propositions de 2007

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Ce texte est complétée par deux annexes. L'annexe 1 traite de l'évaluation et l'annexe 2 des liens statistiques entre l'insécurité routière et les émissions de dioxyde de carbone.

Cet ensemble de 32 propositions dans le domaine de la sécurité routière a deux objectifs principaux :

Opportunité de l’actualisation d’un plan de sécurité routière

En 2002, après cinq années de stagnation (2,3% de réduction de la mortalité entre mai 1997 et mai 2002) un ensemble de mesures a provoqué un effondrement de la mortalité sur les routes de plus de 40%. Le niveau actuel proche de 5000 tués peut encore être abaissé. Une opportunité exceptionnelle va permettre d’atteindre, par des moyens communs, des objectifs de sécurité routière et de protection de la planète. Cesser de gaspiller des vies humaines, de gaspiller du pétrole, de déséquilibrer notre balance des paiements et d’aggraver l’effet de serre ne nous obligera pas à abandonner le transport routier, mais nous contraindra à rationaliser les déplacements, de personnes et de produits, en utilisant des véhicules conçus pour réduire leur consommation, la pollution urbaine et la production de dioxyde de carbone.

Cette mutation peut être une opportunité pour les constructeurs de renouveler le parc de véhicules plus rapidement qu’au rythme actuel. Il y a des compromis à trouver et il faut les définir dans des délais adaptés à l’urgence des décisions à prendre. Ceux qui continueraient à regarder la maison brûler sans agir avec détermination seront rapidement identifiés comme des velléitaires dépourvus de courage, détruisant tout espoir d’un retour de confiance dans notre système politique et ses acteurs. La période du diagnostic et du recensement des méthodes à mettre en œuvre est maintenant achevée, nous saurons dès la fin de cette année si les décideurs sont à la hauteur des enjeux.

Les plans faisant le point sur les mesures dont l’efficacité est documentée et l’acceptabilité assurée, socialement et économiquement, sont peu nombreux. En 1988 Michel Rocard avait été à l’origine d’un Livre Blanc sur la sécurité routière rédigé par la commission Giraudet. Un autre bilan des « Gisements de sécurité routière » avait été rédigé en 2001 sous la direction de Régis Guyot à la demande du directeur de la DRAST. En 2002 les Etats Généraux de la sécurité routière du 18 septembre avaient permis un premier recensement des mesures envisageables pour mettre en œuvre la priorité présidentielle. Ils avaient été suivis d’un appel à propositions concrètes présentées sous la forme de fiches de projet. J’avais fait trente propositions dans ce cadre, reprenant notamment les conclusions de la commission d’évaluation du système de contrôle et de sanctions dirigée par Michel Ternier en 2001/2002. Onze de ces trente propositions ont été mises en œuvre. Le Conseil économique et social vient de produire une analyse de qualité présentée par Philippe Da Costa. Les enjeux, les objectifs, les moyens de les atteindre sont identifiés. Il manque cependant un tableau des mesures proposées mettant en face de chacune d’elles la date à laquelle elle a été considérée comme nécessaire pour la première fois. Les plus importantes étaient dans le Livre Blanc rédigé en 1988/1989. La difficulté de vaincre des oppositions efficaces, notamment par leur aptitude à geler les décisions au niveau européen, est au cœur du blocage actuel.

Ce texte actualise les mesures capables d’amplifier les résultats des dernières années dans le domaine de la sécurité routière, en plaçant au premier rang la priorité politique annoncée par le président de la République qui est la réduction de la production de gaz à effet de serre.

Résumé

Contexte

1/ qui fait quoi et quand ?

les synergies entre la sécurité routière et la protection du climat imposent une coordination du « Grenelle de l’environnement » et de la définition de la politique de sécurité routière du Gouvernement dans son prochain CISR,

les succès obtenus à partir de décembre 2002 sont en partie liés au délai qui a séparé l’annonce de l’intention d’agir (14 juillet) et le début du passage à l’acte (CISR du 18 décembre). Il a permis une définition réfléchie des mesures à prendre.

2/ où en est-on ?

l’efficacité des mesures de 2002 a stabilisé le niveau de l’insécurité routière aux environs de 5000 tués

si l’on souhaite poursuivre la décroissance, il convient de :

Quelles bases pour raisonner et décider ?

Les facteurs de l’insécurité routière et de sa réduction, comme les facteurs de la modification du climat, sont des agents dont les effets peuvent être décrits et évalués par des experts qui appartiennent à la communauté scientifique comme à celle des gestionnaires. Seule la collaboration entre les experts, les décideurs et les structures sociales qui agissent pour faire évoluer la société, notamment les associations, permet de définir l’état des connaissances, faire l’inventaire des mesures souhaitables et possibles, et faciliter la prise de décisions adaptées et efficaces. Les deux priorités sont :

 

Comment poursuivre les progrès des cinq dernières années ?

1 - les véhicules

1 création d’un bonus-malus à l’achat d’une voiture particulière, fondé sur la consommation en cycle urbain, et rétablissement d’ un impôt indirect annuel fondé sur le même critère, avec un seuil au dessous duquel la « vignette » est gratuite

2 interdire la publicité pour les véhicules émettant plus de 140 g de dioxyde de carbone en cycle mixte. Il est incohérent de laisser promouvoir des produits dont on souhaite voir la vente et la production régresser.

3 développer une démarche active et non purement verbale au niveau de l’Union Européenne pour obtenir que la vitesse maximale des voitures et des motos soit limitée par construction

2 - l’infrastructure :

4 assurer l’identification des risques liés à l’infrastructure par une expertise de l’ensemble du réseau

5 évaluer et adapter la signalisation

6 réduire les risques liés aux obstacles verticaux

7 organiser le financement des modifications à apporter aux infrastructures pour accroître la sécurité sans déstabiliser les élus locaux et leurs budgets

8 actualiser le guide de bonnes pratiques sur l’aménagement sécuritaire des routes et des rues

3 - Réglementation des conditions de circulation

9 modifier les vitesses maximales autorisées

4 - Système de contrôle et de sanctions

10 homologuer et mettre en œuvre des radars automatiques embarqués dans des véhicules banalisés en déplacement

11 cesser de communiquer sur les sites et les dates de mise en œuvre des radars mobilisables

12 développer une procédure proche de celle utilisée pour les radars automatisés dans la gestion d’autres infractions routières, dans le but de réduire les tâches de secrétariat des policiers et des gendarmes.

13 préciser auprès des juridictions dans quelles conditions la confiscation du véhicule ne doit pas être une décision rare mais la règle,

14 mieux prévenir les excès de vitesse par des peines complémentaires adaptées à cette infraction

15 généraliser à tous les départements l’expérimentation sur les éthylotests antidémarrage

16 rendre obligatoire par un texte réglementaire l’usage d’un carnet de bord renseigné par tout conducteur utilisant un véhicule d’entreprise dont il n’est pas le propriétaire.

5 - Organisation et Evaluation

17 créer une Agence Française de la sécurité routière sur le modèle des grandes agences de sécurité sanitaire

18 adapter l’organisation locale du dispositif de surveillance de la circulation en accroissant la spécialisation et en modifiant la territorialité des actions de contrôle et de sanction.

19 définir une politique de l’évaluation répondant aux besoins

20 améliorer l’évaluation du CSA

21 améliorer l’évaluation et la gestion des problèmes posés par l’alcoolémie

22 améliorer l’évaluation des problèmes posés par la consommation de stupéfiants

23 évaluer les variations dans les sanctions pour les principales infractions routières dans les différentes juridictions,

24 évaluer le contenu des procès verbaux d’accidents pour identifier leurs qualités et leurs défauts et produire un guide complétant les documents actuellement utilisés pour former les gendarmes et les policiers,

25 évaluer la qualité du renseignement produit par les bulletins d’analyse des accidents corporels pour chaque champ renseigné, dans le but d’améliorer les documents utilisés pour former les gendarmes et les policiers, et de modifier les logiciels de saisie (introduction de contrôles),

26 compléter les statistiques juridiques concernant la sécurité routière produites par le ministère de la justice en présentant les données au niveau départemental,

27 évaluer l’effectivité des sanctions dans le domaine de la sécurité routière,

28 évaluer les plans départementaux de sécurité routière et les plans départementaux de contrôle et de sanctions

29 développer les connaissances sur les risques liés aux caractéristiques des véhicules

30 développer les connaissances sur l’efficacité des formations à la conduite

31 développer une communication approfondie sur les risques liés à la vitesse et aux caractéristiques des véhicules

32 utiliser les ressources financières produites par l’usage des radars automatiques a des actions exclusivement destinées à améliorer la sécurité routière et non à l’alimentation des dépenses infinies des travaux routiers, en utilisant le prétexte fallacieux de la sécurité routière.

