertisseurs de radars. L'expression "dans les meilleurs délais" la vide de tout son sens. Quand on gère une décision, on indique le calendrier de son effectivité. En attendant la mise en oeuvre de la sous traitance, les radars mobiles seront sous utilisés, faute de disponibilité des personnels qui les mettent en oeuvre actuellement (gendarmes et policiers).

Mesure 3 : développer et augmenter le nombre d’infractions constatables par les radars multifonctions (feux-rouges, vitesse, discriminants par type de véhicule, respect des distances de sécurité, détection des dépassements dangereux, franchissement de ligne continue etc.). A cet effet, le plafond du nombre des radars sera augmenté de 4 200 à 4 700 à échéance de 3 ans. Chaque implantation nouvelle de radars fera, comme c’est toujours le cas, l’objet d’une étude approfondie de l’accidentalité du site.

Ma remarque est proche de la précédente. Les radars fixes ont été dévalorisés par leur signalement et il aurait été préférable de mettre en place des dispositifs neutralisant le signalement des radars. Le plus efficace serait l'obligation de signaler à un site internet du ministère de l'intérieur (avec les coordonnées GPS) les dangers identifiés par les abonnés aux réseaux prétendant améliorer la sécurité routière par le signalement de dangers temporaires. En réalité, leur activité principale est de signaler les contrôles à leurs abonnés. Le ministère pourrait alors bloquer les signalements correspondant à des contrôles de vitesse par des radars déplaçables (pas les radars mobiles dans des véhicules en déplacement, mais les radars placés pendant quelques heures en bordure de route, dans un véhicule ou au sol).

Mesure 4 : augmenter, au sein du parc, la proportion des radars autonomes déplaçables, en fonction en portant leur nombre à 250 fin 2016.

Ce nombre est ridiculement faible et leur action ne sera pas dissuasive. Le fait que cette mesure ne soit pas couplée avec la mesure 2, qui traite du même problème, met bien en évidence la volonté d'accumuler des décisions sans approfondir leur spécificité. Une gestion de qualité envisagerait de fixer une durée de mise en service minimale hebdomadaire des radars mobiles et aurait étudié la pertinence du dépassement de 10% de la vitesse maximale autorisée qui a été fixée dans un texte ancien. La précision actuelle des radars ne justifie pas ce seuil élevé et il ne faut pas croire que la mesure en déplacement réduit la précision dans une proportion justifiant ce seuil. Que le ministère et les producteurs de ces radars nous fournissent des données expérimentales pour préciser la qualité des mesures actuelles. Il serait alors possible de soutenir que ce seuil de 10% est justifié.

Mesure complémentaire A1 : renforcer la sécurité des passages à niveau en augmentant le nombre de radars de franchissement en partenariat avec SNCF Réseau, tout en les décomptant du total du parc des radars du contrôle automatisé.

J'ai produit une étude des accidents mortels sur les passages à niveau. La cause principale des accidents graves est la tentative de passage trop tardive alors que le feu de signalement l'interdit, ou le slalom entre les demi-barrières. Le nombre de passages à niveau ne permettra pas d'équiper la majorité de ces passages. Il serait plus efficace d'équiper tous les passages à niveau de caméras transmettant des images de franchissement interdit. Leurs images seraient traitées par un centre unique assurant la verbalisation (confère mesure 6). Le coût de ces caméras est maintenant très bas et la transmission des images concernerait seulement la période avec le feu rouge intermittent, puis la fermeture des barrières, jusqu'àu passage du train. Des analyseurs d'image peuvent repérer automatiquement les passages de véhicules pendant la période interdite.

Mesure complémentaire A2 : étudier le renforcement des possibilités d’immobilisation administrative des véhicules à l’occasion du constat par les forces de l’ordre des infractions liées au grand excès de vitesse.

La proposition d'immobilisation systèmatique des véhicules en grand excès de vitesse est ancienne. L'argument pour ne pas la mettre en oeuvre a toujours été son coût et la difficulté d'avoir des zones de stockage en nombre suffisant. La sous traitance du déplacement des véhicules en stationnement interdit dans les agglomérations prouve la possibilité de faire appel à des prestataires de service pour assurer cette fonction, aux frais des délinquants. Les réseaux de dépannage interviennent sur toutes les routes. Cette mesure doit être couplée à la confiscation (avec vente au profit de l'Etat) des véhicules en cas de récidive de très grand excès de vitesse.

Mesure complémentaire A3 : promouvoir auprès des instances européennes l’installation obligatoire d’un système d’alerte de dépassement de la vitesse autorisée visuel et/ou sonore, voire d’un limiteur de vitesse intelligent sur les véhicules pouvant être activé volontairement par le conducteur, et
expertiser la mise en oeuvre de d’obligation de pose de limiteurs de vitesses non débrayables, au titre des sanctions. Dans le temps intermédiaire, examiner tout système ayant des effets équivalents pouvant être mis en oeuvre hors législation européenne.

