le casque pour les cyclistes
Accueil | Table des matières |
Remonter
Cette page a été créée lors d'une actualité provoquée par le dépôt lors d'un
débat parlementaire d'un amendement sur le port obligatoire des casques par les
cyclistes
Cet amendement n'ayant pas été retenu,
l'actualité n'est plus aussi vive, mais le sujet réapparaîtra tôt ou tard et
il est utile d'analyser les arguments pour ou contre l'obligation du port du
casque, je développerai donc cette partie du site.
En complément de ce texte, deux études accidentologiques réalisées en
collaboration avec ma femme sont accessibles
sur le site :
Une étude de 375 accidents mortels de vélo
réalisée 1990, analysant les procès verbaux établis en France
métropolitaine.
Une étude avec la même méthodologie de
385 accidents mortels de vélo
(version au format pdf)
observés entre le 1er octobre 2001 et le 30 septembre 2003. La
même étude au format html contient un
paragraphe supplémentaire qui m'a été demandé, situant les différentes
typologies d'accidents en agglomération et hors agglomération.
Obliger les cyclistes à
utiliser un casque est une idée ancienne. Elle a été mise en œuvre par
l’Australie et la Nouvelle Zélande. Un texte législatif a été présenté au
Québec mais il n’a pas réuni de majorité. Les autres pays n’ont pas de
législation ou de réglementation contraignante (en France, comme dans de
nombreux autres pays ce type de décision peut être adopté par voie
réglementaire, le port obligatoire de la ceinture n’a pas été institué par
une loi en 1973 mais par un décret).
Les arguments en faveur
du port obligatoire du casque
-
l'efficacité du port du casque
pour les utilisateurs de deux roues n’est pas discutable. Sa reconnaissance
se fonde sur des arguments biomécaniques et accidentologiques. Les normes permettant d’évaluer la
réduction de l’intensité des accélérations subies par le crâne lors d’un
choc sont maintenant au point et documentent correctement les qualités des
casques. Plusieurs études
accidentologiques ont prouvé la réduction de la fréquence et de la gravité
des traumatismes crâniens chez les cyclistes porteurs de casques.
-
l’acceptabilité du port du casque
s’est accrue avec les progrès techniques réalisés ces dernières années. Le
poids des casques pour cyclistes s’est réduit, il est maintenant couramment
autour de 200 grammes et en outre la ventilation a été l’objet d’une
attention particulière, permettant de l’utiliser par temps chaud sans que
cela soit une contrainte réduisant le plaisir de faire
du vélo.
-
nous vivons dans une société
solidaire, quand un traumatisme crânien laisse des séquelles importantes, la
collectivité va en subir le poids, même si les conditions de prise en charge
de ces handicapés est loin d’être satisfaisante, faute
d’établissements appropriés en nombre suffisant. Il est donc acceptable que
les responsables de la sécurité routière prennent des décisions
contraignantes dans un tel domaine, comme cela a été fait pour les usagers
de moto et de cyclomoteurs.
Les arguments contre le
port du casque
-
Ce sont principalement des
arguments fondés sur l’acceptabilité du casque, c’est à dire sur la gêne
produite par son usage. Elle est principalement perçue au début de l’usage,
l’habitude se prenant rapidement de porter un casque sans le « ressentir ».
Mais le problème est indiscutable, quand on enlève son casque par temps
chaud, le mieux être est immédiat. Ce changement fait partie du plaisir,
comme de boire quand on a soif. Placer alors sa tête sous le robinet d’une
fontaine fait partie des moments de plaisir lors d'une randonnée par temps
chaud et quand je voyage à vélo avec ma femme, nous nous plaignons plus de
la disparition progressive des fontaines que du port du casque !
-
la gêne liée au volume du casque
et à la nécessité de le conserver avec soi si l’on veut éviter le vol est
également un problème. Peu ressenti lors de randonnées ou de voyages à vélo,
car qui imagine de laisser alors son vélo seul et sans surveillance, il
s’agit d’une gêne réelle pour les utilisateurs quotidiens du vélo. Ils
peuvent tenter de prévenir le vol par la vétusté de leur engin et la
multiplication des chaînes et cadenas, mais la solution est difficilement
envisageable pour le casque et il faut s’en encombrer si on souhaite le
garder.
-
l’argument théorique de la
« liberté » est un peu simple, je l’ai envisagé ci-dessus, nous ne pouvons
pas revendiquer la liberté pour éviter les contraintes et faire appel à la
solidarité quand notre « liberté » a produit des dégâts.