Contexte

1/ qui fait quoi et quand ?

La coordination d’actions visant des objectifs différents avec une part de modalités communes pose des problèmes organisationnels. Les gestionnaires des calendriers peuvent être différents et il faut éviter que les chronologies ne soient inversées. Une part importante de l’action possible sur la production de dioxyde de carbone concerne les transports, notamment l’influence de la vitesse de circulation des véhicules et de leur poids qui sont également les facteurs déterminants les plus importants de l’accidentalité routière et des conséquences des accidents. Il est donc indispensable de coordonner les décisions qui suivront le débat sur l’environnement et la tenue du premier comité interministériel de sécurité routière, ce comité ayant un rôle important pour fixer la politique de prévention des accidents pour les années à venir.

Les succès obtenus à partir de 2002 ont été en partie liés au temps de réflexion qui a séparé l’annonce du 14 juillet 2002 (la sécurité routière est une priorité présidentielle) et la tenue du premier comité interministériel le 18 décembre, après les Etats généraux de la sécurité routière du 17 septembre. Ce délai a facilité la prise en compte à la fois des conditions techniques du développement de nouvelles méthodes de contrôle et de gestion des infractions (radars automatiques qui adaptaient les outils de contrôle à une délinquance de masse) et des conditions juridiques de leur mise en œuvre. Parallèlement un travail de communication d’une ampleur exceptionnelle (par des méthodes de pure communication politique et journalistique, sans campagnes publicitaires payées par les pouvoirs publics), avait préparé les usagers à des changements majeurs (retour au respect strict des limitations de vitesse et fin des indulgences, c'est-à-dire d’une forme de clientélisme qui dévalorisait les pratiques destinées à assurer la sécurité sur les routes et supprimait l’équité).

Où en est-on ?

Les périodes d’efficacité de la politique de sécurité routière (1973, 2002) ont associé :

La simple affirmation volontariste est inefficace, nous en avions eu la preuve lors de l’alternance de 1997. Le premier comité interministériel du gouvernement de Lionel Jospin avait fixé un objectif de 50% de réduction de la mortalité routière en cinq ans, elle a été de moins de 3% entre mai 1997 et mai 2002.

Les progrès très importants obtenus depuis 2002 sont maintenant stabilisés. Il n’y a pas de reprise significative de l’accidentalité sur les routes, mais un maintien de l’effet obtenu par les mesures décidées et mises en œuvre à partir de la fin de 2002. Autrement dit la gestion du système avant ce changement de politique déterminait une accidentalité responsable d’environ 8000 morts sur les routes, le nouveau dispositif mis en place a une efficacité accrue réduisant le niveau de la mortalité à un niveau légèrement inférieur à 5000. Cela signifie que si l’on maintient avec détermination le dispositif dans son état actuel nous maintiendrons le niveau d’accidentalité et de mortalité que nous connaissons. Si les responsables politiques veulent poursuivre la réduction de la mortalité, ils doivent prendre des mesures nouvelles, adopter des méthodes de mise en œuvre qui garantiront leur effectivité et les faire accepter par les usagers pour maintenir la très bonne adhésion de ces derniers aux décisions de 2002 (qui a été facilitée par l’importance des résultats obtenus).

Quelles bases pour raisonner et décider ?

La circulation des véhicules doit être considérée comme un système dont les composantes interagissent entre elles. Cette caractéristique impose d’avoir constamment à l’esprit les bases permettant de comprendre pourquoi il est, dans la plupart des cas, impossible d’attribuer des accidents ou des tués à des facteurs de nature causale par des statistiques purement descriptives identifiant la présence ou l’absence de ces facteurs. Il faut évaluer la « quantité de protection » ou la « quantité de danger », autrement dit de vies perdues ou de vies sauvées du fait de la variation d’un des facteurs si les autres ne variaient pas. Cette notion de « fraction attribuable », toutes choses étant égales par ailleurs, fait partie des bases épidémiologiques indispensables pour la prise de décisions politiques dans le domaine.

Exemple de problème qualitatif : le port de la ceinture de sécurité. L’évaluation de la proportion de victimes de la route non ceinturées ne permet pas d’inférer directement la proportion de ces victimes qui auraient survécu si elles avaient été ceinturées. Il faut passer par une évaluation de l’efficacité de la ceinture. Elle est proche d’une réduction par un facteur 2 de la mortalité des ceinturés par rapport aux non ceinturés. Cela signifie que si 10% des occupants de voitures tués ne sont pas ceinturés, leur usage de la ceinture aurait divisé par deux leur risque de ne pas survivre à l’accident, soit 5% de diminution de la mortalité des usagers de véhicules individuels par l’obtention d’un usage généralisé de la ceinture.

Exemple de problème quantitatif : la vitesse moyenne de circulation. Sa relation avec le risque n’est pas linéaire, ce dernier augmente proportionnellement plus vite que la vitesse, suivant une fonction mathématique rapidement croissante assimilable à une fonction exponentielle. L’observation empirique sur le terrain de la relation entre vitesse moyenne et mortalité permet de dire que 1% de réduction de la vitesse moyenne réduit la mortalité d’environ 4% (la relation n’est pas la même pour les accidents corporels non mortels et pour les accidents matériels). La réduction observée de la vitesse moyenne depuis la fin 2002 d’environ 9% peut se voir attribuer 36% de la réduction de 44% de la mortalité.

Exemple d’interaction entre les facteurs : la variation des accidents avec alcoolémie à un taux illicite dans la période récente. La proportion d’accidents mortels avec alcool s’est abaissée depuis 2002 dans des proportions proches de l’abaissement de la mortalité globale. Que peut-on en conclure ? Que cette réduction est liée au fait que les usagers ont moins conduit sous l’influence de l’alcool, ou que la réduction de la vitesse a rendu moins dangereuse la conduite en état d’imprégnation alcoolique ? Quand deux facteurs agissent sur la mortalité, la fraction de tués en moins, attribuable à l’un et à l’autre, ne peut être déterminée directement à partir de taux descriptifs. Il faut réaliser des études complémentaires à visée explicative, soit en mesurant la proportion de conducteurs sous l’influence de l’alcool en dehors de tout accident, soit en comparant l’évolution de l’alcoolisation des usagers responsables et non responsables de l’accident, tous les autres facteurs de risque pouvant être liés à la vitesse ou à l’alcool étant contrôlés.

Je cite ces exemples pour rappeler que si tout le monde conduit, la compréhension de l’accident et la quantification des risques (et des avantages que peuvent apporter des décisions nouvelles) relèvent d’une discipline scientifique, l’accidentologie, qui à ses règles et ses méthodes. Le politique est seul légitime pour décider, il doit faire des choix informés en tenant compte des connaissances disponibles. Nous sommes dans un domaine où le déni des connaissances est particulièrement fréquent. Le rôle de la vitesse est l’objet de contestations passionnelles qui ne facilitent pas l’évolution des comportements.

Les progrès que nous pouvons obtenir dans les années à venir seront encore liés à des améliorations des comportements sur les routes, notamment par l’extension à tout le réseau de la dissuasion de l’excès de vitesse par les contrôles automatisés effectués par des véhicules banalisés en déplacement (l’homologation et la mise en place de ce type de radar tardent de façon inquiétante alors que cette évolution vers une 3ème génération de radars avait été recommandée comme une mesure urgente dans le rapport d’évaluation du CSA de mars 2006).

Conjointement à ce type d’action, il est indispensable de développer deux autres méthodes si l’on souhaite atteindre un niveau de mortalité proche de 3000  :

Les choix possibles

Les facteurs auxquels on peut attribuer une part de la mortalité sur les routes sont connus, comme les mesures envisageables pour en prévenir les effets. Il ne faut pas négliger les mesures concernant un faible nombre de tués. Les Suédois ont très bien décrit cette nécessité dans leur choix politique d’un objectif « zéro tué » qui n’est pas bien compris en France car il est assimilé à une utopie. Les Suédois savent comme nous qu’il y aura toujours des tués sur les routes, même si l’on peut continuer à réduire leur nombre, mais ils estiment qu’il ne faut négliger aucun facteur de risque évitable. Si l’on décide qu’un fossé passant sous une voie au niveau d’une intersection ou d’une entrée de voie privée doit être nécessairement équipé d’une buse protectrice dont l’orifice n’est pas agressif (section oblique avec une fermeture partielle par des barres en béton obliques évitant le blocage brutal d’un véhicule à l’entrèe de la buse après une perte de contrôle) on entre dans ce concept. Cette attitude n’exclut pas de hiérarchiser les mesures à prendre en fonction de leurs coûts et de leur efficacité, mais elle impose de tout étudier pour planifier et réaliser dans les meilleures conditions possibles tout ce qui est accessible à une prévention techniquement possible et financièrement acceptable.