Les rédacteurs de cette proposition connaissent mal le fonctionnement de l'Union Européenne qui, dans le domaine de la définition des caractéristiques des véhicules, est une machine à ne pas décider. Des décennies d'expertise n'ont toujours pas abouti à l'équipement des véhicules avec des enregistreurs d'événements. Même aptitude à la procrastination pour l'équipement de dispositif limitant la vitesse à la valeur autorisée localement (LAVIA en France, ISA pour Intelligent Speed Assistance, Intelligent Speed Adapter ou Intelligent Speed Adaptation des anglo-saxons). Rappelons que le délégué interministériel, Jean-Luc Névache, avait eu pour mission en 2011 de définir la "feuille de route" de la mise en oeuvre du LAVIA, notamment pour l'utiliser sous sa forme non débrayable comme une peine complémentaire en cas de dépassements répétés des limitations de vitesse. La faisabilité a été prouvée en France par des études expérimentales sur route en 2006. Tout cela est parti dans la décharge immense des projets utiles avortés.

Mesure 5 :
- expérimenter l’utilisation de drones au service de la sécurité routière.
- expérimenter l’utilisation des systèmes de lecture automatisée des plaques d’immatriculation pour lutter contre le défaut d’assurance des véhicules.

Il y a une différence très importante entre les deux mesures et l'usage du terme "expérimenter" pour les qualifier n'est pas approprié pour la seconde d'entre elles et son champ d'application est beaucoup trop réduit. Utiliser les drones implique bien une expérimentation. Il faudra vérifier dans quelles conditions il est possible à la fois d'identifier des immatriculations et de caractériser des infractions. Attendons les résultats de cette expérimentation et son rapport coût/efficacité pour porter un jugement. Pour l'usage du système LAPI (lecture automatisée des plaques d'immatriculation) dans le cadre de la sécurité routière, il ne s'agit pas de réaliser une expérimentation, le dispositif est opérationnel, mais d'étendre son usage et je soutiens cette possibilité depuis de nombreuses années. Le dispositif ne doit pas être utilisé seulement pour vérifier la présence d'une assurance en exploitant les fichiers des assureurs (ce qui suppose que ces derniers soient d'accord pour mettre leurs fichiers à disposition des forces de police et de gendarmerie), il faut les utiliser pour repérer les véhicules dont on sait qu'ils ont posé un problème, par exemple une adresse de carte grise ne permettant pas de contacter le propriétaire, une ardoise de contraventions non payées dépassant un certain seuil, des excès de vitesse de véhicules de pays qui n'ont pas encore d'accord avec la France pour assurer le paiement d'infractions à la vitesse, observées par des dispositifs automatisés.

Mesure 6 : étendre le nombre des infractions pouvant être constatées sans interception en bord de route (vidéoverbalisation ou radar automatisé avec envoi d’une contravention) en commençant par le non-port du casque.

Toutes les mesures capables d'accroître la dissuasion des comportements infractionnels par des méthodes réduisant les contraintes de personnel tout en permettant d'identifier des infractions sont utiles. Les difficultés seront celles rencontrées par le Contrôle Sanction Automatisé, notamment dans l'exemple cité, la constatation d'une conduite sans casque photographiée par l'arrière pour obtenir l'immatriculation, donc sans possibilité de photographier le visage du conducteur. J'ai signalé que c'est au niveau des passages à niveau que la méthode serait la plus intéressante pour dissuader le passage tardif ou le slalom entre les demi-barrières.

Mesure 7 : élargir les possibilités de recours à l’éthylotest anti-démarrage (EAD) :
· dans le cadre pénal, étendre le recours à l’EAD au contrôle judiciaire et aux mesures de probation consécutives à la condamnation ;
· dans le cadre médico-administratif, déployer l’EAD pour les contrevenants d’habitude (après une phase de préfiguration dans trois départements).

Développer l'usage de l'EAD est une très bonne mesure qui a fait ses preuves, mais nous sommes confrontés actuellement à un sous emploi de ces dispositifs. L'expérimentation a été faite dans le département de la Haute-Savoie à partir de 2007, la loi LOPPSI2 a inscrit dans notre législation les modalités d'usage du dispositif. C'était au début 2011, son application est encore ridiculement faible. Là encore la gestion du dispositif n'a pas été assurée à un niveau de qualité suffisant. La publication des textes concernant l'homologation des formations à la mise en place et à la surveillance des EAD a été anormalement longue. Aucune négociation au niveau national avec de grandes entreprises assurant la maintenance des véhicules et la vente d'accessoires n'a été conduite pour que chaque département dispose d'une offre de mise en service des EAD. La formation des magistrats a été également insuffisante. Nous devrions avoir une présentation régulière du nombre de personnes bénéficiant du dispositif dans un département. Tant que de telles méthodes d'évaluation ne seront pas utilisées, nous demeurerons dans le domaine de la parole.

Mesure 8 : augmenter le nombre de contrôles des conduites sous stupéfiant : la prise de sang en milieu médical, consommatrice de ressources humaines des forces de l’ordre, sera remplacée par un test salivaire de confirmation, effectué au bord de la route.

J'attends d'avoir entre les mains une expérimentation précise comparant les deux dispositifs pour me prononcer sur le remplacement de la prise de sang par un test salivaire en bord de route.

Mesure 9 : afin de dissuader la conduite sous l’emprise de stupéfiants, permettre aux officiers de police judiciaire et, sous leur contrôle, aux agents de police judiciaire, de prendre l’initiative de contrôles aléatoires de stupéfiants.

