méthode pour l'analyse du livre

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Exemple du type d'erreur à analyser

L'auteur veut prouver que la ceinture de sécurité a été plus efficace que la limitation de vitesse des voitures en 1973 pour réduire la mortalité sur les routes. "L'obligation du port de la ceinture est liée à la sécurité routière alors que la limitation drastique de la vitesse suit des objectifs avant tout économique" (p.35). Il va utiliser une description fausse des mesures de 1973 et en faire une interprétation allant à l'opposé de celle que l'on pouvait en faire.

descriptions et interprétations d'Airy Routier (p. 34 et 35)

rappel des faits

La France fut le premier pays européen à imposer le port de la ceinture. Pierre Messmer décidait en même temps, pour la première fois en France, d’instaurer des limitations de vitesse : 110 km/h sur ces autoroutes qui commençaient à mailler la France et avaient été conçues pour une vitesse moyenne de 140 km/h

Les décisions appliquées en juillet 1973 associaient au port obligatoire de la ceinture aux places avant une limitation de la vitesse à 110 km/ sur les voies à grande circulation et à 100 km/h sur le reste du réseau. Elles ne concernaient pas le réseau autoroutier. Ce réseau routier était conçu pour une vitesse maximale et non moyenne de 140.

Sur ce point l’objectif affiché était moins la sécurité routière que les économies d’énergie. Car 1973 est aussi l’année du premier choc pétrolier, aussi violent qu’inattendu, provoqué par l’OPEP après la guerre du Kippour ». la limitation de vitesse de juillet sur la quasi-totalité du réseau sauf les autoroutes n'avait pas un objectif économique lié au premier choc pétrolier puisque ce dernier surviendra lors de la guerre du kippour (événement violent et inattendu) se produisant le 6 octobre 1973 trois mois après.
Rétrospectivement il apparaît clairement que l'obligation du port de la ceinture fut la mesure décisive. A époque le lobby de la sécurité routière, qui se renforçait puissamment, mit cependant l'accent sur le rôle des limitations de vitesse. Il hurlera au bout de quelque temps lorsque le choc pétrolier une fois encaissé, le gouvernement décidera de rehausser les limitations à leur valeur d'aujourd'hui. Sans d'ailleurs provoquer une augmentation du nombre de tués. Au moment du choc pétrolier la vitesse sur les autoroutes n'était pas limitée. Le taux de mortalité était de 3,6 tués par 100 millions de kilomètres parcourus. Quand la vitesse a été abaissée à 120 km/h (et non 110) à compter du 3décembre ce taux s'est abaissé à 1,5 soit une réduction de plus de 50% de la mortalité. Le 16 mars 1974 la vitesse a été augmentée à 140 et le taux de mortalité est remonté à 2,1 puis le 6 novembre 1974 la vitesse a été abaissée à 130 et le taux est redescendu à 1,5 tué.

Donc :

Un graphique publié à de multiples reprises depuis cette période (notamment dans le livre blanc de la sécurité routière de 1990 et dans l'ouvrage de Cohen et collaborateurs : Limitations de vitesse, les décisions publiques et leurs effets – Editions Hermès 1998 page 69.) illustre ces décisions, leur calendrier et leurs conséquences dans le domaine de la mortalité sur les autoroutes :

mortalité sur les autoroutes en 1973

Définition d’une méthode d’analyse

 Il sera nécessaire non seulement de démonter chaque argument erroné ou utilisé abusivement dans le livre d’Airy Routier, mais également de classer les mécanismes de cette désinformation complexe, à l’image de l’accident de la route. Ce dernier est le produit du dysfonctionnement d’un système associant de multiples facteurs liés à l’usager, au véhicule et à l’environnement routier. Ces facteurs sont en interaction et le système est évolutif, exigeant à tout moment une capacité de juger la signification des changements observés par l’analyse de séries chronologiques. Il est d’autant plus facile de travestir une réalité qu’elle relève d’un environnement multifactoriel et instable. C’est ce qui fait l’intérêt de cette analyse.

 Autrement dit, malgré le caractère massif de la désinformation,  nous ne sommes pas confrontés à un problème analogue à celui posé par Thierry Meyssan quand il a publié son livre « L’effroyable imposture », reprenant toutes les rumeurs propagées sur internet dans les suites des attentats du 11 septembre à New-York et à Washington pour démontrer qu’aucun avion ne s’est jamais abattu le 11 septembre 2001 sur le Pentagone et que toute cette affaire était un complot d'Etat des Américains. Il s’agissait alors d’un événement unique, se produisant à un endroit déterminé, dans un contexte permettant d’affirmer que ce livre n’était qu’une exploitation de la crédulité humaine construit avec une sélection d’affirmations sans preuves qui s’effondrerait rapidement, mais permettrait de vendre plus de 100 000 exemplaires de ce véritable canular. Avec le livre d’Airy Routier nous sommes confrontés à une entreprise beaucoup plus dangereuse, car elle donne l’apparence d’être fondée sur des réalités et elle concerne un problème important dont la bonne gestion doit être poursuivie. Elle tente de convaincre tous les Français utilisant un véhicule imposant la possession d’un permis de conduire qu’ils sont en passe de perdre cet accès à la liberté de se déplacer. Le livre veut créer une inquiétude suffisamment forte pour mettre en question la pertinence et l’intérêt d’un dispositif de contrôle et de sanction qui a fait passer la France du groupe des mauvais gestionnaires de la sécurité routière vers le groupe des meilleurs.

 Pour faciliter la compréhension des mécanismes de la désinformation, chaque élément utilisé pour la construire sera identifié par un code et une numérotation. Cela  facilitera également leur classement et la production d’une table des matières.

 

 

 

 

Chaque erreur sera cotée entre parenthèses par une lettre et un nombre. La lettre désigne la nature de l’erreur et le nombre est un numéro d’ordre.

 Les erreurs sur les faits regroupent :

Les erreurs sur les méthodes regroupent

  •       L’erreur logique simple, les prémisses ne permettent pas la conclusion (L pour logique)

  •       L’erreur par omission de faits qui ne s’accordent pas avec une conclusion fondée sur des connaissances partielles (O pour omission). Il faut remarquer que très fréquemment l'omission sera "réparée" dans d'autres chapitres, l'auteur se contredisant fréquemment à quelques dizaines de pages d'intervalle. Le lecteur qui n'est pas particulièrement formé à l'accidentologie va pouvoir adhérer facilement aux pseudo démonstrations de l'auteur du fait de ces omissions, le bon renseignement n'est pas donné au bon moment.

  •       L’erreur d’interprétation des objectifs et des méthodes des acteurs du système que l’on peut subdiviser en deux groupes :

    •       La théorie du complot - des faits nous sont cachés alors qu’ils sont publiés et aisément accessibles (C pour complot)

    •        La théorie de la manipulation - des faits sont mis en scène artificiellement pour justifier des décisions ou influer sur nos convictions (M pour manipulation).