L’inventaire doit porter sur les principaux sous-ensembles de déterminants de la sécurité routière en tenant compte de leurs spécificités temporelles. Il faut environ 15 ans pour renouveler un parc automobile, les améliorations de l’infrastructure ont des délais d’effectivité allant de l’année (expertise généralisée de la signalisation) à quelques années (politique volontariste de réduction de l’agressivité des obstacles verticaux) ou à la décennie (sécurisation des infrastructures par la séparation systématique des sens de circulation sur les voies supportant des circulations importantes).

Pour rédiger ce plan d’action j’ai tenu compte des propositions qui se sont succédées depuis le Livre Blanc sur la sécurité routière de 1989/1990, notamment des 30 propositions que j’avais faites lors des Etats généraux de la sécurité routière de 2002 (onze d’entre elles ont été mises en œuvre) et des réponses des candidats à l’élection présidentielle de 2007 au questions posées par un groupe de médecins préoccupés par la sécurité sanitaire (accessibles sur le site www.securite-sanitaire.org ). Je n’envisagerai pas les mesures concernant l’évolution de l’usage des différents moyens de transport dans le cadre d’une politique nationale, régionale et communale des déplacements des personnes et des transports de marchandises. Elles peuvent modifier de façon importante l’exposition au risque, donc la sécurité routière, mais ces mesures ne portent pas directement sur l’infrastructure routière, les véhicules et leurs usagers. Chaque proposition est traitée avec la procédure suivante :

Définition du problème

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Argumentaire

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Conditions pratiques de mise en oeuvre

 

Les 32 actions proposées

1/

Création d'un « bonus/malus » à l'achat d'une voiture particulière et d’une taxation annuelle pénalisant uniquement les propriétaires de véhicules se situant au-delà d’un certain seuil de consommation.

Définition du problème

Réduire notre consommation de combustibles fossiles est une urgence reconnue. Si le gouvernement ne donne pas d'avantages incitatifs importants aux usagers pour obtenir des résultats, nous ne respecterons pas nos engagements de Kyoto (8 % de réduction des émissions de CO2 en 2010 par rapport à 1990, nous sommes à - 1,8 %). Un pacte de réduction par un facteur quatre de nos émissions de CO2 en 2050 est encore moins crédible. Nous devons définir une mesure importante et efficace qui puisse être mise en oeuvre avant la fin de 2007. Si nous attendons que chaque individu mette en accord ses convictions et ses actes, l'échec est assuré. Il convient de provoquer le passage à l'acte par des avantages ou des pénalités qui ne soient pas symboliques. Les organismes publics ayant en charge la sécurité routière et notamment les responsables européens, ont eu la faiblesse de laisser les constructeurs automobiles définir un objectif de production moyenne de 140 grammes de dioxyde de carbone au kilomètre. Il est évident que cet objectif ne sera pas tenu et que la seule méthode efficace sera de mettre en place un dispositif réglementaire au niveau européen. La procédure semble engagée, mais nous avons trop souvent observé des renoncements au niveau de l’Union pour ne pas engager au niveau national un processus de dissuasion de l’achat et donc de la production de véhicules inutilement lourds et puissants destinés à assurer les déplacements d’un maximum de cinq occupants.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Accroître la motivation d’abandon des véhicules inutilement rapides, lourds, puissants et donc gaspilleurs de carburant par un dispositif de taxation pénalisant l’achat d’une voiture particulière dont la consommation en ville dépasse celle de la médiane des véhicules vendus l’année précédente. Parallèlement, une prime serait versée aux acheteurs de véhicules se situant au dessous de la consommation médiane. Une taxe annuelle compléterait le dispositif et concernerait uniquement les véhiculés dont la consommation est supérieure à celle du véhicule médian.

Argumentaire

Le gaspillage des combustibles fossiles n’est pas seulement un problème pour notre balance des paiements et une manifestation égoïste de notre indifférence pour les pénuries auxquelles seront confrontées les générations à venir, c’est d’abord un risque inutilement accru de pollution atmosphérique et un facteur d’accroissement de l’effet de serre. Ces deux conséquences distinctes relèvent de la sécurité sanitaire.

Le dossier technique de la puissance et de la vitesse inutile des voitures particulières commercialisées actuellement est développé sur le site internet www.apivir.org qui traite plus spécifiquement de la vitesse inutile, mais utilise également l’argument environnemental pour promouvoir la nécessité de réduire la consommation des véhicules mis en circulation. L’argumentaire est simple : la consommation en ville ou hors agglomération d’un véhicule est directement liée à sa masse, à sa puissance maximale et à sa vitesse maximale. Cela signifie que le conducteur le plus respectueux des règles sur les limitations de vitesse et avec le même style de conduite pourra consommer jusqu'à deux à trois fois plus de carburant avec un véhicule de 4/5 places qu’avec un autre. Tous les progrès effectués sur le rendement des moteurs ne modifieront pas ce constat. Une note en annexe analyse les liens entre masse, puissance, vitesse maximale, consommation et production de dioxyde de carbone.

La seule solution efficace consistera à terme à interdire de dépasser certaines valeurs pour ces trois variables et nous savons que cette décision passera par le niveau européen (cf le jugement du Conseil d’Etat reproduit sur le site de l’association pour l’interdiction des véhicules inutilement rapides – APIVIR). En attendant il est urgent de pénaliser par une fiscalité appropriée l’achat de véhicules inutilement consommateurs de combustibles fossiles. Il est incohérent de faire le constat que « la maison brûle et que nous regardons ailleurs » tout en étant incapables d’adopter des décisions simples et efficaces pour limiter un gaspillage coûteux et dangereux. Les décisions déjà prises pour pénaliser les véhicules inutilement puissants et favoriser les moins consommateurs sont inadaptées aux enjeux. Il faut mettre en œuvre très rapidement un véritable bonus/malus à l’achat d’un véhicule neuf qui concerne l’ensemble des véhicules commercialisés et non une fraction limitée des meilleurs ou des pires !

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il n'y a pas de difficulté technique pour mettre en place un tel dispositif. Le principe proposé est l’instauration d’une taxe à l’achat d’un véhicule plus consommateur que la médiane et d’une subvention à l’achat d’un véhicule moins consommateur que la médiane (la notion de médiane est plus pertinente dans ce type de problème que la notion de moyenne, la médiane de la consommation est la valeur qui divise l’ensemble des véhicules commercialisés une année donnée en deux groupes égaux, celui des véhicules qui consomment plus et celui des véhicules qui consomment moins que le véhicule médian). La combinaison de ces deux actions doit assurer un bilan financièrement neutre pour le budget de l’Etat, les sommes perçues étant équivalentes aux sommes distribuées et c'est cet équilibre qui assure l'acceptabilité sociale de la mesure. L'Etat ne crée pas un nouvel impôt indirect à l’achat portant sur tous les véhicules, il récompense les citoyens qui font un choix allant dans le sens de ce qui est indispensable. Il serait possible d’utiliser comme critère l'émission de dioxyde de carbone dans le cycle de consommation normalisée par l’Union Européenne, mais la consommation de carburant en ville est préférable car elle est plus pénalisante pour les véhicules très lourds et très puissants et elle prend mieux en compte certaines formes de pollution urbaine.

Conditions pratiques de mise en oeuvre

Le point important est d’assurer un transfert financier élevé des acheteurs les plus irresponsables vers les plus responsables. Un ordre de grandeur réaliste consisterait à fixer le coût d’une surconsommation en ville de 1 litre de carburant pour cent kilomètres par rapport à la médiane de l’ensemble des véhicules mis en circulation aux environs de  1000 euros. Cela signifie concrètement que l’achat d’un véhicule ayant une consommation élevée serait taxé de plusieurs milliers d’euros. Cette taxation doit être instituée rapidement, avec une progressivité sur 2 ou 3 ans avant d’atteindre son taux maximal. Un système de provisions d’une année sur l’autre permettra de rendre l’opération neutre pour le budget de l’Etat en adaptant la valeur du « point de malus » ou du « point de bonus » à la réalité des ventes de l’année précédente. La taxation doit s’appliquer aux véhicules achetés d’occasion à l’étranger et importés à une date postérieure à l’établissement de la taxation française.