Il est cohérent de faciliter l'identification de la conduite sous l'influence des stupéfiants en utilisant un dispositif calqué sur celui qui a été mis en oeuvre pour l'identification de la conduite sous l'influence de l'alcool. Initialement, la loi de 1978 imposait une décision du procureur de la république pour décider des périodes et des endroits où les contrôles seraient exercés. Cette loi a été modifiée en 1990. Les contrôles pouvaient alors être effectués, même en l'absence d'infraction préalable, soit sur instruction du procureur de la République - lequel n'aura plus à déterminer préalablement les lieux et dates des opérations - soit sur initiative des officiers de police judiciaire. La loi a également prévu que les opérations de dépistage pourront être effectuées par des agents de police judiciaire agissant sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire.

Mesure complémentaire A4 : augmenter les contrôles routiers d’alcoolémie :
- en permettant aux OPJ et APJ, ainsi qu’aux APJA sous l’ordre et la responsabilité des OPJ, de faire des contrôles d’alcoolémie quelle que soit l’infraction routière commise ;
- en donnant aux OPJ des instructions afin que, sous leur autorité, ils mobilisent les APJ et APJA.
Mesure complémentaire A5 : veiller à ce que les conventions de coordination préfet/procureur/maire relatives à la police municipale fassent de la sécurité routière une de leurs priorités, notamment en vue de renforcer les contrôles d’alcoolémie.
Mesure complémentaire A6 : aligner le délai de contestation d’une analyse sanguine, en matière de conduite sous l’emprise de stupéfiants, sur celui prévu pour la contestation en matière de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.

Là encore, l'extension de l'identification de la conduite sous l'influence de l'alcool serait une bonne décision, mais elle va se heurter aux difficultés qui sont bien identifiées et qui concernent la disponibilité des personnels. En aval de ces contrôles, il y a des procédures à établir. Je connais des policiers municipaux qui m'ont expliqué le mécanisme complexe faisant transiter leurs constats d'infractions par l'unité de gendarmerie locale et se heurtant au refus de cette dernière de traiter un nombre élevé d'infractions, faute de moyens. Quand on a lu le rapport Colin mettant en évidence tous les dysfonctionnements dans l'acheminement des procédures, avec finalement la moitié des infractions alcool qui n'aboutissent pas à la suppression prévue de 6 points de permis, il est légitime de douter de la mise en oeuvre d'une telle mesure. Elle sera facile à évaluer, le nombre de contrôles annuels d'alcoolémie est connu avec précision. Les experts auprès du CNSR avaient demandé un recensement des dépistages aléatoires de l'alcoolémie par tranches horaires et pour les différents jours de la semaine. Cela n'a jamais été fait. L'administration est toujours réticente dès que l'on parle d'évaluation, alors que l'amélioration de la qualité des pratiques est étroitement dépendante de la réalisation d'évaluations pertinentes. Il est facile de faire de nombreux contrôles à des heures ou à des jours de la semaine où les usagers sont peu alcoolisés. Il n'y aura pas de procédures à rédiger.

Mesure 10 : lutter contre la conduite avec un faux permis ou avec un permis falsifié, par la création d’un délit spécifique permettant la confiscation du véhicule.

Bonne mesure, attendons le vote de la loi et le résultat en nombre de véhicules confisqués à la suite de ce délit pour féliciter les auteurs de cette mesure.

Mesure 11 : lutter contre le défaut d’assurance :
· en rendant obligatoire la présentation de l’attestation d’assurance lors de l’immatriculation du véhicule ou de retrait d’un véhicule mis en fourrière ;
· en créant un fichier des véhicules assurés, consultable lors du contrôle automatisé de la vitesse ou par les lecteurs automatiques de plaque d’immatriculation des forces de l’ordre (LAPI), afin de détecter les véhicules non-assurés en circulation.
Mesure complémentaire A7 : rendre obligatoire, en plus de l’attestation d’assurance la présentation du permis de conduire en cours de validité pour la restitution d’un véhicule mis en fourrière.
Mesure complémentaire A8 : poursuivre les travaux engagés afin d’améliorer la traçabilité des plaques d’immatriculation et mettre en oeuvre les mesures de nature à éliminer les fraudes constatées.

Toutes ces mesures sont bonnes, l'usage du système LAPI pour dépister le défaut d'assurance a été indiqué dans la mesure n°5. Le problème posé par les multiples méthodes permettant d'obtenir une plaque d'immatriculation sans passer par le dispositif assurant sa traçabilité me laisse sceptique quant à l'obtention de résultats dans ce domaine. Le dispositif de contrôle et de sanction est actuellement incapable de réaliser ce lien correctement pour assurer le retrait de points en cas d'infraction. L'internet est devenu une machine à produire et à vendre n'importe quoi. Il faut utiliser le LAPI dans d'autres domaines que le défaut d'assurance, par exemple pour identifier les fausses plaques.

