version finale : 31 octobre 2017 (les modifications de ce texte se limiteront à des corrections orthographiques ou de forme)
L'accroissement du nombre de tués sur les routes depuis janvier 2013 n'a pas été le fait du hasard, mais de carences décisionnelles graves. Nous savons que la méthode la plus efficace pour inverser cette tendance est la réduction des vitesses de circulation associée à une amélioration du respect des règles. C'est un devoir pour l'équipe qui a la responsabilité de gouverner de mettre un terme à cette dégradation évitable en associant ces deux méthodes.
Au début de la rédaction de ce texte en juillet dernier, j'étais favorable à une action se limitant à l'abaissement de 90 à 80 km/h de la vitesse maximale, là où surviennent 87% des décès hors agglomération. Les remarques reçues après l'envoi de mes premiers textes m'ont fait changer d'avis, il faut être plus ambitieux et étendre la réduction de 10 km/h de la vitesse maximale autorisée sur toutes les voies hors agglomération. Plusieurs arguments sont convaincants :
- Le plus important est la nécessité de respecter l'engagement pris lors de la COP21 de réduire de 29% la consommation des carburants utilisés dans les transports routiers de 2015 à 2028. Pour atteindre cet objectif la consommation doit être réduite annuellement de 2,9%. Elle est actuellement croissante et nous aurons perdu deux ans à la fin de cette année 2017. Les gouvernements précédents ont dévalorisé leur rôle politique en annonçant un objectif de 2000 tués sur les routes en 2020 sans se donner les moyens de l'atteindre. Le gouvernement actuel doit nous indiquer comment il compte respecter l'engagement pris en 2015 de réduire la production de gaz à effet de serre liée aux transports ou s'il renonce à cet engagement.
- La consommation d'un véhicule est rapidement croissante avec la vitesse. Si la vitesse sur autoroute est abaissée de 130 à 120 km/h la consommation est réduite d'environ 1 litre par 100 km (30% des km parcourus le sont sur des autoroutes). La réduction de consommation de carburant est plus faible quand on passe de 90 km/h à 80 sur le réseau non autoroutier hors agglomération, mais le kilométrage est plus important. La réduction des émissions de gaz à effet de serre sera équivalente sur les deux types de voies.
Il faut associer une population à des décisions de cette nature, en présentant l'ensemble des enjeux. Il est incohérent de poser des questions sur la limitation des VMA sans l'associer aux enjeux climatiques et au déficit de notre balance des paiements. Les sondages simplifiés abusivement par des organismes qui définissent les questions pour orienter les résultats doivent laisser la place à un ensemble de propositions cohérentes posant un problème de société d’une gravité évidente.
Résumé de mes propositions
- Limiter la vitesse maximale autorisée de 10 km/h sur tous les réseaux hors agglomération.
- Assurer la bonne gestion des politiques publiques par un contrôle de qualité étendu à toutes les procédures mises en oeuvre pour réduire l'accidentalité
- Neutraliser les actions nuisibles
Privilégier ce nombre limité de mesures aura plusieurs avantages
- concentrer les moyens de l'Etat sur leur mise en oeuvre au lieu de les disperser,
- permettre une communication ciblée et convaincante, fondée sur les faits et non sur l'émotion et des généralités évidentes. Les mesures prises doivent être justifiées publiquement et avec précision.
1/ Réduire les vitesses maximales autorisées de 10 km/h sur tous les réseaux hors agglomération
1.a Réduire les vitesses maximales a un effet reconnu et quantifié de réduction de la mortalité routière.
Les arguments en faveur de cette mesure sont simples et bien documentés. Les deux grandes ruptures qui ont effondré la mortalité sur les routes en France (1972/1973 et 2002/2003) ont été produites par une action sur la vitesse, l'une en abaissant les vitesses maximales autorisées, la seconde en assurant un meilleur respect de ces VMA (fin des indulgences abusives, faible tolérance sur les excès de vitesse et développement de méthodes de contrôle automatisées)
La réduction des VMA de 10 km/h doit concerner les voies sans séparation des sens de circulation et les voies autoroutières. Le problème posé par les VMA en agglomération n'a pas actuellement de bonne solution, les zones 30 et les agglomérations limitées à 30 se multiplient, mais le respect de cette VMA et faible et les sanctions sont rares, voire volontairement évitées, ce qui dévalorise cette réglementation. Il convient de débattre de ce problème et de produire avant la fin 2018 une nouvelle définition des textes traitant des vitesses maximales en agglomération.
1.b Réduire la vitesse maximale autorisée de 10 km/h sur tous les réseaux hors agglomération pour réduire les émissions de dioxyde de carbone et de polluants, réduire nos importations de pétrole, donc réduire le déficit de notre balance des paiements.
Deux ans sont passés depuis notre engagement lors de la COP21 d'abaisser de 29% la consommation de carburant pour les transports d'ici 2028, et aucune réduction ne s'est produite. 11 ans seront vite passés et il faut que le gouvernement nous annonce quelle méthode il compte mettre en oeuvre pour respecter nos engagements. La réduction de la VMA sur les voies autoroutières est une mesure qui aurait un impact important sur la consommation. La réduction sur les routes bidirectionnelles passant à 80 km/h serait plus faible par véhicule, mais le kilométrage parcouru est plus élevé.
2/ Assurer la qualité de la gestion des politiques publiques
La notion d'évaluation des politiques publiques n'est pas prise en considération à sa juste valeur dans notre pays. A deux reprises, des gouvernements ont fait le choix de créer des structures ad hoc chargées de produire des évaluations ciblées. La seconde version (Conseil national de l’évaluation travaillant avec le soutien du commissariat général au Plan) a produit sa dernière évaluation en 2003, elle concernait la politique de contrôle et de sanction des infractions routières et son rôle a été important dans la définition de la réforme de 2002/2003. La LOLF a ensuite associée l'évaluation au débat budgétaire et la Cour des Comptes produit des rapports qui ont un objectif d'évaluation. Celui qui vient d'être publié concerne le fonctionnement du dispositif de contrôle automatisé. Il prouve que la Cour des Comptes peut mettre en évidence les erreurs juridiques et décrire l'aspect financier du problème, tout en exprimant son absence complète de compétence accidentologique et son abandon de l'analyse des dysfonctionnements observés.
Un gouvernement doit avoir les capacités d'évaluation de tous les dispositifs qui ont un objectif précis et quantifiable. Le rapport Colin-Le Gallou (produit par l'inspection du ministère de l'intérieur) a prouvé qu'environ la moitié des retraits de points devant être retirés ne le sont pas. Ce rapport n'a pas été rendu public et les 29 mesures proposées n'ont pas été mises en oeuvre de façon suivie et en donnant une publicité à l'évolution de cette situation.
La mise en oeuvre exemplaire et exhaustive d'une évaluation des procédures clés de la sécurité routière pourrait être un exemple réussi de développement d'une forme de contrôle de qualité indispensable à la bonne gestion des politiques publiques. 7 exemples sont décrits dans ce document, la liste n'est pas limitative. Il est urgent de mettre en place un groupe de travail capable de produire avant la fin de l'année une liste d'évaluations indispensables et de programmer leur mise en oeuvre.
