second éditorial de février 2011

Depuis 12 ans que je développe ce site internet sur la sécurité routière, je n'ai jamais produit quatre éditoriaux en quatre mois. Un ou deux par an suffisaient pour commenter l'actualité. L'évolution récente du débat sur le permis à points et la publication le 10 février des très mauvais résultats de janvier, avec une croissance de 21,2% de la mortalité, justifient cette fréquence. La situation est complexe, évolutive, avec des doutes et des certitudes, il convient de faire le point mois après mois sur un débat qui devient confus. Ce second éditorial pour février a été mis en ligne le 11 février.

Sur l'interprétation des données statistiques, je produis par ailleurs une analyse des données mensuelles. Elle facilite la compréhension d'une variation soudaine et très importante de l'accidentalité. Un tel événement isolé ne relève pas de l'analyse d'une série chronologique avec les méthodes mathématiques utilisées par les spécialistes de ces études. Il convient de rechercher des événements exceptionnels comparables sur une période longue qui peuvent constituer des facteurs explicatifs plausibles.

Le résultat de janvier 2011 permet de tracer le graphique suivant représentant les mois de janvier depuis le gouvernement Jospin jusqu'au gouvernement Fillon. Il faut remarquer :

évolution des mois de janvier depuis 1998

Les bases du débat en ce début de février peuvent se résumer de la façon suivante :

Quels facteurs sont susceptibles d'avoir contribué à l'augmentation exceptionnelle de la mortalité de janvier 2011 ?

Quels commentaires peut-on faire au début de février ?

Si l'objectif visé par le président de la République de 3 000 tués en 2012  devait être atteint après deux années de gains identiques en valeur absolue ( moins 500 tués par an) le bilan de 2011 devrait être proche de 3500 tués. La mortalité de janvier 2011 devait alors être proche de 7,4% de 3500 soit 259 tués. Nous en sommes très éloignées. Si le bilan de 2011 devait suivre la même tendance que celle observée le mois dernier nous serions alors confronté à un drame de santé publique comparable par son ampleur à celui du Médiator.

Les gestionnaires politiques de l'insécurité routière auraient entamé la destruction du plus grand succès de la politique de sécurité publique observé depuis 10 ans. Elle a sauvé la vie à environ 25 000 personnes, soit l'équivalent de plus de 25 ans d'homicides volontaires. A la différence du Médiator, il n'était pas nécessaire d'avoir le sens clinique, la rigueur et la pugnacité d'Irène Frachon pour mettre en évidence ce risque. Nous savons que dans le domaine de la sécurité routière, le comportement face aux règles d'un fraction importante des usagers dépend de la crédibilité du dispositif de contrôle et de sanctions. Cette crédibilité peut se construire ou se détruire d'un mois sur l'autre.

Que peuvent faire les décideurs publics ?

D'abord réfléchir, analyser, comprendre, avant de décider.

Eviter les propos péremptoires d'un Xavier Bertrand démentant " tout lien entre l'assouplissement du permis à points et l'adoption de la loi Loppsi 2 par le Parlement le 8 février". En réalité, les dispositions concernant le permis à points n'ont été adoptées par l'assemblée que le 16 décembre et c'est en janvier que le nombre des tués sur les routes s'est accru de 21 %. Un ministre de la santé est entouré d'épidémiologistes qui peuvent lui expliquer que nier une relation est beaucoup plus aventureux que de faire l'hypothèse d'une relation très probable en s'appuyant sur des faits. Il est vrai que Xavier Bertrand faisait partie des membres de la majorité (il n'était pas encore au gouvernement) qui ont pris position en faveur de l'amendement Fouché visant à affaiblir le permis à points. Il fait également partie d'une élite politique qui accepte d'être véhiculé à plus de 140 km/h sur une route où la vitesse est limitée à 90 km/h (JDD du 6 mars 2010). Son risque d'erreur avec une telle affirmation est plus élevé que celui que je prends en faisant l'hypothèse d'un rôle de l'affaiblissement du permis à points dans les résultats de Janvier. Ce n'est pas le mois de Février qui permettra à lui seul de trancher, mais la fin mars sera un bon moment pour faire le point sur le trimestre et commenter avec à la fois une incertitude réduite et un peu plus de sérénité.

Se donner le temps d'établir les conditions d'un retour aux progrès exceptionnels de la période 2003/2006. Le ministre qui a maintenant en charge ce dossier, Brice Hortefeux n'a pas  minimisé l'importance des résultats de janvier 2011. Il n'a pas non plus indiqué de façon prématurée comment il va réorganiser la DSCR, qui sera son outil de travail. Les mesures annoncées sont sans surprise. Je les reproduis avec un commentaire du communiqué mis en ligne ce 11 février 2011.

Dans la planification et l'organisation de la mise en place de nouveaux outils technologiques accroissant l'efficacité des contrôles des vitesses. Il faut distinguer les annonces des réalisations. Indiquer le "lancement d'un programme de développement de radars mobiles de nouvelle génération, afin de contrôler la vitesse dans le flux de circulation" est une annonce. L'urgence du développement de ces radars était une conclusion d'un rapport de mars 2006.

Au delà de ces mesures techniques, il faudra inévitablement mettre en oeuvre de nouvelles réformes pour atteindre l'objectif de 3 000 tués en 2012 fixé par le président de la République. Les succès dans ces domaines ne sont pas obtenus par la seule volonté politique, mais par un ensemble de facteurs indispensables qui devront être associés. De bons décideurs doivent être capables d'écouter, de faire évaluer l'effet envisageable des décisions proposées et de mettre en place un dispositif apte à les mettre en application. Il faut savoir choisir des chefs de projets de qualité, capables de définir des cahiers des charges, de faire respecter des échéanciers et d'animer des équipes. Nous avons connu cela en 2002, actuellement tout est à reconstruire.