le 24 mai 2011 :  journée de désinformation

Commentaires sur une journée qui a été un exemple exceptionnel de mensonges, de manipulation des faits et d'incompréhension.

Les décisions annoncées par le gouvernement à la suite du Comité interministériel de sécurité routière qui s'est tenu le 11 mai 2011 ont provoqué de nombreux commentaires qui portaient principalement sur la mesure la plus importante et la plus conflictuelle : la suppression de toute signalisation des radars, qu'ils soient fixes ou déplaçables.

La fraction de la majorité parlementaire qui avait obtenu l'affabilissement du permis à points par un amendement à la LOPPSI2 n'a pas supporté les décisions gouvernementales annoncées le 11 mai dernier à la suite d'un Comité interministériel de sécurité routière. Poursuivant leur action destructrice de la sécurité routière, ils ont repris leurs propos manipulateurs, tentant d'affoler l'opinion publique et de faire croire aux usagers qu'une grande partie d'entre eux allaient perdre leur permis à la suite de la suppression des panneaux indiquant les radars fixes et de l'interdiction des avertisseurs de radars.

La journée du 24 mai a vu à quel niveau pouvait se situer une désinformation. Il est toujours difficile dans un tel contexte d'affirmer le lendemain d'un événement de ce type quelle part nous pouvons donner à l'incompréhension, à l'imprécision des propos tenus et à la volonté de manipuler les faits. Tous les médias ont annoncé au cours de la journée le remplacement des panneaux de signalisation des radars fixes par des radars pédagogiques indiquant la vitesse des usagers, le nombre de points qu'ils auraient perdu si ce radar avait été un radar relevant l'infraction et le montant de l'amende. Cette nouvelle a été propagée par les adversaires de cette mesure de suppression des panneaux. L'erreur ou la manipulation a consisté à faire croire qu'un panneau de signalisation actuelle serait remplacé par un radar pédagogique, ce qui ne changeait rien à la situation actuelle et permettait à l'usager en infraction de ralentir au passage du radar et d'accélérer ensuite jusqu'au panneau suivant. La propagation fulgurante de cette fausse nouvelle et les qualificatifs utilisés par les journalistes qui ont commenté cette reculade avec des appréciations souvent très dures ont été rendus possibles par l'imprécision de la communication gouvernementale et le caractère tardif de l'intervention du ministre de l'intérieur Claude Guéant au journal de 20 heures de France 2.

Cette intervention a été précise. Elle a mis fin à la confusion et il convient de la lire dans sa totalité. Elle achevait un sujet de 10 minutes de commentaires de parlementaires annonçant leur succès, suivis des réactions de ceux qui avaient entendu leurs propos tout au long de la journée.

David Pujadas ouvre l'entretien en demandant à Claude Guéant : Est-ce par crainte de perdre des électeurs à un an de l'élection présidentielle que cette décision a été prise ?

Claude Guéant : Il n’y a aucun changement de cap. La sécurité routière est une grande cause nationale. En 8 ans nous sommes passés de 8000 morts sur nos routes à 4000 l’année dernière. Depuis le début de l’année il y a une détérioration. Si nous continuons au rythme qui a été engagé, eh bien nous aurons 5 à 600 morts de plus, ce qui est absolument inacceptable. Le Gouvernement ne l’accepte pas. C’est la raison pour laquelle il a pris des décisions afin de renforcer la sécurité routière et il est déterminé à les mettre en œuvre.
S’agissant des panneaux qui signalent la présence de radars fixes, je confirme qu’ils seront bien enlevés. Simplement il a été décidé de mettre en place en même temps des radars pédagogiques qui signalent à l’automobiliste la vitesse à laquelle il roule et par conséquent l’informe des dépassements qu’il peut commettre. Ces radars pédagogiques, je le précise,  ne seront pas implantés comme les panneaux qui signalent les radars fixes aujourd’hui, à une distance qui est de 400 mètres. Ils seront implantés de façon aléatoire, parfois plusieurs kilomètres en amont. Ils seront aussi en des endroits où il n’y a pas de radars, si bien qu’au total il y aura pour les conducteurs de bonne foi une assistance au respect de la limite de vitesse et les chauffards eux seront eux sanctionnés par les radars qui ne seront plus l’objet d’une signalisation par panneaux.

Question de David Pujadas sur la suspension de l’enlèvement des panneaux actuels

Claude Guéant : Il a été décidé que les spécialistes de la sécurité routière au plan départemental se réuniraient pour déterminer les points sur lesquels les radars pédagogiques seraient installés et effectivement cela demande quelques jours, quelques jours seulement.

Nouvelle question sur l’enlèvement des panneaux
Claude Guéant : Bien sur les panneaux seront enlevés je le confirme. Simplement il faut déterminer et c’est l’affaire de quelques jours seulement les moyens d’information de l’automobiliste sur les limites de vitesse et par conséquent les conditions dans lesquelles les automobilistes de bonne foi, qui sont l’immense majorité, pourront mieux respecter les limites de vitesse, mais, je le répète, la détermination du Gouvernement est totale, l’enjeu est trop grand, il s’agit de sauver des vies. On ne peut pas accepter les dérives qui se manifestent depuis le début de l’année.