3/ Neutraliser les actes nuisibles
En complément de la réduction des vitesses maximales et des évaluations visant à assurer la qualité des procédures mises en oeuvre, il est indispensable de mettre un terme à tous les développements de méthodes destinées à éviter les constats d'infractions (avertisseurs de radars, appels de phares, transmission de renseignements sur les contrôles par les réseaux de communication).
La lutte contre la diffusion de données fausses ou d'interprétation abusive de faits réels est indispensable. Il ne s'agit pas d'interdire, mais d'analyser des textes ou des émissions avec précision, en mettant en évidence les erreurs et les mensonges. Ces analyses doivent être rendues publiques sur un site spécialisé de l'observatoire de sécurité routière et elles doivent être personnalisées, c'est à dire que les références du producteur de l'information fausse ou dont l'interprétation est sans fondement doivent être indiquées, comme celles des experts qui ont produit l'analyse. J'ai cette pratique depuis de nombreuses années, il faut l'organiser au niveau de l'Etat.
Développement de ces propositions
Le choix d'une méthode adaptée
En 2002 une nouvelle politique de sécurité routière a été annoncée le 14 juillet par le président de la République. Elle a été l'objet d'un débat public en septembre, avec la participation des ministres concernés. Un plan d'action a été défini au cours de l'automne et rendu public au début du mois de décembre. Le préfet Bartolt et Annie Canel ont été les acteurs complémentaires, administratif et technique, d'une procédure interministérielle qui a bien fonctionné. Les textes législatifs et réglementaires ont été publiés au cours de l'année 2003. Les premiers radars automatiques ont été installés en octobre 2003. La crédibilité du nombre limité de mesures nouvelles adoptées a assuré le succès de cette réforme dès son annonce. Elle a été immédiatement perçue comme contraignante et sérieuse et les usagers ont intégré la nécessité de modifier leur comportement et de mieux respecter les limites de vitesse autorisées.
- 8540 tués en 1997
- 8253 en 2001
- 7742 en 2002
- 6126 en 2003
- 4709 en 2006
La réduction de l'accidentalité peut être produite :
- dans un délai court par des mesures dont l'efficacité et l'effectivité sont assurées, immédiatement perçues par les usagers comme devant être respectées, et modifiant leur comportement. Les décisions de 1972/1973 et de 2002/2003 étaient pertinentes, leur mise en oeuvre a été de qualité et elles ont été immédiatement efficaces. L'introduction des radars mobiles au début de l'année 2013 était une mesure importante, son application a été désastreuse, faute de personnels disponibles, et son efficacité avait disparu à la fin de l'année. Le développement parallèle d'avertisseurs de radars de plus en plus performants a contribué à réduire le respect des limitations de vitesse. La croissance de la mortalité s'est poursuivie jusqu'à la période actuelle. Il convenait de neutraliser les avertisseurs de radars et de développer une sous-traitance dès la mise en service des radars mobiles, cela n'a pas été fait. Ces expériences confirment une évidence : l'efficacité passe par la pertinence des choix et la qualité de leur mise en application.
- dans un délai long par des mesures concernant les véhicules ou
l'infrastructure :
- les caractéristiques des véhicules sont définies par
des directives de l'UE et nous n'avons pas la capacité d'obtenir
de cette dernière
les décisions de bon sens qui sont identifiées et que l'UE
diffère, tout en produisant de multiples rapports pour justifier
son absence de passage à l'acte :
- limitation de la vitesse maximale à la construction,
- enregistreurs d'évènements,
- dispositifs de type LAVIA dont la mise au point a été achevée en 2006, limitant la vitesse à la valeur autorisée localement (ISA des anglo-saxons : intelligent speed management).
- les bénéfices qui peuvent être obtenus au niveau de l'infrastructure sont dans le domaine national, mais ils exigent à la fois du temps, de bonnes pratiques et des crédits. Le contexte actuel, au niveau de l'Etat comme des départements ou des communes, n'est pas favorable à des investissements.
- les caractéristiques des véhicules sont définies par
des directives de l'UE et nous n'avons pas la capacité d'obtenir
de cette dernière
les décisions de bon sens qui sont identifiées et que l'UE
diffère, tout en produisant de multiples rapports pour justifier
son absence de passage à l'acte :
Les changements de président et de gouvernement sont des périodes critiques pour la gestion de l'insécurité routière. Les arrivants héritent d'un bilan et doivent faire des choix. De mauvais résultats au cours des années précédentes sont favorables à la définition d'une nouvelle politique efficace, nous l'avons vu en 2002. La difficulté est liée à la nécessité de faire le choix d'un nombre limité de décisions, justifiées par une communication ciblée, et capables d'assurer le succès. Tous les décideurs étant des conducteurs, le risque est considérable de confondre les idées reçues et le bon sens apparent avec les méthodes qui ont fait leur preuve. Identifier un facteur de risque ne signifie pas que l'on est capable de le réduire. Le meilleur exemple est notre incapacité de contrôler le risque lié à l'alcool. Il y a aujourd'hui un risque réel de voir une volonté de renouer avec le succès se transformer en nouvel échec parce que l'on perd son temps à développer de nouvelles orientations qui sont des impasses.
Trois thèmes sont décrits de façon détaillée, pour mettre à la disposition des décideurs les arguments justifiant le changement de politique. Le quatrième thème est celui des propositions. Il sera traité dans un texte plus court que les trois précédents, le détail des arguments qui justifient ces propositions ayant été développé dans les textes thématiques. L'objectif est de présenter un nombre très limité de propositions capables de produire des améliorations importantes dans un délai maximal d'un an. Il ne signifie pas que d'autres mesures seraient inutiles, mais elles sont à mes yeux incapables de produire des résultats significatifs pour des raisons organisationnelles, ou du fait de la résistance des usagers à accepter de modifier leur comportement en l'absence d'une contrainte crédible et défendue publiquement par une communication adaptée. L'échec des 81 mesures décidées par Cazeneuve est un exemple caricatural de l'absurdité d'une procédure "tous azimuts" revendiquée publiquement par le ministre de l'Intérieur. Elle n'était pas ciblée et ne permettait pas de convaincre. Il est indispensable de rompre avec des méthodes qui ont échoué.
Trois propositions.
- Limiter la vitesse maximale autorisée de 10 km/h sur tous les réseaux.
- Assurer la qualité de la gestion des politiques publiques
- Neutraliser les actions nuisibles
Ce nombre très limité de propositions de "rupture" a pour objectif de privilégier une notion évidente : le succès d'une politique de sécurité routière repose sur un nombre très limité de mesures dont l'efficacité est assurée et non sur la quantité de propositions.