Mesure 12 : améliorer l’accompagnement des victimes des accidents de la circulation et de leurs familles et faciliter leur indemnisation :
· permettre une prise en charge immédiate et efficace des victimes dès l’ouverture de l’enquête (accompagnement immédiat par les associations de victimes, normalisation des procès-verbaux de constatation des accidents de la circulation, transmission rapide aux victimes des documents
indispensables à leur indemnisation) ;
· faciliter l’organisation des audiences correctionnelles dédiées aux contentieux routiers ;
· renforcer l’indépendance des experts requis par la justice en matière d’accidents de la route et d’indemnisation du dommage corporel, par la prévention des conflits d’intérêt ;
· réduire les délais d’exécution de l’indemnisation des victimes en garantissant une meilleure efficacité de l’opposabilité du jugement correctionnel aux assureurs.

Toutes ces décisions sont bonnes, mais il aurait fallu les placer en dehors des mesures destinées à réduire l'accidentalité, les décès sur les routes, les blessures et les handicaps.

Mesure 13 : afin de sécuriser le parc d’occasion et de protéger l’acheteur, instaurer un contrôle technique pour la vente de deux-roues motorisés d’occasion à échéance de deux ans.

Lors de la rédaction du livre blanc sur la sécurité routière demandé par Michel Rocard en 1988, nous avions eu une longue discussion sur l'extension du contrôle technique qui était alors limité aux véhicules changeant de propriétaire. J'étais alors opposé à l'extension de la mesure à la totalité des véhicules car les études comparatives de séries de véhicules, avec ou sans contrôle technique, n'avaient pas mis en évidence de différences d'accidentalité significatives entre ces deux catégories. Les accidents impliquant une défaillance du véhicule sont rares et les anomalies peuvent apparaître entre deux contrôles techniques. A l'opposé, une réparation qui n'est pas faite correctement après un accident, notamment sans passage au marbre, peut provoquer des défaillances grave dans la tenue de route. Je suis donc favorable au contrôle technique lors d'une vente, défavorable à son extension périodique ultérieure à tous les deux roues motorisés.

Mesure 14 : conditionner la possibilité de conduire une moto de forte puissance (supérieure à 35 kw soit 56 CV) à une formation qui ne pourra être effectuée qu’après deux ans de détention du permis moto.

Je suis favorable à l'adoption d'une telle mesure. j'aurais même abaissé le niveau de puissance à une valeur nettement plus basse, par exemple 15 kw.

Mesure 15 : afin de limiter les blessures graves, rendre obligatoire le port de gants homologués pour les usagers de deux-roues motorisés

Je suis favorable à l'adoption d'une telle mesure, mais là encore je regrette sa timidité. j'ai toujours utilisé mes motos avec des protections des mains et des pieds. Nos 4 membres nous sont utiles.

Mesure complémentaire B9 : généraliser, sans préjudice du droit de l’Union européenne, les prescriptions de l’arrêté relatif aux plaques d’immatriculation à l’ensemble du parc pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2017.

Prescrire des dimensions des plaques d'immatriculation des deux roues assurant une meilleure lisibilité est indispensable. Compte tenu du niveau élevé de l'accidentalité et des dommages corporels produits par les accidents de deux roues motorisés, il convient de dissuader les excès de vitesse en facilitant leur caractérisation.

Mesure complémentaire B10 : inciter le monde des deux-roues motorisés à se doter d’un label du type « EuroNCAP », éventuellement étendu aux équipements.

La formulation de cette mesure est bizarre. Le label EuroNCAP n'a pas été créé à l'initiative des usagers de voiture, mais par les structures administratives de plusieurs pays ayant en charge la sécurité des transports et des laboratoires de tests, également de différents pays. Des associations d'usagers ont participé à cette démarche. Si le gouvernement souhaite un développement équivalent pour les deux roues motorisées, il doit utiliser la procédure mise en oeuvre en 1997 qui a permis de construire un très bon outil de comparaison entre les véhicules. Il faut cependant remarquer que les caractéristiques des deux roues se prêtent mal à une entreprise du type EuronNcap, très orientée vers la résistance aux chocs. Ce serait peut être par les équipements qu'il conviendrait de commencer.

Mesure 16 : pour protéger les usagers de bicyclette de moins de 12 ans, rendre obligatoire pour eux le port du casque certifié.

Je suis favorable à l'adoption d'une telle mesure. J'ai travaillé pendant de nombreuses années sur la norme des casques et sur les tolérances mécaniques de la tête. L'évolution de la qualité des casques (et des normes) a été très importante, comme leur agrément d'usage. La légèreté et la ventilation des casques pour les cyclistes font que leur usage peut  devenir un automatisme facilement supportable, comme celui de la ceinture de sécurité pour les automobilistes. Un jour viendra où le port obligatoire du casque sera étendu aux adultes. Les conséquences des traumatismes crâniens sont suffisamment importantes pour justifier des contraintes minimes.

Mesure complémentaire B11 : moderniser les dispositions relatives à la visibilité des cyclistes, notamment celles relatives à leur éclairage, en les autorisant à porter un éclairage sur eux.

La mesure est utile, elle doit s'étendre aux signalisations clignotantes fixées sur le casque, les LED permettant des visibilités accrues associées à des consommations faibles.