-
le seul argument sérieux contre le
port obligatoire du casque est le risque de dissuader les usagers du
cyclisme. Les Australiens avaient documenté ce risque lorsqu’ils ont rendu
le casque obligatoire, mais je ne connais pas les études qui ont pu être
faites pour préciser l’évolution de cette dissuasion. Il est possible
qu’elle ait été transitoire et il faudrait se renseigner sur ce point, je
vais tenter de le faire auprès des accidentologistes australiens. Il est évident que la
pratique du vélo a un intérêt considérable dans un objectif de santé
publique. Le couple sédentarité/suralimentation est devenu le quatrième
facteur de destruction prématurée évitable des humains dans les sociétés
industrielles (pour mémoire les trois autres sont le tabac, l’alcool et
l’accident de la route), conserver un bon fonctionnement cardiaque et
respiratoire par la pratique d’un sport qui ne met pas en danger les
articulations est un élément important de la lutte contre la réduction de
son autonomie et de la prévention des atteintes vasculaires. En outre
l’intérêt de la planète impose de réduire les consommations de combustibles
fossiles producteurs de dioxyde de carbone. Les villes doivent développer
l’usage du vélo au quotidien, il s’agit d’un enjeu majeur et non d’une
fausse solution aux multiples problèmes posés par l’usage abusif de la
voiture en ville.
Fréquemment, des cyclistes, des journalistes me demandent : « et vous, personnellement, que pensez-vous de
l'obligation du port du casque pour les cyclistes ? »
La réponse ne changerait rien à mon comportement, je porte toujours un casque quand je suis
sur un vélo, comme ma ceinture de sécurité en voiture. Le mien est
relativement lourd par rapport aux derniers produits « allégés » : 320
grammes, mais il est bien ventilé, de teinte claire et confortable. Il y a
une vingtaine d’années, quand je travaillais avec les chercheurs de chez
Renault sur un prototype de casque pour cycliste, la situation était très
différente, le problème du poids était en voie de résolution avec l’usage de
formes « alvéolées » rendues possibles par les technologies du plastique,
mais le problème de la ventilation n’était pas résolu et par temps chaud le
port du casque était pénible. Cette période est révolue. L’obligation ne me
gêne donc pas. Ce qui m’irrite dans cette décision, c’est sa facilité. Il
est facile d’imposer à une minorité, dans l’ensemble calme, une mesure
contraignante, dans le même temps on se révèle incapable de mettre en œuvre
les mesures qui amélioreraient la sécurité et la facilité d’usage de la
bicyclette. Je peux citer dans l’ordre :
-
notre retard dans le développement
des bandes cyclables et des pistes cyclables qui est
inacceptable, la récupération des voies de chemins de fer désaffectées se
fait avec une lenteur désespérante, alors que nous avons là des possibilités
de développement d’infrastructures touristiques d’un intérêt exceptionnel.
La situation est encore pire en ville et aux sorties des grandes
agglomérations, alors que le développement du vélo de loisir impose de
sécuriser les sorties d’agglomération. Quand Louis Nucera a été tué sur la rive droite du Var, dans la zone industrielle de
Carros, il a été victime du mépris de responsables du département et de la
grande agglomération de Nice qui n’ont pas su faire une infrastructure
dédiée au vélo le long du Var alors qu’il était facile d’en faire une sur la
rive droite. Effectuer un "tourne à gauche" sur cette longue ligne droite
qui borde la zone industrielle est rendu dangereux à la fois par la largeur
de la voie qui permet des dépassements faciles pour les quatre roues, le non
respect des couloirs directionnels et les excès de vitesse (note du
20/04/2008 : j'ai parcouru ce printemps 2008 les 4 premiers kilomètres de
l'aménagement cyclable de la rive droite du Var à partir de l'aéroport, qui
fait suite à la prolongation de la piste allant de la fin de la promenade
des anglais au pont sur le Var. Lentement, les aménagements indispensables
se mettent en place).
-
quand des couloirs réservés aux
bus et aux cyclistes sont mis en place, les deux roues à moteur les
utilisent sans que les pouvoirs publics fassent respecter la règle,
-
les aménagements protégés pour le parking des vélos sont absents,
-
les aménagements dangereux pour
les cyclistes se multiplient, le plus scandaleux est le développement de
séparateurs médians pour éviter que les quatre roues effectuent des
dépassements, sans bande cyclable, alors qu’elle devrait être imposée par
une norme. Sur ce type de voie, le cycliste qui s’éloigne du trottoir entre
en conflit avec les automobilistes qui ne peuvent le dépasser, c’est lui qui
devient le ralentisseur humain, le gêneur, s’il s’en rapproche il est frôlé
par des automobilistes qui ne respectent pas la distance à laquelle on doit
s’éloigner d’un cycliste pour le dépasser. Une bande cyclable de 80 cm à 1
mètre devrait obligatoirement accompagner un tel aménagement.
-
j’ajouterai que, quand on laisse
commercialiser des 4x4 de 150 chevaux et de 1800 kg, ou des motos de 100
chevaux, on est mal venu à créer des obligations pour les cyclistes, la
vieille expression « fort avec les faibles, faible avec les forts » prend
alors toute sa valeur. Nous prétendons respecter les accords de Kyoto,
limiter la pollution, et nous sommes incapables de nous opposer aux groupes
de pression qui développent le poids et la vitesse inutiles, donc la mort
sur les routes et la pollution en prime.