septembre 2012

Dans l'attente des choix politiques de la nouvelle majorité

Dans le domaine de la sécurité routière, le nouveau gouvernement est confronté à une situation dont l'avenir est très incertain. La crise économique, le prix des carburants qui a provoqué une réduction de leur consommation, sont des éléments qui réduisent l'accidentalité en réduisant l'exposition au risque. A l'opposé l'action politique est figée depuis plus d'un an.

Après les conflits des quatre derniers mois de 2010 produisant un affaiblissement du permis à points et une dégradation de la situation, le gouvernement a pris des décisions dans l'ensemble improvisées et mal gérées (annonce de la suppression de la signalisation des radars fixes, de l'interdiction du signalement des radars mobiles par des procédés associant géolocalisation et diffusion immédiate de l'information à des abonnés). La mise en oeuvre de ces décisions a été très partielle, la quasi-totalité des panneaux installés lors de la mise en place des radars automatiques sont toujours en place et la négociation d'un protocole d'accord avec les gestionnaires des avertisseurs de radars s'est révélée inefficace et inapplicable, car elle repose sur une conception erronée de la notion de zone dangereuse et parce qu'elle n'interdit pas dans la réalité de qualifier de risque temporaire la présence d'un radar déplaçable.

La situation politique s'est ensuite figée pendant la campagne pour l'élection présidentielle, comme la situation sur le terrain, 3992 tués sur les routes fin 2011 et 3966 fin 2012. L'objectif devenait alors de demander aux candidats de préciser leurs intentions dans le domaine de la sécurité routière.

Comme à chaque élection présidentielle, un groupe d'acteurs" de la sécurité sanitaire dont je fais partie a questionné les candidats à l'élection, leurs réponses sont publiées avec des commentaires. L'ensemble de ces documents est accessible sur le site www.securite.sanitaire.org Trois questions concernaient la sécurité routière.

Nous allons dans les mois à venir pouvoir porter un premier jugement sur les méthodes et les intentions du gouvernement. Il serait ridicule de prétendre le faire en se fondant sur les résultats de l'été et en exigeant des objectifs. Quand on prend un sujet au  sérieux, il convient de le faire avec des méthodes adaptées. Il faut se souvenir de la procédure retenue en 2002 qui a produit un des deux effondrements majeurs de la mortalité sur les routes observés au cours des quarante dernières années. La première était celle obtenue par les choix politiques de 1973. La division par deux de la mortalité entre 2002 et 2010 a été obtenue sans que le gouvernement se soit fixé un objectif chiffré. La procédure utilisée n'a pas été une incantation à visée autoréalisatrice,  comme cela avait été le cas en 1997 (fixer un objectif de réduction de 50% de la mortalité et obtenir le résultat calamiteux de 2,2% de tués en moins après cinq ans).

Cette période de succès exceptionnels provoqués par les décisions de décembre 2002 n'a pas été homogène. La période initiale a été conduite avec pertinence et détermination. Des personnes compétentes qui s'entendaient entre elles et qui étaient soutenues au plus haut niveau de l'Etat, ont redonné une crédibilité au dispositif de contrôle et de sanction. L'efficacité a été obtenue par une action sur le facteur intervenant dans la quasi-totalité des accidents, la vitesse. Dans le même temps l'effet sur l'alcool a été pratiquement nul. La proportion d'accidents mortels avec un des impliqués sous l'influence de l'alcool n'a pas évolué entre 2002 et 2010. Il n'y a pas non plus de réduction de l'alcoolisation des usagers non responsables impliqués dans les accidents mortels. Quand aux contrôles préventifs de l'alcoolisation qui se révèlent positifs, ils sont en augmentation (ce constat est probablement en partie attribuable à l'amélioration des pratiques).

La période récente (2006-2012) a été marquée par un affaiblissement progressif des progrès et par une gestion incertaine, incapable de lutter contre toutes les méthodes destinées à réduire l'efficacité de la politique définie en 2002. Le manque de rigueur dans le colmatage de toutes les brèches judiciaires exploitées par les adversaires du permis à points est évidente. Le gouvernement ne s'est pas opposé sérieusement au développement des avertisseurs de radars qui neutralisent l'efficacité des radars déplaçables. La mauvaise gestion des retraits de points pour les usagers de véhicules d'entreprise et des adresses inexactes ou périmées sur les cartes grises est également évidente. La liste est longue des défauts de qualité dans l'application d'une politique dont la conception était remarquable.

La mise au point de la politique de 2002 s'est faite en cinq mois, du discours de Jacques Chirac du 14 juillet 2002 au Comité interministériel de sécurité routière du 18 décembre 2002. Il faut laisser au nouveau gouvernement ce délai pour travailler, consulter et faire des choix. C'est à la fin de l'année que nous saurons quelles méthodes ont été utilisées pour définir la politique des années à venir, quels sont les axes retenus et quelles décisions seront mises en oeuvre.

Comme je l'ai fait à de multiples reprises à des périodes charnières de l'évolution politique, je publierai au cours du mois de septembre sur ce site, un bilan de la situation comportant une analyse détaillée des mécanismes des succès et des échecs de la période qui se termine et une revue des pistes possibles si le gouvernement actuel veut prendre au sérieux le problème de la sécurité routière.

Les experts ne sont pas des décideurs, ils n'ont pas de légitimité pour jouer ce rôle. Ils ont cependant la capacité de décrire l'état des connaissances, avec leurs limites, et de prendre position sur les mesures capables d'influer sur une situation. Je viens d'achever une étude de 100 accidents mortels de la circulation sur des passages à niveau. L'analyse est accompagnée de propositions d'action. Elle est accessible sur le site (accidents mortels sur des passages à niveau). Cette association de la description des connaissances et des mesures envisageables pour réduire les dommages s'impose aux chercheurs impliqués dans la gestion des risques.