Mesure complémentaire B12 : conduire une évaluation des médicaments mis sur le marché depuis la dernière évaluation de 2008 mais aussi des anciens en raison de nouvelles utilisations, par rapport aux risques liés à la conduite d'un véhicule, et conduire une campagne de sensibilisation.

La très bonne évaluation réalisée en France des risques liés à l'usage des médicaments, faite en comparant l'accidentalité et les prescriptions médicales, a été un très bon exemple de l'intérêt des progrès assurés par des méthodes scientifiques indiscutables. Il est dommage que les connaissances concernant le risque lié à la vitesse ne soient pas acceptées de la même façon. Il y a une telle désinformation assurée par les adversaires des réductions des vitesses maximales autorisées, que l'on finit par oublier que des connaissances approfondies ont été assurées dans ce domaine par des scientifiques. Elles sont approfondies année après année. Elles devraient être enseignées au niveau ministériel pour éviter de lancer des pseudo-expérimentations visant à étudier l'influence de la réduction de la vitesse sur l'accidentalité.

Mesure complémentaire B13 : sensibiliser à nouveau les médecins, notamment généralistes, aux risques induits pour la conduite par certaines pathologies ou aux évolutions physiologiques liées au vieillissement et à la nécessité de l’évoquer avec leurs patients.

Qui pourrait être opposé à une telle mesure ? Mais qui peut imaginer que cette mesure B13 va avoir la moindre influence sur l'accidentalité ?

Mesure complémentaire B14 : augmenter le temps de traversée aux carrefours dangereux et expérimenter le décompte du temps restant pour terminer la traversée.

Là encore l'usage du terme "expérimenter" semble couvrir un domaine bien particulier qui relève plus de la communication que de la véritable expérimentation. J'attends donc la publication du protocole expérimental qui permettra de compter le nombre de tués dans quatre carrefours dangereux équipés de feux indiquant le temps restant pour terminer la traversée.

Mesure complémentaire B15 : lancer une étude précise sur les caractéristiques des accidents impliquant des personnes âgées de plus de 65 ans, en distinguant les plus de 75 ans dans cette catégorie, afin notamment de réaliser des actions de sensibilisation, d’information et de prévention
à destination des seniors au regard des risques particuliers qu’ils encourent selon leur type de mobilité.

Une masse de travaux sur ce thème est disponible. L'annonce d'une "étude précise" fait sourire, qui aurait l'idée de lancer une étude imprécise !

Mesure 17 : bâtir à échéance de 2 ans une base de données nationale des vitesses maximales autorisées, en libre accès, enrichie progressivement par l’ensemble des autorités ayant la compétence pour fixer ces vitesses.

Nous savons depuis le succès de l'expérimentation du LAVIA (2006) que l'établissement d'une cartographie GPS de l'emplacement des panneaux indiquant une limitation de vitesse est une urgence. Le développement des caméras embarquées permettant de géolocaliser les panneaux existants est maintenant assuré. La meilleure technique serait d'adresser aux communes l'état de la signalisation sur leur domaine et de leur demander de vérifier la cohérence des panneaux installés sur leur territoire et de corriger les erreurs. Le code de la route doit cesser de faire référence aux textes municipaux définissant l'emplacement des panneaux. La seule référence acceptable est celle qui est visible et non un arrêté souvent introuvable. Une année aurait été un délai plus raisonnable pour permettre la mise en oeuvre d'un LAVIA comme peine complémentaire. Il faudra attendre un an de plus pour obtenir cette "base de données nationales". Pour une fois un délai est fixé pour l'achèvement d'une mesure. C'est un progrès.

Mesure 18 : nouer des partenariats de long terme avec les sociétés qui par leur activité peuvent concourir à la sécurité routière (aide à la navigation, téléphonie mobile…).

Je ne devrais pas lire des textes qui associent sécurité routière et téléphonie mobile, ils me rappellent que le gouvernement a été incapable d'interdire toutes les formes de téléphonie en conduisant. Le risque lié à l'usage d'un téléphone au volant n'est pas lié à la façon de tenir un téléphone ou au mode d'acheminement du signal jusqu'à l'oreille du conducteur, il est la conséquence de ce qui se passe quand l'oreille transmet au cerveau des informations qui réduisent l'attention à la conduite.

Mesure 19 : s’agissant des véhicules, promouvoir auprès de l’Union européenne l’obligation progressive d’équipements innovants améliorant la sécurité :
· les dispositifs de surveillance des angles morts sur les véhicules des catégories M1 (voitures particulières) et N1 (camionnettes) ;
· les dispositifs de freinage d’urgence et systèmes de détection de la dérive de la trajectoire ;
· imposer des règles claires et contraignantes à l'attention des constructeurs concernant l'ergonomie des postes de conduite et la lutte contre les facteurs de distraction que sont par exemple les écrans ou les téléphones ;
· imposer un système visuel et sonore de bouclage de la ceinture sur toutes les places assises pour les véhicules des catégories M1 (voitures particulières) et N1 (camionnettes) ;

Quand on pense que notre ministre des Transports en activité au début de la décennie 2000 (Gilles de Robien) avait demandé à deux reprises, lors de réunions de ministres des transports de l'Union, d'étendre la limitation de la vitesse maximale à la construction sans rien obtenir, il apparaît ridicule de demander à l'Union soit des mesures qui sont déja programmées, soit des mesures qui ne seront pas adoptées (le blocage de toute téléphonie intégrée au véhicule quand le moteur est en marche). L'Union fait précéder ses directives d'un texte qui justifie l'adoption des mesures énoncées dans le document. Parfois les fonctionnaires qui rédigent ces textes expriment une forme de lucidité triste qui a l'avantage de rester associée au document.