Pour compléter ce dispositif et éviter une valorisation des véhicules puissants et très consommateurs sur le marché de l’occasion, il faut remettre en œuvre une taxation annuelle sur le principe de l'ancienne vignette dont la suppression a constitué une erreur politique majeure. Il faut le faire avec deux modifications :

L’usager respectueux de son environnement recevrait donc une aide à l’achat (bonus) et ne paierait pas de vignette annuelle, celui qui ne le respecte pas paierait une taxe à l’achat (malus) et le montant d’une vignette annuelle. L'adoption d'une telle mesure serait le meilleur signe d'un véritable passage à l'acte politique volontariste dans le domaine de l'environnement. A ce jour l'Etat a créé des incitations minimes, il a principalement laissé faire le marché et les effets de la croissance du prix du pétrole et de ses dérivés. Il faut maintenant qu'il joue un rôle beaucoup plus actif. Ne pas adopter une telle mesure signifierait que les annonces faites dans le domaine de la lutte contre l’accroissement de l’effet de serre étaient purement velléitaires.

2/

Interdire la publicité pour les véhicules émettant plus de 140 g de dioxyde de carbone en cycle mixte.

Définition du problème

La publicité pour les véhicules dispose de moyens financiers considérables, sans commune mesure avec les moyens de la communication institutionnelle destinée à soutenir la politique de sécurité routière. Il est contradictoire d’accepter la promotion publicitaire de véhicules inutilement rapides, puissants et consommateurs de carburant, tout en affichant une volonté de réduire la production de gaz à effet de serre et de réduire l’accidentalité.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Interdire la publicité pour des véhicules dont la production de dioxyde de carbone dépasse 140 grammes par kilomètre en cycle mixte dans le but de réduire la valorisation de ces véhicules par des méthodes utilisant toutes les ressources de la manipulation publicitaire.

Argumentaire

Les modèles proposés par les industriels de l’automobile peuvent avoir des caractéristiques destinées à séduire des usagers qui n’ont pas une volonté établie de :

Si l’on souhaite assurer la cohérence entre des objectifs politiques annoncés et la réalité du terrain, il faut cesser de laisser assurer la promotion de ce que l’on veut supprimer. L’acceptation ou le refus de cette mesure sera un bon test de la sincérité des décideurs, car il n’y a aucun argument objectif et rationnel permettant de s’y opposer.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

L’opposition à de telles contraintes viendra principalement des milieux réalisant ces publicités et des supports qui les présentent. Les constructeurs étant dans des conditions d’égalité face à la loi ne subiront pas de discrimination du fait de son application, sauf les constructeurs très spécialisés ne produisant que des véhicules dépassant les seuils au-delà desquels la publicité serait interdite. Ces derniers s’opposeront par tous les moyens à l’adoption de cette mesure, comme l’a fait l’industrie du tabac dans le passé pour les décisions de santé publique qui entraient en conflit avec leurs intérêts économiques.

Une des difficultés pratiques sera liée au fait qu’un modèle de véhicule est produit dans le cadre d’une gamme qui peut associer des véhicules « raisonnables », d’autres qui le sont moins et enfin des versions en contradiction complète avec les objectifs de respect de l’environnement et de cohérence avec la vitesse maximale autorisée. Il est possible de pallier cette difficulté en fixant une limite au-delà de laquelle toute possibilité de publicité pour une version quelconque d’un modèle serait interdite, si l’une de ces versions dépasse cette limite.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Les dispositions législatives mises en œuvre pour interdire la publicité en faveur du tabac et contrôler la publicité pour l’alcool sont de bons exemples d’usage de la législation pour des motifs de sécurité sanitaire dans le domaine de la publicité. L’expérience acquise depuis la loi de 1976 concernant le tabac et la loi de 1991 concernant le tabac et l’alcool permettra d’éviter les possibilités de contournement de la loi par des techniques maintenant bien identifiées. Il convient de privilégier la définition de ce qui est autorisé en se méfiant de listes d’interdits toujours incomplètes.

 

3/

Développer une démarche active au niveau de l’Union Européenne pour obtenir que la vitesse maximale des voitures et des motos soit limitée par construction

Définition du problème :


La discordance entre l’accroissement des vitesses maximales que peuvent atteindre les motos ou les voitures particulières et les vitesses maximales autorisées constitue un risque pour les autres usagers, les possibilités de vitesse excessive étant utilisées par une fraction importante de conducteurs de véhicules inutilement rapides. Le risque ne se limite pas au réseau autoroutier, il est observé sur l’ensemble des voies, car l’incitation à l’excès de vitesse est permanent avec des véhicules dotés de fortes accélérations.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Limiter à la construction la vitesse maximale de tous les véhicules qui ne sont pas encore soumis à cette obligation. L’objectif est d’éviter d’avoir des véhicules qui sont conçus pour ne pas respecter les règles sur les limitations de vitesse et d’obtenir parallèlement un arrêt de la course à la puissance qui est en contradiction avec les objectifs de sécurité environnementale.

Argumentaire

Toutes les connaissances sur l’usage d’un outil permettent d’affirmer que la première condition pour assurer la meilleure sécurité possible lors de son usage consiste à éliminer ses caractéristiques inutiles et potentiellement dangereuses. Si une entreprise utilise une machine qui peut fonctionner très rapidement et risque d’être dangereuse lors d’un usage à une vitesse excessive, l’employeur est tenu de limiter sa vitesse par un régulateur. Il ne peut se contenter d’enjoindre à son employé de ne pas dépasser une certaine vitesse. Il serait condamné sévèrement si sa passivité provoquait un accident. Il n’y a aucune raison d’agir différemment dans le domaine de la sécurité routière.

L’argument souvent utilisé, prétendant que la fraction des accidents sur autoroute au-delà de 130 km/h est très faible n’a aucune pertinence. Quand cinq pompiers sont tués sur une autoroute à Loriol, il faut mépriser singulièrement la vie humaine pour considérer leur mort comme un événement tolérable. Rien ne justifiait d’exposer leur vie à un irresponsable capable d’utiliser à une vitesse illégale une voiture inutilement puissante. Il y a de très nombreux accidents à plus de 130 km/h sur le réseau non autoroutier à grande circulation et même sur le réseau secondaire. Donner à un outil une caractéristique que l’usager n’a pas le droit d’utiliser est à la fois une faiblesse et une forme de perversion. On autorise la prise de risque et on la sanctionne alors que l’on pouvait supprimer le risque à la source. Les contrôles de vitesse prouvent que les véhicules inutilement puissants sont plus souvent en grand excès de vitesse sur tous les réseaux, y compris dans les zones urbaines limitées à 50 km/h. Prétendre que ce sont leurs conducteurs qui ont des caractéristiques comportementales qui leur font choisir un véhicule inutilement rapide et qu’ils rouleraient également en grand excès de vitesse avec un véhicule limité à 130 km/h est une négation de toutes les connaissances acquises sur les liens entre les caractéristiques d’un outil et le risque d’un usage déviant. Quand un véhicule a une vitesse maximale inutilement élevée, il est également doté d’une puissance élevée et d’accélérations importantes et son utilisateur est incité à pratiquer des dépassements aventureux qui provoqueront plus souvent des accidents que si les reprises sont faibles. Les slogans mensongers sur « la réserve de puissance qui permet de dépasser en toute sécurité » sont contredits par la réalité et les assureurs nous prouvent depuis des décennies que les véhicules les plus rapides provoquent plus de dommages chez les autres usagers que les véhicules les plus lents. Les rapports des risques entre ces deux types de véhicules sont sans commune mesure avec le kilométrage parcouru. Les liens entre poids, puissance maximale et vitesse maximale sont si étroits que toute politique de sécurité structurelle visant à réduire l’accidentalité et l’agressivité des véhicules passe par la réduction de ces trois paramètres.

La limitation de vitesse à la construction est particulièrement importante pour les motos qui interviennent dans la mortalité routière pour une part qui est très supérieure au kilométrage parcouru. Le risque de mort pour un motocycliste est de 182 tués par milliard de kilomètres parcouru alors qu'il est de 8,3 pour les usagers de véhicules de tourisme (multiplication du risque par 22 !). Disposer d'une puissance de 100 chevaux pour se déplacer sur un deux roues dépourvu de carrosserie et de sécurité secondaire efficace est devenu la forme extrême de la discordance entre la nature de l'outil, le service qu'il peut rendre et la puissance dont il est doté. Rappelons qu'une vingtaine de chevaux suffisent pour atteindre 130 km/h avec un deux roues.