Le point important est bien entendu la dissociation physique des radars pédagogiques et des radars qui provoqueront la sanction. L'affirmation "ils seront implantés de façon aléatoire" a un sens précis ; il n'y a pas de règle.

Tout n'est pas réglé par cette intervention et ces précisions. Il faudrait connaître le texte des instructions données à ces spécialistes départementaux qui vont déterminer les points au niveau desquels seront implantés les radars pédagogiques. Si l'implantation n'est pas en relation fixe avec un radar fixe, le seul critère envisageable est de les placer au début d'une route ou d'une section de route supportant un trafic important, avec une accidentalité en rapport avec cette caractéristique.

Il faut savoir que la notion de "point noir" est une notion du passé. Les points noirs ont été traités au cours des cinquante dernières années et nous avons maintenant des routes où les accidents graves s'accumulent parce que le trafic est dense et qu'il n'y a pas de séparation des circulations (les anciennes nationales dévolues aux départements et les départementales les plus utilisées). Cette notion de route ou de zone dangereuse ne doit pas être confondue avec un point dangereux tel qu'un virage ou une intersection. Le périphérique parisien est une autoroute urbaine avec une circulation très importante et il faut respecter les limitations de vitesse tout au long de cette voie. Il est possible de placer des radars pédagogiques en n'importe quel point de telles voies, sans relation avec le radar qui provoquera la sanction. Dans un nombre de cas réduit, l'aménagement d'un point noir n'a pu être réalisé pour des raisons tenant au coût d'aménagement ou à la topographie des lieux, il est alors légitime de placer un radar pédagogique avant cette zone dangereuse de longueur très limitée, mais il devra être implanté à une distance qui n'aura pas la fixité actuelle.

conclusions

Quand les malfaçons, les malfaisances, la malcomprenance et la débilité sociale s'associent à des déficits de communication, tout devient possible. La journée du 24 mai 2011 pourra être utilisée par les écoles de journalisme comme un modèle dans ce domaine. Nous savons que tous les usagers de la route ont deux métiers, le leur et celui de spécialiste de la sécurité routière. Cela permet d'échapper à toute logique et aux connaissances des accidentologistes. C'est à la fois une facilité et un danger majeur. Nous savons également que la communication gouvernemntale est une activité difficile, surtout dans les domaines passionnels et quand on à affaire à des interlocuteurs de mauvaise foi.

Je regrette un mot dans l'intervention de Claude Guéant, celui de chauffard utilisé pour qualifier l'usager qui est flashé par un radar automatique (ou non). Nous pouvons tous passer à une vitesse excessive devant un radar, par inattention. C'est la prise en compte des petits excès de vitesse qui a été la clé du succès de la politique définie en 2002. Il fallait rendre crédibles les limitations de vitesse pour tous les usagers, c'est cette révolution qui a provoqué la réduction de 11% de la vitesse moyenne et l'effondrement de la mortalité. Dans un déni des connaissances complet, les casseurs du permis à points ont constamment opposé les chauffards et les "honnêtes gens" qui font de petits excès de vitesse qui ne sont pas dangereux. Il faut sortir de cette opposition réductrice et fausse entre les chauffards et les autres. Il y a sur les routes une continuité de comportements entre les faibles excès de vitesse et les grands excès de vitesse, tous doivent être réprimés, avec une sévérité croissant avec la gravité de l'excès et une prise en compte de la répétition des infractions, c'est la fonction du permis à points. Il faut enfin rappeler constamment que l'on n'est pas sanctionné pour un excès de vitesse de un ou deux kilomètres à l'heure comme on l'entend constamment dire. Il y a une tolérance de 5 km/h qui n'a rien à voir avec une imprécision des radars.

Le 25 mai, les médias indiquent qu'il n'y aura pas de nouvelle modification législative avant d'avoir les conclusions d'une mission parlementaire sur les causes des accidents. Si cette annonce signifie que le gouvernement ne va pas appliquer la seconde mesure importante annoncée lors du CISR du 11 mai, qui est la suppression des avertisseurs de radars, nous pourrons dire qu'il a renoncé à sa mesure la plus importante. Nous pourrons alors parler de scandale de sécurité publique. Préciser les causes des accidents ne relève pas d'une mission parlementaire, mais de travaux de nature scientifique qui sont disponibles au niveau international et national. Il est inacceptable de prétendre qu'il faut une mission parlementaire pour comprendre que les signalements de radars par des dispositifs tels que Coyote empêchent les gendarmes et les policiers de faire leur travail de dissuasion des excès de vitesse. Cette annonce, si elle est réelle est inacceptable et relève de la provocation.