Agir sur la vitesse et sur la qualité du fonctionnement de l'Etat a un intérêt évident pour inverser l'évolution de l'accidentalité sur les routes, et ces mesures auront des effets qui dépassent le domaine de la sécurité routière. Elles peuvent :
- dans le domaine de la sécurité routière, maintenir en vie des centaines de personnes chaque année par la réduction de la vitesse maximale autorisée sur tous les réseaux
- dans le domaine plus vaste de la sécurité publique, accroître l'efficacité du travail des gendarmes et des policiers en supprimant une série de dysfonctionnements évidents et inacceptables. Il faut associer à la qualité de l'application des décisions les mesures qui vont accroitre leurs moyens et le bon usage de ces derniers,
- dans le domaine de la sécurité de notre planète, montrer que les engagements de la France pris lors de la COP21 ne sont pas des mots, mais expriment une volonté de les mettre en oeuvre. 29% de réduction de la consommation des carburants utilisés dans les transports routiers de 2015 à 2028 implique une réduction annuelle de 2,9%. Cette consommation sera inchangée à la fin de l'année et nous aurons perdu deux ans. Quand un gouvernement annonce un objectif et ne tente pas de l'atteindre, il dégrade sa fonction et n'est plus respecté. Fixer comme objectif une réduction à 2 000 tués en 2020 de l'accidentalité et laisser se développer son accroissement pendant 3 ans est un exemple du caractère destructeur d'une annonce qui se révèle inaccessible, faute d'avoir accordé l'objectif et les moyens de l'atteindre.
Privilégier ce nombre limité de mesures aura plusieurs avantages
- concentrer les moyens de l'Etat sur leur mise en oeuvre au lieu de les disperser,
- permettre une communication ciblée et convaincante, fondée sur les faits et non sur l'émotion et des généralités évidentes. Les mesures prises doivent être justifiées publiquement et avec précision.
1.a Réduire les vitesses maximales autorisées pour réduire la mortalité routière.
Un graphique a été présenté deux fois dans les documents précédents. Il doit être diffusé et défendu dans tous les documents visuels produits par les pouvoirs publics quand ils annonceront les décisions retenues.
Ce document est une défense de la vie. Nous sommes habitués aux courbes illustrant l'évolution du chômage, du coût de la vie, du déficit des politiques publiques ... Elles sont importantes, mais les graphiques les plus convaincants concernant la sécurité routière (j'en ai présenté 10 dans le document sur l'accidentologie politique) ne sont pas présentées de façon répétitive dans les médias.
Il faut répéter :
-
que les pays européens qui ont les taux de mortalité par habitant très bas ont des vitesses maximales autorisées basses (table des vitesses maximales en Europe),
-
que les baisses de mortalité brutales et très importantes en France ont été produites par des actions sur la vitesse
Quels arguments relevant de la sécurité routière me font proposer une VMA à 80 km/h sur toutes les voies non autoroutières ?
1911 usagers ont été tués en 2016 sur le réseau bidirectionnel. Les données disponibles au niveau international permettent d'envisager une réduction de 4 à 5 Km/h de la vitesse moyenne de circulation si la VMA est abaissée de 10 km/h. Le résultat se situerait entre 350 à 400 vies épargnées, soit un passage au-dessous du seuil de 3 000 tués par an.
Les variantes qui ont été envisagées ont des inconvénients majeurs.
- l'application à une partie des départements, par exemple ceux qui ont la mortalité la plus élevée rapportée à la population, ne peut être considérée que comme une expérimentation. Elle serait moins ridicule techniquement que la pseudo-expérimentation sur moins de 100 km de Bernard Cazeneuve, mais elle est inutile. Les références actuelles considèrent comme non éthique la réalisation d'une expérimentation quand une connaissance scientifique solide est déjà disponible. Tous les usagers doivent bénéficier d'une mesure qui a fait ses preuves.
- réduire la VMA à 80 km/h, voire 70 sur une partie du réseau bidirectionnel, des voies étant maintenues à 90 km/h serait un choix pervers. Il provoquerait des conflits dans chaque structure départementale, au niveau des préfets et des élus départementaux, avec une tendance inévitable au maintien du 90 sur "les meilleures routes" au sens de "bonnes infrastructures", relativement larges, au revêtement de qualité. Ces routes étant les plus circulées, c'est à leur niveau que la mortalité demeurera élevée. Après un an d'application de ces discriminations la proportion de tués se sera accrue sur le réseau maintenu à 90 km/h et les décideurs devront assumer cet excès de morts. Il faut avoir à l'esprit le fait que l'accidentalité liée au trafic est beaucoup plus importante que celle liée à la "qualité" de la voie.
Quels arguments relevant de la sécurité routière me font proposer une VMA réduite à 120 et 100 km/h sur les voies autoroutières ?
Quand les modifications des dispositifs de contrôle et de sanctions intervenues en 2002/2003 ont été mises en oeuvre, les vitesses moyennes mesurées sur les autoroutes ont baissé : 126 km/h sur les autoroutes de liaison en 2002 et 113 km/h en 2011. Sur l'ensemble des réseaux autoroutiers le nombre de tués a été de 586 en 2002 et 295 en 2011 (avec le calcul du nombre de tués jusqu'au 30ème jour après l'accident), soit une réduction de 49,6%.
Faut-il envisager une modification de la VMA en agglomération ?
Il est indispensable d'entendre les argumentaires sur ce point. La situation actuelle est ingérable pour les policiers et les gendarmes qui font les contrôles.
Quand la VMA en agglomération a été réduite de 60 à 50 km/h, certains maires avaient déjà fait le choix d'abaisser à 45 km/h la VMA dans leur commune. A une époque où les tolérances sur les excès de vitesse étaient beaucoup plus laxistes que celles fixées en 2003, ce choix avait pour but de produire un meilleur respect du 60 km/h. Ces limites à 45 km/h ont été souvent maintenues après l'abaissement à 50 km/h de la VMA en décembre 1990. La création de limitations à 30 km/h au niveau de voies, de zones, voire de communes entières a introduit une difficulté supplémentaire. Ce niveau bas est utilisé comme un processus de dissuasion et non comme un seuil qu'il convient de ne pas dépasser. Des maires qui avaient fait le choix du 30 km/h maximum sur l'ensemble de leur agglomération ont souvent indiqué clairement leur volonté de ne pas faire verbaliser le dépassement de cette VMA. La situation est identique à Paris où le préfet de police ne veut pas sanctionner strictement les dépassements à partir de 35 km/h. Les zones trente nous font revenir à l'ambiguïté précédant les décisions de 2003 lors de la mise en oeuvre des radars automatiques. Ces décisions avaient marqué le début d'un respect strict des limitations de vitesse. Il est indispensable de connaître les différentes pratiques et donc de produire des statistiques précises sur la verbalisation dans les voies, zones et agglomérations où la vitesse est limitée à 30 km/h.
Une telle situation n'est pas acceptable, soit on fait respecter une VMA de façon stricte, soit on l'augmente. Il serait intéressant dans le cadre d'une remise à plat des choix de VMA, de retenir une limite à 40 km/h en agglomération au lieu de 50 et de sanctionner à partir de 45. La volonté de la mairie de Paris d'accroître le nombre de voies et de quartiers limités à 30 et de conserver le 50 sur "les grands axes les plus empruntés" est objectivement une mesure dépourvue de bon sens. Ce choix serait analogue à celui du maintien du 90 sur les "grands axes" des départements, hors agglomération, les autres voies étant abaissées à 80 km/h. Les études faites à Paris ont prouvé que le risque par km de voie était plus important sur les voies les plus utilisées. Si 15% des voies sont maintenues à 50, la proportion de tués ou de blessés sur ces voies sera très supérieures à 15%. Il est en outre très difficile d'avoir une signalisation visible en agglomération, distinguant nettement les zones à 50 et les zones 30.