Les limites de vitesse à la construction ont été instituées pour les tracteurs, les cyclomoteurs et les poids lourds. L'Union vient de réduire la masse des poids lourds concernés par cette mesure à 3,5 tonnes. Il devient absurde de ne pas l'étendre aux véhicules qui provoquent le plus grand nombre d'accidents mortels. Une telle décision correspond à l'opinion de la grande majorité des Français. Le premier sondage a l'avoir montré sans ambiguïté été réalisé lors du week-end de la Toussaint 2000 par l'IFOP pour l'Express. 79%  des personnes interrogées considéraient que "la limitation de la vitesse des véhicules dès leur construction en bridant les moteurs" serait une mesure efficace pour limiter le nombre d'accidents de la route.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Le Gouvernement avait annoncé à l’issue du comité interministériel de sécurité routière du 18 décembre 2002 que «La France poursuivra au niveau communautaire ses démarches pour favoriser la prise en compte de la limitation de la vitesse sur l’ensemble des véhicules à la construction. ». Depuis cette date aucune démarche sérieuse n’a été faite pour contraindre les organismes communautaires à s’emparer de cette question et faire évoluer la construction vers des véhicules conformes aux exigences réglementaires sur les limitations de vitesse de la totalité des pays de l’Union, à l’exception de l’Allemagne dont l’industrie produit le plus grand nombre de véhicules inutilement rapides. Cette discordance entre les intentions affichées et ce qui a été réellement entrepris dans ce domaine depuis 5 ans met en évidence la difficulté du combat avec le lobby de la vitesse inutile et dangereuse qui a une composante industrielle et une composante passionnelle.

Le Conseil d'Etat considère dans un jugement rendu en juin 2006 que la France n'a plus la capacité d'agir unilatéralement en décidant d'interdire la mise en circulation de véhicules dépassant la vitesse maximale autorisée. Cette dcision est une raison supplémentaire pour que la France prenne des initiatives au niveau européen en suscitant une décision de la Cour des communautés européennes de Luxembourg pour avoir une jurisprudence européenne sur l'application de l'article 30 des traités.

Des données complémentaires concernant cette proposition sont disponibles sur le site de l'association pour l'interdiction des véhicules inutilement rapides : www.apivir.org

Conditions pratiques de mise en œuvre

Adopter un décret fixant la date de l’interdiction de l’immatriculation en France des véhicules inutilement rapides (voitures particulières et motos de plus de 50 cm3 ). Le délai pourrait être de trois ans. Pendant cette période les recours qui seront éventuellement effectués devant la Cour de justice de Luxembourg permettront de savoir si la France peut agir unilatéralement en cas de carence des autorités de l’Union, les traités précisant (article 30) que le principe de libre circulation des marchandises ne fait pas obstacle « aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de […] protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux ».

4/

Assurer l’identification des risques liés à l’infrastructure par une expertise de l’ensemble du réseau    

Enoncé du problème

Parmi les quatre éléments qui contribuent à la sécurité routière (le véhicule, l’usager, le système de contrôle/sanctions et l’infrastructure), l’action sur l’infrastructure semble une affaire de spécialistes n’appelant pas d’action générale spécifique. En réalité aucune institution ne peut se passer d’une évaluation de son activité et il est indispensable d’avoir en permanence une observation critique de l’infrastructure permettant d’identifier des facteurs de risques et de les corriger sans attendre l’accident. Cette mesure avait été proposée en 1989 par la commission qui avait rédigé le livre blanc de la sécurité routière sous la forme suivante : « mise en place aussi rapide que possible d’un contrôle technique obligatoire, périodique et indépendant des maîtres d’ouvrage, des réseaux de voierie de l’Etat et des collectivités locales ». Elle n’a jamais été mise en œuvre, sauf pour les infrastructures nouvelles qui sont justement celles qui n’imposent pas une telle expertise, les ingénieurs qui les conçoivent connaissant maintenant parfaitement les règles de production d’une infrastructure sûre.

Le refus de l’expertise technique est d’abord l’expression d’une crainte d’avoir à assumer un risque identifié. Cette situation n’est pas propre à l’aménagement routier, le développement de ce que l’on nomme la judiciarisation des risques, qui n’est que la nécessaire possibilité pour une victime de faire rechercher et sanctionner la faute éventuelle pouvant être à l’origine du dommage qu’elle a subi, se manifeste dans tous les domaines de la société. La distinction récente dans le code pénal caractérisant les délits non intentionnels relevant d’une causalité directe ou d’une causalité indirecte n’a pas modifié cet état de fait. Le point important dans le cas de la causalité indirecte est que le responsable savait que la sécurité de personnes était engagée par son action ou son inaction et qu’il n’a pas agi pour réduire voire supprimer le risque.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Rendre obligatoire l’expertise de l’ensemble du réseau routier par une structure spécialisée indépendante des maîtres d’œuvre et des maîtres d’ouvrage, utilisant des méthodes et des critères définis par une Agence française de sécurité routière. Utiliser les résultats de cette expertise pour déterminer les évolutions des caractéristiques du réseau compatibles avec les capacités de financement des organismes qui les ont en charge.

Argumentaire

Toutes les activités humaines dans des domaines techniques comportant une grande variété de situations et utilisant un savoir faire peuvent améliorer la qualité de leur production par l’évaluation. Les disciplines médicales ont été parmi les premières à développer ce retour permanent d’expérience et il est maintenant devenu indispensable, même si des réticences se manifestent encore, d’accepter cette activité qui a une dimension de contrôle indissociable de l’accroissement du service rendu. L’évaluation des politiques publiques est une nécessité reconnue, et la qualité des infrastructures routières est un thème se prêtant particulièrement bien à une vérification sur le terrain. La lisibilité d’une voie est un élément important de la sécurité routière, un usager parcourant une route qu’il ne connaît pas doit percevoir l’homogénéité et la continuité des concepts qui ont présidé au choix des différents aménagements. Il ne doit pas être surpris par des ruptures dans la typologie de cette voie, par des rayons de courbes très différents, des signalisations inappropriées, ni être mis en danger par un réverbère mal placé. En pratique, la diversité des aménageurs n’est pas favorable à cette facilitation de la tâche de l’usager et à sa protection. Outre le défaut d’homogénéité dans le traitement d’un parcours, les malfaçons ponctuelles sont particulièrement fréquentes, notamment en ce qui concerne l’implantation des obstacles fixes verticaux. L’importance de ce problème dans la mortalité routière est telle qu’il sera l’objet d’une proposition particulière.

Il est indispensable de corriger des anomalies évidentes mais qui sont actuellement laissées en l’état, même quand des accidents graves ont prouvé leur caractère nuisible. Quand une princesse anglaise s’est tuée sous le tunnel de l’Alma avec deux autres personnes, il était facile de mettre en évidence le rôle de la vitesse d’un véhicule conçu pour faire des excès de vitesse et de l’alcoolisation du chauffeur, peu de commentaires ont porté sur le danger inacceptable provoqué par la présence d’une série de piliers en béton à quelques centimètres de la chaussée. Trois tunnels se succèdent sur cette partie des quais de Seine, l’un est correctement traité avec un séparateur médian continu en béton, un second n’a aucun séparateur ce qui peut provoquer des chocs frontaux en cas de perte de contrôle, celui du pont de l’Alma présente une succession de piliers en béton sur un trottoir légèrement surélevé alors qu’il est nécessaire de placer entre chaque pilier un muret séparateur en béton. Le coût serait minime, la solution est indiscutable techniquement, elle ne présente aucun inconvénient puisqu’il n’y a pas de traversée piétonne sous cette infrastructure, mais elle n’est toujours pas mise en œuvre.

