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les bases du raisonnement de sécurité

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La lutte contre l'insécurité routière s'inscrit dans la durée et il est indispensable de connaître les délais dans  lesquels les mesures prises peuvent intervenir pour interpréter les résultats

 Dans tous les pays du monde, l’insécurité routière passe par des phases successives.

 Le développement initial est caractérisé par l’introduction de véhicules motorisés transportant des marchandises et des voyageurs, associés à de rares voitures, dans une circulation composée majoritairement de piétons et de cyclistes. La mortalité touche principalement ces deux groupes vulnérables, le taux de mortalité demeure faible dans la population générale, mais le taux de mortalité au kilomètre parcouru avec un véhicule à moteur est très élevé.

 La période suivante est marquée par la croissance forte et régulière des utilitaires (camionnettes, camions) et des voitures personnelles se combinant à une quantité rapidement croissante de deux roues motorisés sous toutes leurs formes (cyclomoteurs, motos de faible et de forte puissance). La mortalité accidentelle s’accroît alors rapidement. C’est la situation que nous avons connue en France de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à l’année 1973.

 Plusieurs facteurs vont alors s’associer pour provoquer le passage à la phase suivante qui se caractérise par une régression du nombre de tués sur les routes et donc du taux de mortalité, qu’il soit rapporté au nombre d’habitants, au nombre de véhicules ou au nombre de kilomètres parcourus. Cette amélioration survient alors que le kilométrage total continue de s’accroître et qu’une proportion importante d’usagers de deux roues motorisés passe vers la voiture particulière du fait d’un accroissement de leurs revenus.

 Les principaux facteurs de l’amélioration de la sécurité routière sont alors  :

 Nous sommes toujours dans cette phase et nous allons nous y maintenir comme tous les autres pays industrialisés, mais avec des progrès qui peuvent être très irréguliers, car ils combinent des actions exerçant leurs effets dans des échelles de temps différentes. Ce point est important car un des procédés utilisés par Airy Routier consiste à confondre les temporalités pour attribuer des effets à des causes qui ne peuvent pas intervenir efficacement dans les délais qu’il envisage.

 La temporalité de la lutte contre l’insécurité routière en France

 La transition vers la décroissance du risque routier s’est faite brutalement en juillet 1973. Durant les 10 dernières années, elle a connu une période de relative stagnation de 1997 à 2002, suivie d’une reprise très forte de la réduction des risques à partir de décembre 2002. Ces faits sont mieux illustrés par des graphiques que par des textes et des tableaux. Trois courbes sont utiles pour illustrer l’évolution longue, la période d’efficacité relativement régulière de 1973 à 1997 et la dernière décennie.

 La première met en évidence la brutalité de la transition de 1973. Pendant les trente années précédentes, la mortalité évoluait de façon croissante et linéaire, comme le trafic routier. Les décisions du début de l’été 1973 associant la limitation généralisée de la vitesse sur le réseau national au port obligatoire de la ceinture aux places avant hors agglomération n’ont pu exercer leur effet que sur un semestre de cette année de rupture de la tendance. La première année pleine de leur efficacité a été l’année 1974, la réduction de la mortalité avait été de 20 % par rapport à l’année 1972.

 La période suivante (1973-2002) se caractérise par :

 La dernière période commence en décembre 2002. Les cinq années précédentes avaient été marquées par une relative stagnation de l’insécurité routière. Il faut cependant distinguer une aggravation des résultats en 1998 faisant remonter la mortalité d’environ 500 tués, puis une décroissance lente. Sur la période mai 1997/mai 2002 qui correspond à une législature, la mortalité s’est réduite de moins de 3%. La transition de 2002 s’est amorcée en juin, alors que le président de la République avait annoncé en avril qu’il n’y aurait pas d’amnistie des fautes de conduite s’il était réélu. Cette reprise des bons résultats suivait une période de dégradation comme lors des deux précédentes élections présidentielles. L’amélioration s’est poursuivie après l’annonce du 14 juillet 2002 faisant de la lutte contre l’insécurité routière une priorité du quinquennat, mais l’amélioration a été modérée jusqu’au dernier mois de l’année. La cassure brutale est intervenue en décembre 2002 avec une réduction de la mortalité de plus de 30% par rapport au mois de décembre 2001. L’amélioration se poursuivra jusqu’en décembre 2006. Le bilan global à la fin de 2006 est une réduction de plus de 40% du nombre de tués sur les routes. Le graphique ci-dessous utilise une représentation en valeur glissante, c'est à dire en calculant chaque mois la mortalité des 12 derniers mois (par exemple quand les résultats de décembre 2006 sont connus on supprime le résultat de décembre 2005 et l'on calcule le total des tués de janvier à décembre 2006, c'est à dire que chaque fin décembre la mortalité des douze derniers mois est égale à la mortalité annuelle. L'avantage de cette représentation est de permettre de remarquer une tendance en cours d'année, cette représentation graphique est utilement complétée par celle qui analyse mois par mois la mortalité en la comparant au mois équivalent de l'année précédente).

