La notion d'exposition à un facteur de risque est à la base de toutes les analyses concernant la sécurité sanitaire. Elle est mieux comprise si l'on distingue le risque du danger.
- L’indication « virage dangereux » a un sens précis. Un rayon de courbure qui se réduit, un dévers transversal vers l’extérieur, un revêtement n’assurant pas une bonne adhérence peuvent favoriser la survenue d’un accident. Le danger identifie alors une caractéristique de la route constituant un facteur de risque.
- Affirmer que l'usage d'un téléphone en conduisant multiplie par quatre le risque d'être impliqué dans un accident exploite un calcul établissant une probabilité de survenue d'un événement. Le langage courant utilise fréquemment la notion de risque faible ou élevé, ces expressions expriment une notion semi-quantitative. Il est préférable d'exprimer le risque par une valeur qui le quantifie, en précisant éventuellement l'intervalle de confiance de la valeur retenue.
Effectuer un parcours routier expose à des facteurs de risque très variables. Deux sont indissociables de cette activité, il s'agit de la distance parcourue et de la vitesse à laquelle ce déplacement s'est effectué.
"La vitesse n’est pas un facteur d’accident comme les autres, puisqu’inhérent à la notion même de déplacement. La vitesse constitue le seul facteur réellement causal d’accidents, les autres facteurs habituellement avancés comme tels n’étant que des facteurs secondaires (ne serait-ce que parce qu’ils sont inopérants à vitesse nulle) venant « seulement » accentuer la relation vitesse-accident (ou l’atténuer pour les facteurs protecteurs) » (Bernard Laumon).
Les distances parcourues ont été fortement accrues depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'au début des années 2000. Leur croissance a été faible depuis le début des années 2000 et proche de la stabilité depuis 2007.
Heureusement, la mortalité sur les routes n'a pas suivi l'évolution des distances parcourues. Les différentes formes de réduction de la mortalité au kilomètre parcouru (véhicules, routes et règles de circulation) se sont conjuguées pour réduire la mortalité globale à partir de 1972.
La division de la mortalité par les kilomètres parcourus produit le graphique le plus éclairant sur les progrès de la sécurité routière en tenant compte du service rendu. Nous sommes passés de 102 tués pour un milliard de kilomètres parcourus en 1960 à 5,8 tués en 2013.
Une telle évolution de la mortalité est un phénomène rare dans le domaine de la santé publique. Elle traduit l'efficacité d'un dispositif que l'on peut considérer comme à la fois très contraignant et très efficace. Cette évolution ne s'est pas faite sans une recherche du progrès dans les trois grands facteurs de réduction des risques.
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l'action sur la sécurité primaire (celle qui réduit le nombre des accidents) et secondaire (celle qui diminue les conséquences des accidents) des véhicules,
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l'amélioration des infrastructures,
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les modifications des règles de circulation et un meilleur respect de ces règles.
Ces facteurs agissent de façon multiplicative. Cette notion est fondamentale mais cependant mal comprise. La multiplication ou la division d'un niveau de risque par la combinaison de deux facteurs n'impliquent pas que ces facteurs interagissent directement l'un sur l'autre. Ils peuvent agir par des mécanismes totalement indépendants et cependant le résultat final sera le produit d'une multiplication. Si un trajet est transféré d'une route "ordinaire" sans séparation des sens de circulation et avec des carrefours à niveau vers une autoroute, le risque d'accident mortel est divisé par un facteur proche de cinq. Si un port obligatoire de la ceinture de sécurité qui divise par deux la mortalité est ajoutée à ce facteur lié à l'infrastructure le résultat final sera une réduction proche de dix fois la valeur initiale.
Il est difficile d'évaluer de façon précise le rôle de l'évolution de chacun des trois grands facteurs d'amélioration de la sécurité routière au cours des cinquante dernières années. Certains sont quantifiés avec précision, d'autres pas. Sans vouloir éviter abusivement les querelles de clocher, il est acceptable d'envisager une réduction par 2,5 de chaque facteur de protection (2,6 x 2,6 x 2,6 = 17,6).
Il faut également avoir à l'esprit l'influence de l'évolution des facteurs agissant à l'intérieur de chaque groupe. Ils peuvent varier en sens inverse. Les voitures ont une vitesse maximale en 2015 beaucoup plus élevée qu'en 1960, mais d'autres facteurs ont heureusement agi dans le sens de la réduction du risque et l'évolution du dispositif de contrôle des vitesses a fait plus que compenser cette dérive des puissances et des vitesses maximales. L'évolution du parc de motos puissantes a été d'une nocivité majeure dans le bilan global de la sécurité routière. Les distances parcourues sont faibles, la mortalité énorme.