Quand un texte réglementaire a défini les normes qui devaient être respectées pour implanter un ralentisseur en dos d’âne, cet aménagement efficace pour imposer la réduction de la vitesse dans certaines conditions a pu enfin optimiser ses possibilités et cesser d’être soit un piège pour les usagers non avertis, soit à l’opposé un symbole inefficace pour les habitués. La pente de 10 centimètres sur un mètre était devenue une notion constante empiriquement perceptible par l’usager. Malgré ce progrès un certain nombre de ralentisseurs non conformes existent, d’autres sont même implantés actuellement en contradiction avec la normalisation, ce sont des pseudo-ralentisseurs donnant l’impression d’une action dans une zone dangereuse, alors que la dénivelée est plus faible et produite sur une longueur très supérieure à celle définie par la norme. Il est nécessaire d’avoir une expertise qui indique les corrections à faire, sans attendre qu’un utilisateur piégé par un dispositif non conforme demande réparation des dommages subis. Il peut aussi bien s’agir d’un automobiliste détruisant son carter moteur sur un ralentisseur trop « dur » qu’un piéton non protégé par un ralentisseur trop peu exigeant. Contrairement à ce que l’on peut craindre, l’évaluation n’est pas un risque pour les aménageurs, c’est à l’opposé une protection. Quand elle est faite dans de bonnes conditions il devient impossible de leur reprocher un manquement à une règle ou un savoir faire qui n’a pas été signalé lors de l’expertise.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Une telle pratique n’est pas l’expression d’une méfiance vis-à-vis de ceux qui assurent actuellement le développement et la maintenance  des infrastructures. L’évaluation est d’abord un stimulant qui permet de reconnaître et de valoriser les réalisations de qualité et contribue à faire émerger les meilleures solutions possibles pour résoudre des problèmes parfois difficiles. Il faut donc abandonner la notion destructrice « d’espace réservé » à l’intérieur duquel seul le décideur aménageur fait des choix et les met en œuvre, avec toutes les malfaçons possibles.

La crainte des responsables d’infrastructures est d’être soumis à des inspections qui concluraient à la modification nécessaire de très nombreux éléments de l’infrastructure qu’ils ont en charge. En l’absence de moyens financiers pour réaliser ces modifications, ils se trouveraient exposés à un choix impossible entre la responsabilité encourue en l’absence de réalisation des modifications (faute caractérisée liée à la connaissance d’un risque sur lequel on n’agit pas) et l’impossibilité de les financer. Ce problème a été évoqué chaque fois que la mesure a été proposée, notamment dans des débats parlementaires, et il est d’une importance si évidente qu’une proposition lui est consacrée, intitulée : organiser le financement des modifications à apporter aux infrastructures pour accroître la sécurité.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Un texte législatif complété par une réglementation est nécessaire. Il peut reprendre les obligations créées dans les textes antérieurs en les étendant à l’ensemble du réseau ouvert à la circulation. Les règles de bonne pratique de ces expertises doivent être fixées par une Agence française de sécurité routière, s’appuyant sur les compétences des organismes publics (CERTU, SETRA, CETE) et sur les productions de la recherche accidentologique. Un délai d’une année serait acceptable pour organiser l’application de cette mesure et entrer dans la phase opérationnelle.

5/

Evaluer la signalisation

 

Définition du problème

La qualité de la signalisation est loin d’être irréprochable en France. Les limitations de vitesse sont souvent incohérentes (maintien de limitations à 45 km/h en agglomération qui datent de la période où la vitesse maximale était de 60 km/h, existence de multiples formes réglementaires pour la signalisation d’un carrefour giratoire, choix de vitesses maximales différentes pour des situations identiques).

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Instaurer dans des délais courts au niveau de chaque département une structure ayant en charge d’évaluer la qualité de la signalisation, d’harmoniser les limitations de vitesse et d’évaluer leur pertinence.

Argumentaire

Des obligations sont d’autant mieux supportées qu’elles sont justifiées, cohérentes entre elles et clairement indiquées. L’acceptation du contrôle automatisé et rigoureux des limitations de vitesse dépend étroitement de la satisfaction de ces conditions.

Aucun état des lieux fondé sur le classement des situations à traiter et l’observation des pratiques de terrain n’a été réalisé. Ceux qui ont un doute sur l’importance des anomalies que l’on peut constater sur le terrain peuvent consulter le site www.securite-sanitaire.org qui en avait décrit un certain nombre à l’appui d’un questionnement des candidats à l’élection présidentielle (question n°3).

Quand l’expérimentation du système LAVIA a été mise en œuvre dans le département des Yvelines (système de contrôle de la vitesse par un positionnement GPS du véhicule, l’identification de la vitesse autorisée localement par un ordinateur embarqué utilisant une carte des limitations de vitesse et l’asservissement de la vitesse à ces données), les lacunes de la signalisation sur le terrain sont apparues et ont retardé la mise en œuvre de cette expérimentation. L’absence de la signalisation d’une fin de zone de limitation de vitesse était une des anomalies les plus fréquemment constatées.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il n’y a pas d’inconvénients à instaurer cette procédure, simplement la difficulté habituelle de faire évoluer des acteurs qui ne sont pas habitués à prendre en compte des remarques extérieures et à utiliser les méthodes actuelles favorisant la remontée d’informations et de propositions (sites internet interactifs).

Conditions de mise en œuvre

Une telle mesure peut être mise en œuvre dans des délais très courts et sans attendre la mise en place d’une expertise généralisée des infrastructures routières dans laquelle elle sera ensuite intégrée. Son coût sera faible si les différents partenaires naturels de cette évaluation peuvent y participer avec des méthodes facilement accessibles et adaptées. Un prototype de site internet dédié peut être réalisé en quelques semaines et mis en place au niveau départemental dans le cadre des sites internet développés par les préfectures. Les organismes de police et de gendarmerie, comme les usagers, pourraient renseigner des formulaires en ligne indiquant le lieu de l’anomalie à corriger, la nature de cette anomalie (incohérence, panneau masqué, panneau inadapté, défaut de respect du décret sur la signalisation).

Il serait utile de distinguer les simples corrections d’une anomalie au niveau local et les problèmes posés au niveau national justifiant une prise de position de la direction des routes et éventuellement une modification de la réglementation (exemple de la multiplicité des signalisations possibles de giratoires qu’il convient de simplifier, notamment quant à la présence ou non des panonceaux et quand au caractère facultatif en agglomération du panneau « cédez le passage »). Il doit y avoir une procédure de signalisation d’un giratoire avec priorité à l’anneau et non quatre !

Cette évaluation doit inclure la qualité de la signalisation des noms de rues. La visibilité de ces noms est un facteur de sécurité, réduisant l’inattention à la conduite provoquée par la difficulté d’identification d’une voie dont le nom est mal ou non indiqué.

Cette évaluation peut être créée par un arrêté simple fixant la procédure et le rôle respectif des différents responsables (état, département, commune). Les services préfectoraux assurant la gestion du site internet avec le concours des services de la DDE.

Un autre texte réglementaire doit fixer les vitesses limites que l’on peut imposer, en en restreignant le nombre, pour éviter des diversités dépourvues de sens, notamment le choix de 45 km/h en agglomération au lieu du 50 qui doit être la règle générale, avec la possibilité de zones limitées à 30 km/h).

6/

Réduire les risques liés aux obstacles verticaux

Définition du problème

La prise en compte des obstacles fixes verticaux est insuffisante dans la prévention du risque routier. Souvent limité au débat absurde entre les partisans des arbres et ceux qui souhaitent les supprimer du bord des routes, ce problème majeur n’est pas traité avec les connaissances disponibles, alors qu’elles permettent d’une part d’identifier le risque, et d’autre part de mettre en œuvre les solutions efficaces permettant de le limiter. 

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Produire des règles obligatoires pour le traitement des obstacles fixes verticaux, les unes prospectives, les autres rétrospectives. Ces règles seraient appliquées dans le cadre de l’expertise obligatoire des infrastructures routières proposée par ailleurs. Des délais seraient prévus pour permettre une mise en conformité dans des conditions raisonnables, et éventuellement des procédures de financement quand les dépenses à engager dépasseraient les capacités contributives des responsables de l’infrastructure.

Argumentaire

Nous connaissons l’ampleur du rôle des obstacles fixes dans la mortalité, elle est proche de 2000 tués. Cela ne signifie pas que toutes ces morts sont évitables, certaines pertes de contrôle auraient provoqué des accidents mortels en l’absence d’obstacle fixe pour déformer le véhicule en perdition. Il s’agit cependant d’un des « gisements » de sécurité routière les plus importants dans le domaine de l’infrastructure.