Le Rapport de la Commission au Parlement Européen et au Conseil sur la mise œuvre de la directive 92/6/CEE » du 14 juin 2001 présentant l'abaissement de 10 tonnes à 3,5 tonnes de la limite inférieure de poids au dessus de laquelle un véhicule sera équipé d'un limiteur de vitesse à la construction est particulièrement net dans ses conclusions concernant l'intérêt de tels dispositifs pour les voitures particulières. A la section « 4.3 EXTENSION DU CHAMP D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE AUX VÉHICULES DES CATÉGORIES M1 (VOITURES PARTICULIÈRES) ET N1 (CAMIONNETTES) », il est écrit :

« Il est évident que les autobus et les poids lourds ne sont pas les seuls responsables des émissions et des accidents de la route - en réalité, ils n'en sont même pas la cause principale. L'argument concernant le rapport entre la vitesse, d'une part, et la sécurité routière et les aspects environnementaux, d'autre part, est également valable pour les camionnettes et les voitures particulières. Cependant, il faut reconnaître que la limitation de la vitesse maximale des voitures particulières constituerait un problème politique extrêmement controversé. Il faut donc approfondir le débat politique avant l'éventuelle introduction d'un quelconque système de contrôle de la vitesse dans les véhicules des catégories M1 et N1, c'est-à-dire les voitures particulières et les camionnettes. »

Espérer de l'Union des mesures structurelles contraignantes et importantes est une illusion. Se reporter sur l'angle mort des rétroviseurs et sur la signalisation du non port de la ceinture de sécurité est moins ambitieux, mais plus raisonnable.

Mesure complémentaire C16 : compléter la gamme des leviers de communication incitant au changement des comportements sur la route.

Il fallait ajouter l'incitation à réduire la fraude fiscale et les violences faites aux femmes.

Mesure complémentaire C17 : étudier la possibilité de croisements des fichiers utiles à la connaissance des comportements des usagers de la route et des accidents (fichiers BAAC et systèmes d’information géographique des gestionnaires routiers et leurs données caractéristiques de réseau, trafic et vitesses ;
FNPC et fichiers d’Etat civil ; données techniques des constructeurs).

Quand on a lu le rapport Colin, la simple évocation de la possibilité de croiser des fichiers donne envie de pleurer. Que le gouvernement assure le croisement des décisions de justice avec le fichier des retraits de points et il pourra oser parler de croisements de fichiers. Je crois que je vais publier sur ce site l'intégralité du rapport Colin pour que ceux qui s'intéressent à la sécurité routière réalisent l'ampleur du désastre (c'est fait : rapport Colin/Le Gallou).

Mesure complémentaire C18 : pérenniser d’un point de vue technique et financier et étendre dans un premier temps à l’ensemble de la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne le registre du Rhône.

Ce serait une très bonne mesure, mais je pense qu'elle ne sera pas mise en oeuvre. Quand on connaît l'énergie développée par Bernard Laumon pour mettre sur pied ce registre et surtout pour le maintenir, on ne peut avoir que des doutes sérieux sur l'application d'une telle mesure.

Mesure complémentaire C19 : améliorer l’analyse locale de l’accidentalité en ouvrant aux observatoires départementaux (ODSR), régionaux (ORSR) et national (ONISR) un accès aux procès-verbaux des accidents de la circulation détenus sous forme électronique par l’AGIRA-TRANSPV.

Très bonne mesure. La création de transPV a été non seulement un progrès considérable pour faciliter l'indemnisation des victimes d'accidents, c'était son objectif principal, mais elle a permis aux chercheurs d'avoir accès aux procès verbaux d'accidents. Cette possibilité complémentaire de l'usage des BAAC a transformé les capacités de recherche dans plusieurs domaines. Elle permet également de corriger des erreurs contenues dans les BAAC.Il est indispensable que les structures locales assurant l'observation et la gestion de la sécurité routière aient accès aux procès-verbaux

Mesure complémentaire C20 : améliorer les évaluations statistiques des kilomètres parcourus en France.

Cette formulation réduite est surprenante. Nous avons besoin de construire un ensemble de données définies au niveau de l'observatoire interministériel de sécurité routière caractérisant la circulation. Il faut bien entendu les cartes des trafics sur toutes les voies d'un département, au delà d'un seuil. Cette collecte d'informations est faite correctement par de nombreux départements. Il faut ajouter le développement obligatoire d'observatoires des vitesses au niveau de chaque département. C'est le croisement entre le trafic, la longueur des voies et les vitesses pratiquées qui permet de définir des sections de voies ou des itinéraires comportant un excédent de risque au kilomètre de voie ou aux kilomètres parcourus, les deux notions étant complémentaires. La dévolution des voies les plus circulées en dehors des autoroutes aux autorités départementales en 2005 n'a pas été accompagnée d'une définition des données statistiques indispensables pour évaluer les politiques de sécurité routière locales.

