vitesse et accidents mortels

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A deux reprises, dans le domaine très important de la relation entre vitesse et dommages, Airy Routier cite un fait déformé pour en modifier le sens. Il s’agit de la distribution des vitesses lors d’accidents mortels.

« Les progrès de la sécurité passive sont fantastiques. Le basculement majeur a eu lieu dans les années quatre-vingt-dix. « Ce sont les voitures les plus récentes (moins de quatre ans) qui ont occasionné le moins de morts (19.9% des tués de la route en 2005) tandis que les voitures de plus de huit ans en totalisent 43%, révèle une enquête de l’Auto-Journal pour qui « les améliorations apportées au réseau routier jouent un rôle mineur » Tout comme la vitesse puisque, aujourd’hui « 97% des accidents mortels surviennent à une vitesse inférieure à 75 km/h » (FSP p.47).
Pour contester l’efficacité d’une limitation de la vitesse des voitures à la construction, cette notion est reprise page 162. « Surtout elle n’a aucun sens alors que l’on a vu que 97% des accidents mortels surviennent à une vitesse inférieure à 75 km/h »
Un passage utilise une information complémentaire, mais elle comporte une inexactitude dans la définition de la notion de vitesse résiduelle qui réduit la compréhension du propos et surtout le lien entre vitesse à l’impact et vitesse de circulation n’est pas décrit : « On a vu que la quasi-totalité des accidents observés sur la route se produisent à des vitesses résiduelles (après freinage) comprises entre 47 et 74 km :h. » (FSP p.48)

La discipline accidentologique a défini des termes avec précision. Ne pas les utiliser ou les utiliser à tort, fait partie des mauvaises pratiques destinées à instaurer la confusion et l’incompréhension. Rappelons les expressions utilisées pour caractériser les différentes formes de la notion de vitesse lors d’un accident :

Vitesse : espace parcouru dans un temps donné. En ligne droite (vitesse linéaire), elle s’exprime en mètres par seconde (m/s) ou en kilomètres à l’heure (Km/h).

Vitesse de circulation : c’est celle à laquelle un véhicule se déplace sur une route. Elle est limitée par la réglementation à 50, 90 ou 130 Km/h suivant que l’on est en agglomération, sur le réseau ordinaire ou sur autoroute. Il n’y a pas d’unification des vitesses maximales sur le réseau européen. C’est le conducteur qui fixe sa vitesse de circulation, en fonction du contexte routier, des possibilités de son véhicule et de sa volonté de respecter et de faire abstraction des limites autorisées. Le graphique ci-dessous reproduit les données collectées par Bohlin, un ingénieur de la firme Volvo qui a reconstitué les vitesses de circulation dans un grand nombre d’accidents. La référence de la publication d’origine avec son graphique, sont reproduits dans le document : Dbohlinceinturevitesse.pdf

risque et vitesse de circulation

Vitesse de collision ou vitesse à l’impact : vitesse d’un véhicule ou d’un corps quelconque au moment où il heurte un obstacle. Elle est égale ou inférieure à la vitesse de circulation et le rapport entre vitesse à l’impact et vitesse de circulation varie de 0 à 1. Un véhicule circulant à 90 km/h peut être surpris par un animal errant, freiner et leur heurter à une vitesse très faible (rapport roche de 0). Le même véhicule peut être heurté frontalement par un véhicule qui allait le croiser et dont le conducteur a perdu le contrôle. La vitesse de collision est alors identique à la vitesse de circulation (rapport 1).
Vitesse résiduelle : un véhicule peut ne pas annuler totalement sa vitesse après avoir heurté un obstacle (fixe ou mobile) en particulier quand il l’aborde avec un angle aigu (glissière de sécurité), il conserve alors une vitesse résiduelle après le choc. La définition donnée par Airy Routier de la vitesse résiduelle (vitesse après freinage n’est pas conforme aux conventions des accidentologistes.