Les données de l’accidentologie prouvent sans ambiguïté la gravité d’un arrêt sur une courte distance du fait d’un choc contre un obstacle fixe rigide. Les variations de vitesse sont accrues, donc les déformations de l’habitacle, avec fréquemment des intrusions qui réduisent l’efficacité des systèmes de retenue. Ce sont évidemment les arbres et les poteaux qui sont le plus souvent en cause (respectivement 61% et 16% dans les accidents hors agglomération), mais il faut être également attentifs au traitement des extrémités de parapets ou des buses qui interrompent brutalement une trajectoire dans un fossé, alors qu’il est possible d’envisager des systèmes de prévention par l’infrastructure dans ces deux cas particuliers représentant environ deux cents tués par an.

En ce qui concerne les arbres, le problème principal concerne les plantations existantes. Plusieurs solutions sont utilisables quand la qualité d’une plantation justifie son maintien. La protection par des glissières est envisageable quand il y a une distance suffisante entre la chaussée et l’arbre, on ne peut placer une glissière contre un tronc de platane. Les réductions de vitesse sont envisageables quand la protection est impossible, elles peuvent être particulièrement intéressantes aux entrées dans des agglomérations du sud de la France qui sont souvent précédées de plantations anciennes que les municipalités souhaitent conserver. Il est alors souhaitable d’avoir avant la plantation une limitation de vitesse par l’infrastructure (rond point ou chicane). Il est enfin possible dans les cas les plus difficiles de créer une autre chaussée pour les véhicules et de conserver la chaussée initiale pour une circulation de cycles et de piétons, là encore cette mesure peut être mise en œuvre sur des plantations précédant une entrée d’agglomération si les conditions d’urbanisation le permettent

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Deux difficultés sont bien identifiées.

La première est le coût de certains aménagements. Il est possible d’équiper toutes les buses disposées sous les voies au niveau d’une intersection d’un dispositif anti-encastrement qui ferait remonter le  véhicule au lieu de le bloquer sur une distance très courte, l’orifice de la buse se comportant comme un obstacle vertical redoutable, le traitement des extrémités de parapets est également possible. Pour de nombreux poteaux situés hors agglomération les mesures sont connues, elles se rapprochent de celles applicables aux arbres, la distance entre la chaussée et le poteau a un rôle déterminant dans le niveau de risque, et d’autre part il est anormal de constater que l’on implante encore des poteaux dans l’axe d’une voie au niveau d’une courbe.

La seconde difficulté est spécifique des arbres qui constituent la source principale des décès par choc contre un obstacle fixe rigide. Il y a vingt ans que des données sont disponibles dans ce domaine et les enseignements n’ont toujours pas été tirés de ces connaissances. Des plantations récentes sont faites entre le fossé et la chaussée, à des distances dangereusement réduites. Cette situation est anormale dans un pays comme le nôtre qui a une faible densité de population, des jachères, et où l’on peut dans la majorité des cas obtenir un ou deux mètres supplémentaires pour conserver l’attrait esthétique des arbres tout en réduisant leur dangerosité.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Etablir un guide de bonnes pratiques concernant l’implantation des arbres au bord des routes, la mise en place de poteaux rigides et la protection de certains ouvrages de maçonnerie ou des orifices des buses interrompant un fossé. Il préciserait les conditions de la mise en œuvre des mesures recommandées dans le cadre de l’expertise généralisée et continue des infrastructures routières. Ce guide devrait d’abord indiquer ce que l’on ne doit plus faire. Planter des arbres à faible distance d’une chaussée en 2007 est une action irresponsable qui doit engager la responsabilité de celui qui l’a décidée. L’expertise de l’infrastructure devrait se prononcer sur toutes les plantations, précisant les solutions possibles pour les plantations existantes, en tenant compte de la volonté exprimée localement de conserver la plantation d’origine en assurant sa protection ou la réduction des vitesses, ou de procéder à une nouvelle plantation répondant aux exigences de sécurité.

7/

Organiser le financement des modifications à apporter aux infrastructures pour accroître la sécurité

Définition du problème

L’expertise technique de l’ensemble des infrastructures routières n’est pas assurée de façon exhaustive et indépendante des responsables de ces infrastructures. Il est impossible de nier son utilité en prétendant que les différents services qui ont en charge la maintenance des infrastructures connaissent leurs caractéristiques et planifient leur amélioration en fonction de l’urgence et de l’importance du risque d’une part et de leurs moyens financiers d’autre part. La proposition d’expertise périodique de l’infrastructure avait été faite dans le Livre Blanc sur la sécurité routière de 1989 (voir fiche de proposition spécifique sur ce thème). Elle n’a pas été adoptée par le Gouvernement de l’époque et elle a été rejetée quand des parlementaires ont tenté de l’introduire dans la législation. L’argument majeur opposé à son adoption a été le risque pour un responsable, notamment pour un maire disposant de faibles moyens, d’être pris entre une expertise concluant à la nécessité de faire des travaux sur une voierie comportant des caractéristiques dangereuses susceptibles d’être aménagées et son incapacité à les financer. Le problème du financement nécessaire pour modifier une infrastructure après une expertise est donc l’obstacle à supprimer.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Définir un cadre pour le financement de mesures de sécurité routière portant sur la voierie et dont la nécessité apparaîtrait à la suite d’une expertise de l’infrastructure qui serait rendue obligatoire par la législation.

Argumentaire

Si le problème financier était résolu et faisait appel à un mécanisme équilibrant les dépenses entre les différents niveaux possibles (commune, département, région, Etat), l’expertise technique apparaîtrait comme un élément indispensable devenu acceptable de la réduction de l’insécurité routière. Dans l’état actuel des choses, les responsables de la voierie ne veulent pas qu’un facteur d’insécurité soit identifié sans qu’ils aient les moyens financiers de le supprimer. Le risque de poursuite dans le cadre des délits non intentionnels devient une obsession des décideurs locaux, même si le risque réel demeure faible. Il faut en tenir compte en organisant des solutions pour le financement des modifications de voierie qui s’imposent. Le but de la proposition est de lever ce motif d’opposition au contrôle technique. 

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Mettre en place un dispositif d’expertise des risques liés à l’infrastructure pourrait provoquer une attitude protectrice des experts responsables de ce travail, destinée à éviter de déplacer la responsabilité de la commune ou du conseil général vers l’expert. Il faut donc prévoir une limitation de l’inflation des mesures correctives à prendre, en classant ces mesures en fonction du niveau d’urgence, et en prévoyant une planification de leur réalisation s’accordant aux possibilités des différents financeurs. Les principes des transferts possibles de ces financements doivent être définis par la réglementation pour éviter les conflits.

L’erreur est d’imaginer que les voiries dangereuses imposent toutes des modifications importantes et donc coûteuses. La majorité d’entre elles relèvent de modifications dont le coût est faible, c’est le cas en particulier des multiples erreurs dans la signalisation ou dans la présence d’obstacles verticaux mal placés ou sans protection, alors qu’ils peuvent être déplacés ou supprimés, ou de séparateurs médians mal conçus.

Conditions pratiques de mise en œuvre

La première mesure à prendre pour organiser le dispositif sera une loi rendant obligatoire l’expertise périodique des infrastructures routières par un organisme indépendant des maîtres d’oeuvre, ce qui ne signifie pas obligatoirement qu’il s’agira d’un organisme privé. Les conditions de réalisation de ces expertises seraient définies par un règlement organisant leur classement en fonction de leur niveau d’urgence et de leur coût. La loi indiquerait la mise en place par décret d’un mécanisme permettant aux responsables de l’infrastructure de bénéficier d’un mode de financement particulier quand ils doivent effectuer des aménagements coûteux et urgents. Le seuil permettant de bénéficier de ces moyens supplémentaires devrait être défini en fonction des investissements annuels de la commune. Il pourrait par exemple se situer entre 5 et 10% de ces investissements. Un seuil de même nature interviendrait au niveau du département et éventuellement au niveau de la région. Le financement complémentaire serait assuré par le budget de l’Etat, la solidarité nationale devant intervenir dans ce type de situation. Il est également possible d’envisager un financement complémentaire assuré par la structure administrative se situant immédiatement au dessus de celle qui doit financer des aménagements urgents dépassant ses capacités, donc le département si c’est une commune qui est concernée, et de ne faire intervenir la Région ou l’Etat que dans le cas où un département verrait à son tour le total de ses contributions dépasser ses capacités de financement (le seuil étant déterminé par rapport à son budget d’investissements, comme dans le cas de la commune).