 

La temporalité des actions qui s’associent pour améliorer les résultats

L’amélioration de l’infrastructure produit des résultats au niveau national uniquement sur le long terme. Les politiques d’optimisation de l’usage des crédits (méthodes évaluant le coût et les avantages) ont été initiées dès la fin des années soixante et les ingénieurs des ponts et chaussées ont joué un rôle de pionniers dans ce domaine. Ces outils de gestion ont permis la réduction des « points noirs », c'est-à-dire de zones limitées de la voirie sur lesquelles s’accumulaient les accidents. Actuellement cette phase caractérisée par des actions ponctuelles peut être considérée comme terminée. Ce sont des sections de routes nationales ou départementales à grande circulation, très surchargées et constituées par des chaussées à deux ou trois voies sans séparateur médian qui sont les plus dangereuses au kilomètre de voie, mais aussi les voies secondaires. Ces dernières regroupent environ la moitié des accidents mortels observés dans notre pays, avec une faible mortalité par kilomètre de voie et un grand nombre de kilomètres parcourus sur le réseau le plus long d’Europe, ce qui explique le grand nombre de tués sur ces voies. Il est impossible de créer des autoroutes et des voies rapides partout et il faudra poursuivre les améliorations de la sécurité du réseau secondaire, notamment par la séparation des voies de circulation sur les routes où la circulation est la plus dense, l’amélioration du marquage au sol et de la signalisation. Une expertise de l’ensemble de l’infrastructure par des organismes spécialisés doit être instituée, elle conditionne la qualité. Une action sur les obstacles verticaux est indispensable, elle se met en œuvre beaucoup trop lentement. Toutes ces actions influencent fortement la mortalité sur des décennies, leur action d’une année sur l’autre est trop faible pour mettre en évidence des différences significatives.

L’amélioration des véhicules agit avec un calendrier différent, nettement plus rapide que l’amélioration de l’infrastructure. La durée de vie moyenne d’une voiture particulière dépasse maintenant 15 ans. Cela ne signifie pas que tout le parc se renouvelle en une quinzaine d’années, une fraction des véhicules neufs atteint 20 ans voire 25 ans de service avant qu’une très faible proportion passe dans le camp des véhicules de collection, mais certains disparaissent par accident dès les premières années. L’amélioration des structures des véhicules a été constante au cours des quarante dernières années. Elle a accru la sécurité secondaire (celle qui diminue les conséquences d’un accident qui n’a pu être évité). La sécurité structurelle d’un véhicule moderne n’a rien à voir avec celle d’une 2 chevaux ou d’une R4. En outre de nombreux équipements protecteurs sont apparus depuis l’installation des ceintures de sécurité. Les sacs gonflables sont un bon exemple d’équipement efficace qui est d’abord apparu sur des véhicules haut de gamme, puis a diffusé lentement avec des améliorations quantitatives progressives (multiplication des sacs dans le même véhicule) et qualitatives (optimisation des formes et des volumes). Nous sommes encore loin de l’équipement complet du parc avec les dispositifs les plus protecteurs. Le développement de nouvelles formes de sécurité primaire(celle qui évite l’accident) est une des évolutions actuelles, notamment les dispositifs électroniques de correction de trajectoires qui permettent de prévenir des sorties de route liées à des pertes de contrôle. Il faudra des années avant d’avoir un parc entièrement équipé et de connaître avec précision le service rendu. Les études accidentologiques indispensables sont difficiles, car il faut contrôler de nombreux facteurs associés et les investissements de recherche sont insuffisants.

Rappelons que nous avons été un certain nombre à réclamer que les bulletins d’analyse d’accidents corporels remplis par les policiers et les gendarmes indiquent correctement l’identifiant technique des véhicules. Des progrès ont été réalisés, mais il n’y a toujours pas d’analyse de ces données dans le bilan annuel de l’ONISR (Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière). Il faut également rappeler que l’organisme financé par les constructeurs français qui collecte les données des cartes grises (l’association auxiliaire de l’automobile) a refusé de communiquer ses données à des chercheurs. Il faut pouvoir documenter tous les facteurs de confusion pour être capables de produire des analyses fines de la réduction des accidents attribuables à ces nouveaux dispositifs. Nous savons en particulier que les jeunes conducteurs qui ont le plus d’accidents conduisent des véhicules plus anciens et moins protecteurs que les véhicules conduits par des usagers plus avancés dans leur vie professionnelle et disposant de moyens économiques supérieurs. Leurs véhicules sont également moins lourds en moyenne et le risque est alors accru quand ils entrent en collision avec des véhicules à la fois plus récents, plus lourds, disposant de systèmes de protection passive plus efficaces, et éventuellement de dispositifs de protection active.

Pour des raisons évidentes liées à la durée de vie d’un véhicule, il est impossible d’attribuer à l’amélioration des véhicules la moindre part dans l’amélioration brutale des résultats de la sécurité routière à la fin de 2002. Il suffit de regarder un graphique de la mortalité en moyenne glissante mensuelle pour en être persuadé. Ni les modifications de l’infrastructure, ni les évolutions des véhicules, ni la modification du kilométrage parcouru ne peuvent avoir contribué à l’effondrement de 30% de la mortalité sur les routes d’un mois sur l’autre en décembre 2002, avec une poursuite à l’identique au cours des mois suivants. Seule une modification des comportements est susceptible d’avoir provoqué ce résultat.

Les actions sur les usagers sont les seules qui peuvent produire des effets à court terme. Elles appartiennent à trois catégories principales :