Si l'on me demandait de faire un choix dans le cadre d'un referendum au niveau de ma commune, je choisirais le 40 km/h sur toute l'agglomération en permettant aux agglomérations de faire le choix de zones 30 ou de l'intégralité de la partie urbaine à 30 en sachant que la police nationale aura pour instruction de faire respecter cette limite (sanction à partir de 36 km/h). Il est possible de développer une analyse des solutions possibles au cours de l'année 2018. Les décisions finales étant prises au niveau des communes en toute connaissance de cause, c'est à dire en acceptant les contrôles avec la tolérance actuelle de 5 km/h.
1.b Réduire la vitesse maximale autorisée de 10 km/h sur tous les réseaux hors agglomération pour réduire les émissions de dioxyde de carbone et de polluants, réduire nos importations de pétrole, donc réduire le déficit de notre balance des paiements.
L'évolution du climat sous l'influence de l'effet de serre est une préoccupation mondiale qui a émergée progressivement. Longtemps contestée, elle est maintenant acceptée et les derniers climato-sceptiques font partie d'une fraction d'incompétents qui n'hésitent pas à vouloir exister en réfutant les connaissances qui ont atteint un niveau de probabilité dont la négation relève de l'irresponsabilité. Nous avons le devoir de lutter contre le réchauffement climatique. Les conférences internationales qui se succèdent produisent des engagements de plus en plus exigeants et précis. Après la COP21 nous sommes entrés dans la période du passage à l'acte. Il n'est plus possible de se contenter de fixer des objectifs lointains, nous devons agir maintenant, avec des méthodes efficaces concernant des domaines bien définis. Réduire la consommation de produits pétroliers dans le cadre des transports routiers fait partie de ces engagements sérieux et il a été clairement défini.
Le texte de la COP21 précisant l'engagement de la France est le suivant : "réduction de 29% des émissions dans le secteur des transports sur la période 2015-2028 : amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules (véhicule consommant 2L /100 km), développement des véhicules propres (voiture électrique, biocarburants, )."
Notre engagement porte sur 13 ans. La réduction en proportion constante annuelle doit donc être de 2,8% par an. En 2016 la consommation de carburant pour un usage de transport routier s'est accrue de 0,7%. Elle est en hausse de 1% sur les 9 premiers mois de 2017. Ces deux années permettent de prévoir au mieux une stabilité sur les deux premières années d'application de nos engagements, soit un déficit de 5,6% par rapport à notre engagement de 2015.
Il faut rappeler que dans la période de réduction observée de la vitesse moyenne de circulation (2002-2013) la consommation de carburant a diminué de 2,8% alors que le trafic s'accroissait de 2,7%. La consommation au kilomètre parcouru s'est donc réduite de 5,5%.
De nombreuses courbes sont disponibles, qui tracent la consommation de carburant des véhicules légers. L'amélioration du rendement des moteurs contribue à la réduction de la consommation, pour l'essence comme pour le gas oil, mais deux facteurs ont des effets contraires. L'accroissement de la proportion d'achats de véhicules léger à essence par rapport aux motorisations diesel pour des raisons liées aux émissions de polluants. La lenteur de la réduction du poids et de la puissance maximale des véhicules est un second facteur de résistance à cette intention de réduire les consommations de carburant. Le développement des véhicules électriques est lent et risque de le demeurer du fait de leur prix et de leur autonomie encore réduite. On nous parle beaucoup du véhicule consommant 2 litres de carburant pour parcourir 100 km, mais sans date de commercialisation. Les constructeurs peuvent le produire dès maintenant s'ils en ont la volonté et si les difficultés liées au poids minimum permettant de respecter les normes actuelles de sécurité sont adaptées. Il est évident que la réduction des VMA sur tous les réseaux facilitera l'intégration d'un tel véhicule dans la circulation.
Il est surprenant de constater que l'ADEME ne produit pas sur son site internet de courbes de consommation en fonction de la vitesse pour l'ensemble des véhicules commercialisés. Il est certes important d'indiquer des éliminations de dioxyde de carbone dans le cadre du cycle défini par la réglementation (dont nous savons qu'il ne correspond pas à la réalité et sous estime les émissions réelles), mais il est indispensable de rendre évident la variation de la consommation en fonction de la vitesse de circulation.
Le ministre qui a en charge l'environnement va devoir faire le ménage dans son administration et clarifier ce qui est bon et ce qui est mauvais. Le Commissariat général au développement durable, qui est un service du ministère de la transition écologique et solidaire, a publié en juillet 2017 dans son "Data - Lab", l'évolution des transports pendant le premier trimestre 2017 sous le titre : "Une conjoncture des transports bien orientée au premier trimestre 2017". Sur le site internet du ministère, nous pouvons lire par ailleurs : "Le redémarrage du transport routier de marchandises et la forte croissance du transport de voyageurs s’accompagnent d’une hausse des effectifs mais aussi des émissions de gaz à effet de serre. Le transport de marchandises, tiré par le transport routier en compte propre et le transport sous pavillon étranger, est en hausse malgré la baisse du ferroviaire et du fluvial".
Donc une "conjoncture bien orientée" vers la croissance des transports routiers serait compatible avec une lutte contre la hausse "des émissions de gaz à effet de serre" correspondant aux engagements de notre pays. Nous sommes là au coeur de la contradiction entre :
- la volonté de développer des activités qui ont une valeur si l'on se réfère à des critères économiques limités et spécifiques de certaines activités, notamment les transports routiers
- les choix de société sur l'évolution du climat imposant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces textes sont accessibles sur http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/2669/1874/comptes-transports-2016-tome-1-54e-rapport-commission.html .
L'office parlementaire des choix scientifiques et techniques a organisé une journée de travail sur "l'apport de l'innovation et de l'évaluation scientifique et technologique à la mise en oeuvre des décisions de la COP21». Il y a un abime entre ce genre de réunion et un passage à l'acte crédible et programmé permettant d'atteindre l'objectif fixé.