Mesure 20 : assurer l’égalité pour tous en matière de respect des règles :
- en créant la contravention de non-révélation de l’identité du conducteur par le représentant d’une personne morale propriétaire du véhicule en infraction (contravention forfaitaire de 4e classe de 650 €) ;
- par un suivi effectif de la mise en jeu systématique de la responsabilité des agents publics qui commettent une infraction avec un véhicule administratif mis à leur disposition (sauf motif légitime inhérent à la mission).

Excellente mesure, indispensable au bon fonctionnement du Contrôle Sanction Automatisé. Elle ne doit pas se limiter aux entreprises, tout propriétaire d'un véhicule confié à un tiers, dans sa famille ou en dehors d'elle, doit être capable de dire qui le conduisait à un moment et un endroit donnés. Cela s'appelle assumer ses responsabilités. Tenir un carnet de bord n'est pas une contrainte insupportable. Dans le cadre des entreprises, il conviendra de s'assurer que le paiement de l'amende forfaitaire est à la charge de la personne propriétaire du véhicule et qu'elle n'est pas réglée par l'entreprise. Une méthode alternative consisterait à tenir compte du nombre de constats d'infraction sans identification du conducteur pour fixer la contribution de l'entreprise au fond qui permet l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Mesure 21 : permettre à certains employeurs, en particuliers les transporteurs, de connaître la validité ou l’invalidité du permis de conduire de leurs employés affectés à la conduite (à l’exclusion du solde de points et de toute autre donnée personnelle).

Là encore une mesure indispensable qui aurait dû être adoptée depuis longtemps, mais la rédaction de la mesure est mauvaise, elle doit concerner toutes les entreprises qui possèdent des véhicules utilisés par leurs employés.

Mesure 22 : restaurer l’égalité de traitement entre conducteurs français et étrangers :
- afin d’assurer le recouvrement de leurs amendes, en inscrivant dans un nouveau fichier les conducteurs non domiciliés en France qui n’ont pas payé leurs amendes forfaitaires majorées (AFM) ;
- à court terme, en créant un « permis à points virtuel » pour les contrevenants étrangers lors de leur passage sur les routes françaises, qui fonctionnerait comme un permis de conduire à points français ;
- en promouvant fortement au plan européen l’adoption d’une législation permettant la reconnaissance mutuelle entre Etats membres du retrait des points et des permis de conduire.

Ces mesures sont importantes. Le dispositif LAPI serait utilisable pour intercepter les véhicules immatriculés hors de France et contrôlés en infraction par le CSA. Ce dernier constituerait un fichier actualisé régulièrement de ces immatriculations, exploitable par les ordinateurs de bord des véhicules équipés du LAPI.

Mesure complémentaire D21 : dématérialiser les rapports des contrevenants avec l’administration dans le cadre du paiement des amendes, de la contestation de l’infraction et du transfert de points.
Mesure complémentaire D22 : améliorer les relations entre l’usager de la route et l’administration en simplifiant les conditions de recours en matière de contravention issue du contrôle automatisé, faisant en sorte que les conditions de recevabilité soient simplifiées .
Mesure complémentaire D23 : dans le cadre des nouvelles infractions traitées par le contrôle  automatisé, rendre possible l’envoi d’avis de contravention (ACO) pédagogiques.

Cet ensemble de mesures va faciliter la contestation et l'on sait que la contestation abusive a été une méthode développée systématiquement par les usagers et leurs conseils pour aboutir à l'arrêt des procédures en exploitant toutes les ressources du juridisme, conçu comme une forme de destruction de la loi. La notion d'avis de contravention pédagogique relève de la pure démagogie.

Mesure complémentaire D24 : informer les citoyens, par l’intermédiaire d’un rapport annuel au Parlement dans le cadre des lois de finances, de la destination des crédits issus du produit des amendes, en demandant notamment à l’AFIFT (agence de financement des infrastructures de transport de France) de veiller à ce que la part des crédits lui revenant finance tout ou partie des actions d’amélioration de la sécurité routière.

Lors de l'installation du CSA, les décideurs politiques avaient annoncé que l'excédent des recettes produit par ces contrôles automatisés serait affecté à des actions d'amélioration de la sécurité routière. Les rapports publiés annuellement sur le bilan financier du CSA ont rapidement mis en évidence un détournement de ces fonds vers des activités qui n'influencent pas directement l'insécurité routière. Accroître dans des délais courts le nombre de radars mobiles est une action concernant principalement la sécurité routière. Assurer la traçabilité des transmissions des procédures jusqu'à leur terme, notamment pour que les retraits de points soient effectifs, est également une urgence exigeant des financements appropriés. C'est à ces fins qu'il convient d'assurer des financements utilisant les excédents de recette du CSA.

Mesure complémentaire D25 : renouveler le mandat du Conseil national de la sécurité routière (CNSR) en le confortant dans son rôle du conseil du gouvernement et en veillant à une représentativité de tous les porteurs d’intérêt.