La variation de vitesse est la différence entre la vitesse de circulation et la vitesse résiduelle. Quand les accidentologistes spécialisés dans l’étude des véhicules impliqués dans des accidents mesurent les déformations et les comparent aux bases de données établies par les constructeurs lors de chocs expérimentaux, ils estiment la variation de vitesse et la réunion de très nombreux accidents permet de définir statistiquement  le risque d’être tué en fonction de la variation de vitesse lors de l’impact. Ils vont alors produire des graphiques tels que celui qui est présenté ci-dessous établi par l’association Peugeot-Renault (APR) en collaboration avec les équipes médicales travaillant avec les constructeurs, notamment celle de Garches où travaillait Claude Got. L’OAIS est un indice de gravité de l’accident, le niveau 6 correspond à un accident mortel. La variation de vitesse est désignée par le symbole deltaV.

risque en fonction du deltaV

L’observation d’un grand nombre de véhicules accidentés permet également de tracer le graphique de la distribution des véhicules en fonction des variations de vitesse subies lors de la collision. C’est ce dénombrement qui permet d’obtenir la proportion citée par l’Auto-Journal et reprise par Airy Routier de 97% des accidents survenant avec une variation de vitesse inférieure à 75 km/h. Ce niveau de variation de vitesse n’a pas de relation directe avec la vitesse de circulation. Un automobiliste peut rouler à 150 km/h sur une autoroute (vitesse de circulation), être surpris par un véhicule qui effectue un dépassement sans précaution et le heurter à l’arrière malgré son freinage avec une variation de vitesse de 20 km/h.

Nous sommes incapables de produire actuellement une distribution fiable des vitesses de circulation de l’ensemble des voitures particulières impliquées dans des accidents mortels. La généralisation des antiblocages de roues au freinage fait que les traces de freinage sont de plus en plus rares avant les collisions et il faut des études très spécialisées des traces de ripage après les chocs et des mesures précises des emplacements finaux des véhicules pour pouvoir exploiter les logiciels informatiques reconstituant les trajectoires et les vitesses initiales.
Nous n’avons pas besoin de ces données précises pour affirmer que l’usage de ces valeurs par Airy Routier dans le sens d’une vitesse de circulation est une imposture. L’observatoire des vitesses produit des distributions de vitesse sur les différents réseaux et l’on voit facilement que les vitesses de circulation sur le réseau secondaire, qui n’est pas le plus rapide mais où l’on observe une fraction importante des décès, ont une médiane dans l’intervalle 80/90 km/h. Moins de 20% des voitures particulières ont une vitesse de circulation inférieure à 75 km/h.

Commentaires
Quand on veut installer ou conforter une idée fausse chez ses lecteurs, il est commode d’avoir un usage sélectif des concepts. Quand Airy Routier indique que  la limitation de vitesse maximale par construction : «n’a aucun sens alors que l’on a vu que 97% des accidents mortels surviennent à une vitesse inférieure à 75 km/h », il veut faire croire qu’il ne faudrait pas rouler à plus de 75 km/h pour prévenir la majorité des accidents. En omettant de définir la relation très variable entre vitesse de circulation et variation de vitesse lors d’un choc, il ne donne pas à son lecteur les informations pertinentes.

Faire croire qu’il faudrait rouler à des vitesses très basses pour éviter un grand nombre de tués sur les routes est faux. Les bons résultats obtenus depuis 2002 ont confirmé qu’une réduction de 10% de la vitesse moyenne réduit d’environ 40% la mortalité.

Il est également faux d’affirmer que la limitation de vitesse à la construction n’influerait que sur les accidents survenant au-delà de la vitesse maximale autorisée. Les véhicules très puissants et rapides circulent plus vite que les véhicules « raisonnables » dans toutes les configurations de circulation. Leurs performances incitent à aller vite.

Créer la confusion entre vitesse de circulation et variation de vitesse lors d’une collision est une manipulation utilisée de façon répétitive par ceux qui nient l’importance de la vitesse dans les accidents. Elle fonctionne en exploitant deux arguments différents :