Il est indispensable d'arbitrer ces contradictions et de faire des choix dans des délais courts. Il n'y aura pas de progrès sensible au cours des 10 années à venir sur la consommation de carburant sans envisager des mesures précises concernant le transport de marchandises. Les poids lourds ne seront pas électrifiés et les rendements de leurs moteurs ne seront pas améliorés de façon significative. Les choix seront difficiles avec plusieurs options, qui peuvent être associées :
- réduire la vitesse maximale des poids lourds. Cette mesure aura un effet réduit car leur vitesse maximale actuelle se situe dans une zone basse de la courbe de réduction de la consommation en fonction de la vitesse,
- réduire le transport de marchandise par un accroissement du prix du gas-oil. La mesure sera conflictuelle avec des biais de comportements possibles, l'incapacité de l'UE à fixer des taxes identiques dans tous les pays de l'union provoquera l'accroissement du volume des réservoirs et des achats de carburant dans des pays où son coût est plus faible, alors que les transporteurs français sont déjà soumis à une concurrence déloyale du fait des différences de coût du travail entre les pays,
- accroître le tonnage autorisé. Cette mesure réduit la consommation à la tonne transportée, mais elle dégrade les infrastructures (l'accidentalité ne serait pas accrue, car les masses des voitures sont tellement différentes de celles de poids lourds que les variations de vitesse lors d'un impact frontal auraient un effet inférieur au gain produit par la réduction des km parcourus par les poids lourds),
- accroître les autres modes de transport de marchandises (train, voies d'eau), cette mesure est lente à mettre en oeuvre et rien n'indique une inversion de la tendance. L'élargissement des canaux ou la création de nouvelles voies d'eau n'est pas d'actualité et les délais sont sans cohérence possible avec ceux fixés lors de la COP21,
- compenser la stagnation voire la croissance du transport routier par une réduction importante de la circulation de véhicules plus légers, notamment les utilitaires de moins de 3,5 tonnes dont les vitesses de circulation sont actuellement très excessives, compte tenu du risque lié à leur masse.
D'autres effets liés aux réductions des vitesses maximales doivent être pris en considération :
- réduire la vitesse accroit la fluidité du trafic et réduit les accidents, donc les bouchons qui se forment après un accident, notamment sur les autoroutes. Quand un accident matériel sur la voie de gauche de l’autoroute de l’ouest provoque un bouchon qui va durer de 1 à 2 heures avec une circulation de plus de mille véhicules par heure, la perte de temps se cumule avec une augmentation de la consommation donc de la production de dioxyde de carbone et de la pollution
- Les émissions de polluants (oxydes d'azote, particules fines) seront réduites proportionnellement à la réduction de la consommation.
- Les dépenses des ménages seront réduites (coût des assurances, dépenses de carburant).
- Les temps de déplacement accrus. Les conséquences peuvent être évaluées avec des avis très différents, voire opposés. La productivité associée à un déplacement (livreur, représentant) sera réduite en proportion de la réduction de la vitesse moyenne, ce qui impose un accroissement du nombre d'employés pour assurer un service rendu constant, ce qui est favorable à l'emploi dans un pays comme le nôtre qui a un chômage élevé, et ceci sans inégalités dans la concurrence, la réduction de vitesse s'appliquant à tous de façon identique.
- La réduction de la mortalité de personnes
jeunes dans les accidents de la route qui a deux aspects très
différents.
- L’un est affectif. Perdre ses ascendants fait partie de la destinée d’êtres humains dont la durée de vie est limitée, perdre ses enfants, son conjoint, ses frères ou ses sœurs, n’est pas un événement de même nature. Il est en rupture avec l’espérance de vie dont on peut bénéficier et altère profondément la qualité de vie d’une famille.
- L’autre est économique. Les évaluations du « prix de la vie humaine » ont longtemps écarté la prise en compte de l’âge d’une disparition. La moyenne d’âge de décès par accident de la route est proche de quarante ans et si l’on utilise comme indicateur l’espérance de vie sans handicap, la valeur perdue apparaît beaucoup plus importante que dans la quasi-totalité des facteurs de morts. Le constat est identique pour les handicaps produits. Le coût d'un handicap grave survenant chez un usager jeune peut être très supérieur au "prix de la vie humaine" admise actuellement.
2/ Assurer la qualité de la gestion des politiques publiques
La France prend du retard dans le domaine du développement de techniques informatiques destinées à gérer des données dont nous paraissons incapables de limiter la complexité. Une série d'échecs (dossier médical informatisé, logiciel des salaires des militaires) ont exprimé un défaut de définition des objectifs, associé à l'absence de recours à des compétences extérieures différentes de celles des gestionnaires des institutions concernées. Par ailleurs, les responsables politiques des dernières décennies n'ont pas su, ni voulu, gérer l'évaluation des politiques publiques. Cette pratique est indissociable de la notion de contrôle de qualité. Il est indispensable d'établir une liste évolutive des mesures à mettre en oeuvre pour assurer une qualité optimale à toutes les procédures qui contribuent de façon indiscutable à la sécurité routière. J'ai développé cette nécessité dans le thème détaillant les mécanismes de l'échec des dernières années et je l'avais envisagée à de multiples reprises, notamment dans un livre publié en 2005 (cécité - la fin de l'évaluation des politiques publiques) et dans un texte de janvier 2003 (nécessité de développer l'évaluation dans le domaine de la sécurité routière).
Il faut distinguer une gestion de type pyramidal, fondée sur des décisions venant du haut de la hiérarchie et diffusant vers les acteurs de terrain, d’un système interactif dans lequel les objectifs sont fixés par les décideurs et les méthodes établies en accord avec l’ensemble des acteurs. Un système d’observation pertinent doit être capable de faire remonter périodiquement vers les responsables un ensemble d’indicateurs leur permettant de comprendre comment le système fonctionne. L’évaluation devient alors un processus continu facilitant l’adaptation des actions pour améliorer la qualité des résultats obtenus. La gestion de projets destinés à atteindre des objectifs ne peut être confondue avec la gestion des hommes et de leur carrière. Il y a des interactions entre ces deux procédures complémentaires mais elles ne doivent pas être confondues.
Le dysfonctionnement du dispositif de retrait des points de permis est un bon exemple de désastre produit par l'absence d'évaluation. Le rapport Colin/Le Gallou qui l'a décrit n'a pas été rendu public et les mesures proposées par ces inspecteurs du ministère de l'Intérieur n'ont pas été l'objet du suivi qu'ils recommandaient. Masquer ses erreurs n'est pas un comportement permettant d'améliorer un dispositif.
Ma proposition est simple : dans l'attente de la création (ce sera la troisième dans l'histoire de la cinquième république) d'un organisme d'évaluation des politiques publiques (par exemple dans le cadre d'une refondation du conseil économique et social, organisme coûteux et peu productif),
- créer un groupe de travail réduit produisant en deux mois une liste de facteurs à évaluer, intervenant dans la sécurité routière. Il serait doté de moyens et identifierait les facteurs à évaluer. Le dernier rapport dans le cadre du décret du 18 novembre 1998, qui instituait un Conseil national de l’évaluation travaillant avec le soutien du commissariat général au Plan est un bon exemple de cette pratique indispensable supprimée avec beaucoup de légèreté : http://www.evaluation.gouv.fr/cgp/fr/interministere/org_cgp.htm Il a évalué le dispositif de contrôles et de sanctions des délits routiers et a joué un rôle important dans les décisions politiques de 2002/2003 (rapport Ternier de 2003).
- un sous-groupe, réunissant un nombre très limité d'experts, produirait une description des modifications capables de remédier au dysfonctionnement d'un dispositif existant ou de proposerait de définir des dispositifs utiles et actuellement inexistants. Il assurerait le suivi des résultats obtenus qui seraient rendus publics.