Le ministre a ridiculisé le CNSR dès sa première présence à une réunion de cette assemblée en 2014. Il est intervenu avant la présentation du rapport de la commission vitesse sur la proposition de réduire à 80 km/h la vitesse maximale autorisée sur le réseau actuellement limité à 90, et avant la délibération du CNSR suivi du vote. Il a tué dans l'oeuf le débat sur la mesure en indiquant qu'il ne l'appliquerait pas. Il a mis ensuite en place une pseudo-expérimentation du passage à 80 km/h qui est une bonne illustration de sa méthode de travail.

Mesure complémentaire D26 : conforter la mobilisation de l’expertise du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et de l’institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) au profit de la sécurité routière.

Paroles, paroles , qui ne correspondent pas à l'évolution des effectifs.

Mesure complémentaire D27 : expérimenter, en liaison avec le monde professionnel de l’enseignement de la conduite et les assureurs, le continuum éducatif du citoyen usager de la route (CECUR), qui vise à instaurer un enseignement collectif avant et après le passage de l’épreuve pratique et à créer des rendez-vous pédagogiques postérieurs à cette épreuve, sur la base d’une réduction proportionnelle de la période d’apprentissage à l’obtention du permis.
Mesure complémentaire D28 : mobiliser la réserve citoyenne de l’éducation nationale au service de la sécurité routière.
Mesure complémentaire D29 : achever le continuum éducatif en sécurité routière pour les entrants au lycée et dans les centres de formation des apprentis (CFA) par la généralisation aux centres de formation des apprentis privés.

J'entends ce type de propos depuis des années.

Mesure complémentaire D30 : conclure une nouvelle convention quinquennale 2015 – 2020 entre l’Etat et les assureurs.

La précision de la mesure est affolante.

Mesure complémentaire D31 : faciliter, en lien avec les organisations professionnelles, l’accès au permis de conduire par un élargissement et un approfondissement du dispositif du permis à 1 € par jour.

Elargir et approfondir une pièce de 1 € ne va pas accroître considérablement sa valeur. Quand des familles n'ont pas les moyens d'assumer le coût de la formation au permis de conduire, elles n'ont pas non plus les moyens de rembourser un prêt. Toutes les publicités des organismes de prêt ont maintenant l'obligation de signaler qu'il ne faut pas contracter des prêts que l'on sera incapable de rembourser. Si les fonds excédentaires du CSA étaient utilisés notamment pour des bourses permettant d'accéder au permis de conduire au dessous d'un seuil de ressource, la mesure aurait un sens.

Mesure complémentaire D32 : élaborer et distribuer un label « sécurité routière ».

j'attends pour voir : quels seront les critères ? la tenue d'un carnet de bord permettant d'identifier de façon constante un employé qui a fait un excès de vitesse constaté par le CSA ?

Mesure complémentaire D33 : s’appuyer sur l’entreprise pour renforcer la prévention et la sensibilisation à la sécurité routière, notamment à travers la mise en oeuvre du 3e plan santé au travail et en étudiant l’ajout de clauses optionnelles « sécurité routière » dans le code des marchés publics.

Ouf, les clauses seront optionnelles, ce sera moins douloureux pour les "moins disants" et les "malfaisants".

 

Conclusions

Il y a deux formes de gestion de la sécurité routière par des comités interministériels. Celle qui définit une politique et celle qui gère les décisions prises pour en assurer l’effectivité et évaluer leur efficacité. Nous devons ajouter une nouvelle variété : le CISR privilégiant la communication. Une démarche gouvernementale destinée à remettre sur pied une politique de sécurité routière ne se bricole pas en quelques semaines. Nous venons d’en avoir la preuve. Après quatre ans sans CISR, le choix précipité d’un retour au fonctionnement interministériel ne pouvait relever que de l’incantation avec un flot de mesures insuffisamment définies et souvent peu crédibles. Bien entendu nous pouvons constater que deux ou trois mesures utiles et courageuses sont annoncées, mais j'attends de voir quand elles seront effectives (l'amende sanctionnant l'absence d'identification des conducteurs de véhicules d'entreprise, la sous traitance de l'usage des radars automatiques mobiles, mais elle imposerait, pour être efficace, un accroissement du nombre de ces radars beaucoup plus important que celui qui est annoncé, la réalisation d'une cartographie validée des limitations de vitesse permettant de mettre en oeuvre une peine complémentaire sous la forme d'un usage obligatoire d'un limiteur automatique de vitesse non débrayable).

Que peut-on espérer d'une telle accumulation de décisions ?  La situation ne me semble pas différente de celle que nous avons connue en janvier dernier avec les 26 mesures annoncées par le ministre de l'intérieur. Il n'y a pas eu de rupture dans une politique plus contemplative qu'active. Quand un nouveau plan de sécurité routière crédible est annoncé, les gains en vies sauvées sont immédiats. Ce fut le cas en janvier 1974 et en janvier 2003. Les mesures peuvent ne pas être immédiatement effectives, mais leur sérieux est admis par les usagers et ils modifient leur comportement. Nous ne sommes pas dans une telle éventualité.

Le bilan du dernier trimestre sera un bon indicateur de l'évolution à laquelle nous pouvons nous attendre pour l'année 2016. Je ne vois pas de raison d'envisager des progrès importants.