Exemples de procédures à développer :
a/ mise en oeuvre d'une traçabilité des infractions, depuis leur constat jusqu'au terme de leur traitement, incluant le retrait de points. Le développement de la "logistique" et de la gestion de données informatisées a créé des outils performants dans ce domaine. Dans le cadre de la sécurité sanitaire la traçabilité de la viande de boeuf a été assurée dans des délais courts pour prévenir le développement de la contamination humaine par la maladie de Creutzfeld-Jacob. Un colis peut être acheminé et tracé parce qu'il a un identifiant qui est conservé tout au long de son trajet. Il est inacceptable que des logiciels différents, qui ne communiquent pas entre eux, soient mis en oeuvre pour gérer des infractions, avec une survie de bordereaux écrits qui ne seront pas transmis au fichier des permis de conduire pour permettre le retrait de points, faute d'effectifs suffisants au niveau des greffes ! L'objectif est simple : toutes les infractions doivent avoir une finalisation qui serait transmise à l'organisme qui a fait le constat. L'absence de transmission après une durée donnée produirait une recherche automatisée identifiant la dernière structure qui a reçu le constat et ne l'a pas traité, ou n'a pas transmis la décision finale à l'organisme qui a fait le constat.
b/ développer les relations entre les données. La maîtrise des systèmes complexes impose de créer et d'exploiter tous les liens capables de relier les différentes sources de données informatisées qui ont un rapport avec le sujet traité et les objectifs recherchés. Les opposants à ces pratiques mettent immédiatement en avant les dangers d'une société qui enregistre la totalité de nos comportements. Ils étendent ce concept à des situations très diverses et c'est cette généralisation qui est inacceptable, car elle limite la capacité d'identifier des comportements dangereux. Quand la société Wikileaks a mis ses capacités d'analyse au service d'un groupe de journalistes qui avaient pu se procurer des données bancaires dans un paradis fiscal, les résultats obtenus ont été admirés et perçus comme un pas important dans la neutralisation des délits financiers. Créer des embranchements collatéraux exploitant de façon ciblée les données disponibles concernant les infractions routières est une procédure légitime, elle est identique à celles utilisée pour identifier des délits financiers. Il y a des indicateurs disponibles qui permettent d'observer des faits orientant vers des infractions. Quand des policiers ou des gendarmes font des contrôles statiques pour vérifier la possession des documents réglementaires (permis de conduire, certificat d'immatriculation), leur productivité est faible, notamment du fait de multiples appels de phares indiquant la proximité d'un contrôle. Il convient de créer des bases de données recensant les situations anormales (amendes non payées, points de permis non retirés par impossibilité de relier une infraction au fichier des permis de conduire, impossibilité de joindre le titulaire d'un véhicule lors d'un contrôle automatisé) et de les identifier avec des véhicules équipés de dispositifs LAPI (lecture automatique des plaques d'immatriculation) rendant possible une interception. Un maillage entre les données développe des capacités d'action qui démultiplient les capacités d'identification des techniques diverses développées pour échapper aux sanctions.
c/ créer un observatoire des vitesses au niveau de chaque département. Connaître au niveau de responsabilité adapté l'évolution du facteur le plus important dans les déterminants de l'accidentalité est indispensable pour assurer une bonne gestion des moyens mis en oeuvre. Le 28 août 1997 le sénateur Hamel a obtenu en réponse à sa question sur le bilan de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière une énumération d'activités, indiquant notamment : "C'est ainsi que l'observatoire a oeuvré pour développer le logiciel de traitement des données locales d'accidents Concerto, pour lancer le programme Fa-Vibrato de recueil de données automatiques sur les vitesses à partir des stations de comptages Siredo". 20 ans après, le projet n'a toujours pas abouti.
d/ établir au niveau de chaque département une documentation minimale du risque au niveau des différentes voies. Un rapport vient d'être publié par le Sénat (Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur la politique d’implantation des radars), Par M. Vincent DELAHAYE, Sénateur. Ce rapport exprime une différence abyssale entre certaines connaissances accidentologiques décrites dans le rapport et certaines propositions. Page 56 nous lisons que "L’équipement des réseaux départementaux et communaux, où se produisent la majorité des accidents, doit être renforcé, au détriment des réseaux autoroutiers et nationaux, au risque de réduire significativement les recettes du contrôle sanction automatisé". Cette proposition est aberrante. Le rapport indique par ailleurs que "En 2014, on constate un décès pour 45 km de route nationale, un pour 52 km d’autoroute, et un pour 179 km de route départementale. Selon la délégation à la sécurité routière (DSR), dans la mesure où le risque est plus « dilué » sur les routes départementales et communales, il est « donc logique que les zones de concentration des accidents, celles qui ont permis de déterminer les emplacements adaptés pour les radars, se soient plus souvent retrouvées sur autoroute ou route nationale en regard de la taille du réseau". Aucun chercheur spécialisé dans ce domaine n'a été associé à ce rapport pour expliquer la différence entre l'accidentalité au km de voie et l'accidentalité au km parcouru. La liste des 9 personnes entendues associe un avocat qui a constamment tenté de dévaloriser le dispositif de contrôle et de sanctions, deux journalistes de la presse spécialisée (Auto Plus), deux membres de la cour des comptes (qui a publié un rapport récent sur la gestion du contrôle de la circulation et du stationnement routier exprimant le même déficit de connaissances) et 4 membres de la délégation à la sécurité routière, dont le Délégué interministériel. L'Etat a des structures de recherche dans ce domaine, le CEREMA, l'IFSTTAR, les CETE, aucun membre de ces structures n'a été entendu.
Il faut développer au niveau départemental les indicateurs de risque adaptés à une accidentalité qui est actuellement très différente de celle de la période des "points noirs" qui devait être privilégiée quand la mortalité au kilomètre parcouru était 18 fois plus importante que dans la période actuelle. Il faut établir notamment les cartes de trafic journalier moyen (elles existent dans la plupart des départements mais elles sont insuffisamment exploitées dans un objectif de compréhension de l'accidentalité et de sa prévention), le nombre de tués et de blessés graves par kilomètre de voie au cours des trois dernières années, le nombre de tués et de blessés graves au kilomètre parcouru sur ces voies. Reprendre en l'actualisant la notion de ZAAC (zone d'accumulation d'accidents) en documentant notamment les accidents en intersection et ceux définis par la circulaire sur les ZAAC. Cette évaluation demeure indispensable, malgré la réduction des accidents sur les ZAAC, pour supprimer les arguments concernant la mise en place des radars automatiques dans des zones qui ne seraient pas dangereuses. Les accidents se produisent tout au long des itinéraires et l'emplacement de la majorité des radars fixes peut être aléatoire. Plus le trafic est élevé, plus importante est la réduction de l'accidentalité.e/ établir au niveau des départements une carte des kilomètres de voies avec des obstacles verticaux. Ces cartes doivent préciser leur nature et l'accidentalité des dernières années à leur niveau. Cette connaissance est indispensable pour traiter le risque à leur niveau et prendre dans des délais courts les décisions qui s'imposent (notamment d'éventuelles limitation de vitesse plus basses que les VMA). Ces cartes doivent développer les possibilités d'action au niveau des zones comportant des obstacles verticaux et le coût à envisager pour les différentes méthodes utilisables (la réduction de la VMA à leur niveau est toujours possible).
f/établir au niveau de chaque département une documentation minimale des contrôles d'alcoolémie (nombre par habitant, proportions en fonction des jours de la semaine et dans quatre créneaux horaires, comme cela avait été proposé par le Comité des experts auprès du CNSR (minuit/6 heures, 6h/12h, 12h/18h et 18h/24h). Quand on souhaite connaître en détail les pratiques, il est indispensable d'accepter un excédent de travail minime destiné à préciser la réalité du terrain.
g/ établir trimestriellement l'usage des éthylotests anti-démarrage par ressort judiciaire (nombre et proportion par rapport aux délits de conduite sous l'influence de l'alcool pendant la même période). Il y a maintenant 6 ans que la loi a défini cette possibilité. Le manque de moyens de la justice et la faible part du temps de formation des magistrats consacrée à la connaissance de l'accidentalité interviennent pour produire l'insuffisance de mise en oeuvre de ces dispositifs. Etablir une hiérarchie de la qualité de l'application d'une mesure peut être suffisant pour provoquer une prise de conscience d'une insuffisance locale.
Cette liste n'est pas limitative, il faut identifier toutes les situations qui imposent un contrôle de qualité destiné à optimiser l'application des mesures indispensables au développement de la sécurité routière. Quand deux rapports publiés cette année à quelques mois d'intervalles, l'un par la Cour des comptes, l'autre par le Sénat, tous les deux sur le même thème : le dispositif de contrôle automatisé de la vitesse, avec des défauts de compréhension majeurs de l'évolution des typologies des accidents de la route et des dysfonctionnements du dispositif de contrôle sanction, il faut agir, produire des analyses détaillant ces formes d'incompétences. Il faut expliquer que le fait de traiter de tels problèmes sans dire un mot du rapport Colin-Le Gallou est une forme de déni de réalité inacceptable. Faire travailler des gendarmes et des policiers au bord des routes pour assurer des contrôles de vitesse par des radars automatiques déplaçables, sans interdire les avertisseurs de radars et les appels de phare est une forme de mépris vis-à-vis de ceux qui doivent travailler dans de telles conditions.
3/ Neutraliser les actes nuisibles
Il ne suffit pas de bien faire, il faut neutraliser les activités qui réduisent la qualité de l'application des mesures réglementaires, notamment dans le domaine du respect des VMA, et développer des actions de lutte contre la désinformation. Par certains aspects, les deux rapports précités sont nuisibles au développement de la sécurité routière, car ils expriment non pas une volonté de mal faire, mais une connaissance défaillante des sujets traités. Il n'est pas neutre que les deux analyses aient été produits l'un par la Cour des comptes et l'autre au nom de la commission des finances du Sénat. L'abandon du Conseil national de l'évaluation qui avait été créé en 1998, justifié abusivement par son remplacement par la LOLF qui créait une évaluation au moment du débat budgétaire, a été une erreur majeure. L'analyse précitée du CAS sur le dispositif de contrôle et de sanction est une démonstration évidente du fait qu'il ne suffit pas de connaître les processus financiers et législatifs pour être capable de maîtriser un problème complexe, comme l'accidentalité routière.
L'urgence absolue est de neutraliser les avertisseurs de radars travestis en avertisseurs de dangers. Des erreurs majeures ont été commises en 2011 quand le ministère de l'Intérieur a négocié un accord de dupes avec les producteurs et les vendeurs de dispositifs permettant un signalement localisé, théoriquement d'un danger temporaire et en pratique un contrôle par les gendarmes et les policiers.
Il faut passer par la loi pour interdire ce type de pratique et l'étendre aux appels de phare qui suppriment l'efficacité des radars déplaçables et des autres formes de contrôle au bord des routes. La suppression des signalements par des appareils ou des applications peut être obtenue par l'obligation de faire transiter ces avertissements par un serveur du ministère de l'intérieur, capable d'identifier un avertissement géolocalisé et de bloquer sa diffusion si le pseudo avertissement de danger concerne un contrôle de la gendarmerie ou de la police. Les unités assurant ces contrôles entreraient dans la base de données les lieux et les heures de leur activité. Le serveur assurerait en outre la transmission de l'avertissement d'un véritable danger aux unités locales ayant en charge le territoire où il se situe. Il y aurait donc un double avantage au dispositif, prévenir les unités de gendarmerie ou de police d'un danger réel et bloquer les signalements de contrôles.
L'appel de phares n'est utile et fondé que pour avertir un véhicule que l'on doit croiser dans un passage étroit qu'il peut s'engager. Cette pratique se fait à une vitesse très basse et elle est utilisée de façon fréquente et pertinente par les usagers. Les appels de phares en dehors de cette situation ne servent qu'à signaler des contrôles et doivent être sanctionnés. Quand un danger réel est dépisté, il impose un comportement qui n'est pas un appel de phares. L'usager témoin d'un accident récent, ou d'un danger produit par une chute d'arbres ou de pierres, sans que les autorités locales soient encore intervenues, doit s'arrêter, signaler le danger par le triangle réglementaire de signalisation et appeler le 18. Une commandante de gendarmerie des Hautes Pyrénées évoquait récemment le problème posé par les appels de phare "dont les conséquences peuvent être dramatiques. Notre mission ne se limite pas à la police de la route. On peut être sur des affaires graves et, en indiquant notre présence, vous pouvez être, sans le vouloir, complice d'un éventuel enlèvement, par exemple".
Plusieurs pays ont déjà interdit la possession de dispositifs destinés en théorie à leur signaler des dangers et qui sont détournés de leur usage. Il convient également d'obtenir des producteurs d'applications sur les appareils mobiles (téléphones portables) d'accepter le passage décrit ci-dessus par un dispositif leur accordant le droit de donner une information utile et bloquant le signalement en cas de localisation dans une zone où un contrôle est en cours.
L'intérêt de ces interdictions par la loi dépasse le cadre de la sécurité routière. La gendarmerie et la police doivent pouvoir agir dans un ensemble de situations allant du trafic de drogues au grand banditisme et aux attentats, sans que leur action soit parasitée par des signalements. La lutte pour le maintien de la sécurité a de multiples facettes, quand des pratiques mettent en jeu la vie d'autrui, il est légitime de limiter ou d'interdire par la loi les actions qui réduisent l'efficacité des responsables de l'ordre public. Dans la situation actuelle, laisser des irresponsables cupides développer le signalement d'actions de la gendarmerie et de la police est une attitude irresponsable.
Il faut s'attaquer à la désinformation avec courage et détermination. Le développement de la désinformation est une pratique qui accroît la difficulté de prendre des décisions justifiées dans le champ de la sécurité routière. Elle s'est développée dans des proportions inhabituelles au cours de la dernière décennie. Il faut que le service de communication de la Direction de la sécurité routière (DSR) soit capable de développer systématiquement la contestation argumentée d'une information ou de propos sans fondement. Cet argumentaire doit être disponible sur un site internet et il devrait cibler avec précision l'origine de la désinformation. La peur de déplaire aux médias devient une plaie du débat politique.
J'ai écrit un livre sur "l'insécurité routière, les mensonges qui tuent (éditions Sciences du risque et du danger - Lavoisier éditeur)". Les noms des auteurs de désinformation étaient cités, un seul d'entre eux, le journaliste Airy Routier a porté plainte. J'ai complété les différentes formes de désinformation contenues dans son livre "La France sans permis" et j'ai été relaxé avec notamment la phrase suivante du jugement : "le prévenu pouvait affirmer comme il l'a fait que les erreurs factuelles et de raisonnement qu'il dénonçait relevait d'une volonté délibérée de l'auteur de travestir la vérité et de tromper le lecteur. La plaignant n'a pas fait appel.
En 2011 un mathématicien, Bernard Beauzamy, qui n'avait jamais travaillé dans le domaine de la sécurité routière, a produit à la demande de la revue Auto-plus un rapport contenant la conclusion suivante pour la période 1973/2011 : " la promulgation de lois, ou la mise en place de dispositifs répressifs, conduisent-elles à des diminutions significatives ? La réponse est très claire : il n'en est rien. Si l'on compare les douze mois précédant un événement et les douze mois qui le suivent, les promulgations ne sont en rien responsables de la décroissance". J'ai produit une analyse de ce rapport qui contenait de multiples erreurs et une manipulation des faits. Dans le cadre du comité des experts auprès du conseil national de sécurité routière, j'ai demandé au DSCR de l'époque d'obtenir un arbitrage entre nos deux textes (la Société française de statistique avait accepté de le produire si la demande émanait de la Direction de la sécurité routière). Cette proposition a été refusée par le DSCR pour éviter de faire de la publicité à une analyse manifestement erronée. Cette attitude est un encouragement à la publication de toutes les désinformations, Il faut s'attaquer aux menteurs, c'est une mesure indispensable.
Nous sommes dans un monde inondé de "fake news" transmis par les médias et les réseaux asociaux. Si les pouvoirs publics se révèlent inaptes à démonter les mécanismes de la désinformation, ils ne peuvent pas espérer faire évoluer des domaines qui se prêtent à toutes les manipulations. Si, de surcroît, la Cour des comptes, le Sénat et plus récemment les auteurs du "document de “politique transversale » pour le projet de loi de finances concernant la sécurité routière", produisent des analyses incomplètes avec des interprétations erronées, l'espoir de faire prévaloir la réalité des faits devient nul.
Je vais produire des analyses détaillées de ces trois rapports et elles seront accessibles sur le site.
Développer les dispositifs d'évaluation indispensables ne se fera pas avec de simples instructions. Il faut concevoir un dispositif évolutif, capable de suivre avec précision l'évolution des problèmes traités et le bon usage des méthodes développées pour corriger les dysfonctionnements observés. Ces pratiques imposent l'acceptation de la publication suivie des résultats obtenus, par des procédures se situant à l'inverse des pratiques fréquentes de l'administration consistant à ne pas faire état des erreurs ou des insuffisances de gestion. Il faut que les financements du CACIR et de l'ensemble de la chaine qui traite les contraventions et les délits routiers soit à la hauteur des enjeux. Admettre cette nécessité et développer les moyens et les méthodes indispensables permettront de renouer avec les fortes décroissances de l'accidentalité routière que nous avons connues depuis 1973. Les périodes de stagnation ont été rares et elles ont toujours été produites par l'absence d'intérêt des politiques aux niveaux les plus élevés de l'Etat, produisant une dégradation de toutes les procédures destinées à développer la qualité des résultats.
Conclusion
La France est confrontée à un drame de sécurité sanitaire. Le nombre de tués sur les routes s’accroit depuis 3 ans et demi, ce qui n’a pas été observé depuis 45 ans. Le premier semestre d’une présidence et d’un gouvernement est celui des choix qui vont déterminer le retour à l’efficacité ou le renoncement. C’est un moment opportun pour décrire l’échec des dernières années et faire des propositions. Les « communicants » mettent en avant des seuils qui seraient infranchissables, mais ces « planchers de verre » sont à des étages différents d’un pays à l’autre. Quand deux usagers meurent sur nos routes, un seul disparaît en Suède ou dans le Royaume-Uni. L’affirmation d’une dégradation des bilans en Europe ces dernières années est un autre argument dépourvu de validité ; les mauvais résultats concernent les mauvais élèves. De janvier 2013 à juin 2017 la mortalité en France s’est accrue de 8,5%, la Suisse, qui devient un modèle de rigueur dans l’application des règles, a réduit de 24% le nombre de victimes de 2013 à 2016. Le défaut d’acceptation sociale est un autre prétexte mis en avant pour ne rien faire, il est devenu le synonyme d'absence de courage politique. Les mesures qui seront adoptées d'ici la fin de l'année vont déterminer le succès ou l'échec. La sécurité routière a un avantage par rapport à d'autres domaines de la sécurité publique, les résultats sont observables dans des délais courts.
Il est devenu impossible de déconnecter les mesures capables de réduire la mortalité sur les routes de celles qui contribueront à réduire l’émission de gaz à effet de serre. La prise en compte de ce double aspect est une notion qui impose une politique ambitieuse et pertinente, exprimant un courage politique à tous les niveaux de l’Etat. Les grands succès politiques sont produits par des dispositifs interministériels initiés par le Président de la République et pilotés par son Premier Ministre. Les mesures qui seront adoptées d'ici la fin de l'année vont déterminer le succès ou l'échec. L'évolution de la sécurité routière a un avantage par rapport à d'autres domaines de la sécurité publique, les résultats sont observables dans des délais courts. Les effets sur le climat des engagements internationaux se feront sentir dans des délais beaucoup plus longs, mais c’est la mise en œuvre de nos engagements à court terme qui vont exprimer notre volonté d’agir maintenant.
Quand deux problèmes majeurs relèvent du même type de solution, le bon choix politique consiste à valoriser la possibilité d'obtenir un double succés en cumulant des effets de même nature produit par une décision permettant des modalités variables. La réduction de la vitesse maximale autorisée sur tous les réseaux produira un ensemble d'effets favorables concernant la vie des usagers de la route et l'avenir de notre milieu de vie. Si chaque membre de la collectivité mondiale respecte les engagements pris lors de la COP21, nous avons une chance de limiter les dommages climatiques vis à vis desquels le doute n'est plus permis. Si la France qui a hébergé et piloté cette manifestation mondiale respecte ses engagements, elle sera à la hauteur du problème. Si elle est incapable de réduire de 28% sa consommation de carburants destinés au trafic routier dans les 11 ans qui viennent, comme elle s'est engagée à le faire, elle exprimera une culpabilité qui ne sera pas uniquement attribuable à ses responsables politiques, elle concernera tous ceux qui s'opposeront à la réduction de la vitesse sur l'ensemble des réseaux routiers hors agglomération. Quand une collectivité cesse de prendre en compte l'intérêt collectif, notamment face à des risques graves et irréversibles sur le long terme, elle exprime la gravité d'une débilité sociale privilégiant le court terme et les choix individuels. Les décisions qui seront prises au cours des prochains mois contribueront à la compréhension de l'avenir de notre société.