 

8/

Actualiser le guide de bonnes pratiques d’aménagements sécuritaires des infrastructures routières

Définition du problème

L’évolution des bonnes pratiques dans le domaine de l’aménagement des infrastructures destinées à améliorer la sécurité demeure une affaire de spécialistes. Les décideurs locaux, notamment au niveau communal, n’ont pas une vision claire de l’ensemble des solutions disponibles pour répondre aux problèmes qui leur sont posés. Le recours aux cabinets d’études spécialisés demeure limité et souvent le « conseilleur » n’a pas la compétence requise pour proposer les meilleures solutions. L’ouvrage de synthèse réalisé en 1992 à la demande de la commission qui avait rédigé le Livre Blanc de sécurité routière n’a pas connu de seconde édition (Sécurité des routes et des rues – 1 volume 435 pages – SETRA/CETUR éditeurs).

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Développer la vulgarisation des dispositifs de sécurité routière relevant de l’infrastructure, pour faciliter l’action des services techniques des responsables de ces infrastructures, notamment des municipalités, et contribuer au développement d’un « corps de données reconnues » dans ce domaine difficile et parfois discuté du fait de l’insuffisance des études sur l’optimisation des solutions.

Argumentaire

Rationaliser la mise en œuvre de la sécurité par l’infrastructure en évitant notamment les fausses bonnes solutions qui comportent un rapport avantages/inconvénients peu avantageux voire franchement défavorable du fait des risques induits. Certaines séparations de chaussées sont réalisées par des séparateurs agressifs qui se révèlent dangereux lors de pertes de contrôle. Le problème de la protection des cyclistes est également insuffisamment assuré dans de nombreuses réalisations de séparation des circulations, les bandes cyclables n’étant pas réalisées alors même qu’elles étaient possibles. La cohérence d’un aménagement, la prise en compte des différents types d’usagers, relèvent d’une technologie rigoureuse qui doit être mise à la disposition des acteurs.

Le livre blanc de sécurité routière de 1989 avait demandé que des initiatives soient prises pour réunir un ensemble de normes et de connaissances permettant de faciliter les décisions dans le champ de l’aménagement des infrastructures. La production du document « Sécurité des routes et des rues » en 1992 par un comité de rédaction, composé de membres du SETRA et du CETUR, (ancienne dénomination du CERTU) avait répondu à cette demande. Ce document a pris une place importante dans la présentation d’une problématique difficile. Il doit être mis à jour, certaines solutions nouvelles étant apparues, des travaux ayant précisé les indications de solutions déjà connues et décrites. Le problème des chicanes n’était pas envisagé dans cette première édition, le débat sur les implantations de ronds-points en entrée d’agglomération, comme solution permettant de marquer la transition entre la zone hors agglomération et la zone agglomérée, est réduit à une phrase qui la déconseille. Nous avons également connu des expériences très intéressantes dans le cadre de l’opération « ville plus sûre, quartiers sans accidents ». De nombreux aménagements urbains avaient été conçus et mis en œuvre, décrits notamment dans le fascicule publié en 1994 par le CERTU sous ce titre. De multiples colloques, réunions de structures spécialisées au niveau régional, produisent de la connaissance dans ces domaines, ils doivent être synthétisés et présentés pour mieux démultiplier le savoir faire et éviter des réalisations inadaptées qui peuvent atteindre des niveaux de risque elévés.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Certains aménagements ne font pas l’unanimité, par exemple le dessin des chicanes est un objet permanent de débats entre spécialistes, l’équilibre étant parfois difficile à trouver entre le risque induit par l’aménagement et le bénéfice attendu. Il faut également que les données mises à disposition ne constituent pas un argument pour « économiser » le recours à des spécialistes pour dessiner et proposer un aménagement spécifique. Chaque situation a ses particularités et le savoir faire consiste à les intégrer toutes. Le catalogue et l’argumentaire qui accompagnerait chaque solution seraient destinés à faciliter des orientations et à faire un choix entre différentes solutions possibles. La phase d’application locale vient ensuite et il convient de bien faire apparaître la complémentarité entre ces deux approches.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Il faut réunir des responsables de différents organismes d’Etat qui ont en charge ces problèmes, tant au niveau de la recherche que de la mise en œuvre, et leur demander de constituer un comité de pilotage définissant les objectifs à atteindre, en pratique la réalisation d’une nouvelle édition de l’ouvrage « Sécurité des routes et des rues ». L’association permanente de la recherche et des praticiens est une nécessité pour ce genre de travail, car il est indispensable d’apporter les preuves disponibles de l’efficacité de ce que l’on propose, et la première édition de l’ouvrage avait très bien assuré ce lien. Aucun texte réglementaire n’est nécessaire. Le coût sera principalement le temps de travail des différents partenaires qui s’associeront pour produire cet ouvrage. Il serait utile cependant de prévoir un financement spécifique pour le secrétariat et l’organisation des réunions communes. Les partenaires naturels d’une telle entreprise sont le SETRA, le CERTU, l’INRETS, mais aussi les CETE dans lesquels ceux qui ont mis en œuvre sur le terrain des aménagements spécifiques ont une expérience irremplaçable des difficultés qu’ils ont rencontrées et de l’efficacité des solutions retenues.

Le développement de cette mise à disposition d’informations peut prendre une forme différente de celle du livre. Les possibilités actuelles de réalisation de sites internet très extensifs, multipliant les illustrations, les plans, les schémas et surtout facilitant une recherche par type de problème (thésaurus et classification), sont particulièrement favorables à ce genre de réalisation. Cette solution permettrait une synthèse des avantages des deux types de présentations. L’internet facilite la présentation de très nombreux exemples, avec des photographies et des plans, alors que l’ouvrage imprimé peut se limiter au texte (« Sécurité des routes et des rues » avait fait le choix de textes sans illustrations).

 

9/

Modifier les vitesses maximales autorisées

Définition du problème

Réduire de 1% la vitesse moyenne de circulation réduit d’environ 4% la mortalité sur les routes. Constamment vérifié et précisé en fonction du contexte de circulation, ce constat épidémiologique empirique domine le problème de la sécurité routière. C’est une notion « robuste », insuffisamment vulgarisée, qui a été une nouvelle fois vérifiée en France au cours des cinq dernières années. Pour diminuer les vitesses moyennes, il faut diminuer les vitesses maximales autorisées et avoir un système de contrôle et de sanctions dissuasif car crédible. La dissuasion des excès de vitesse a été accrue au cours des dernières années avec les radars automatiques et la diminution des tolérances absurdes sur les dépassements de vitesses maximales autorisées. Il faut accentuer l’évolution vers l’abaissement des vitesses moyennes en diminuant certaines vitesses maximales autorisées.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Réduire l’accidentalité et la production de gaz à effet de serre en modifiant certaines vitesses maximales autorisées.

Sur autoroutes : 120 km/h semble un bon compromis entre le 110 des Etats les plus raisonnables (notamment la majorité des Etats des USA) et le 130 km/h actuel. Les distances à parcourir dans notre pays sont peu importantes et un allongement des temps de parcours de 8,3% est une contrainte acceptable.

Sur le réseau non autoroutier hors agglomération : la situation actuelle n’est pas adaptée à l’hétérogénéité du réseau routier et aux risques liés à la présence d’obstacles verticaux entre le bord de la chaussée et le fossé (arbres, poteaux électriques ou téléphoniques). Il faut distinguer deux types de voies, celles qui autorisent le maintien du 90 km/h actuel du fait de leurs caractéristiques structurelles (largeur, profil longitudinal et transversal, absence d’obstacles verticaux) et celles qui justifient une vitesse maximale de 70 km/h.

Sur le réseau urbain : les deux niveaux de vitesse en vigueur sont adaptées aux exigences de la sécurité en ville. Il convient cependant d’abandonner les valeurs différentes de 30 et 50 km/h. Certaines communes ont conservé des limitations à 45 km/h instaurées à une période où la vitesse maximale en agglomération était de 60 km/h. Il n’y a aucune justification à conserver ces limites à 45 qui contraignent à mettre en place des panneaux de signalisation spécifiques et qui réduisent les possibilités de contrôle par des systèmes automatisés à faible niveau de tolérance (5 km/h). L’expérience prouve que les forces de l’ordre hésitent à sanctionner en agglomération à partir de 51 km :h au lieu de 56 et des limites à 45 réduisent paradoxalement l’efficacité des contrôles par rapport à la valeur générale de 50 km/h en agglomération.

 Argumentaire

La mesure ne peut que réduire l’accidentalité et la production de dioxyde de carbone. Il est possible d’obtenir une réduction des vitesses moyennes de 3 à 6% avec une telle mesure suivant l’étendue du réseau abaissé à 70, notamment la part du réseau à grande circulation le plus dangereux. Les gains en consommation de carburant dépasseraient les estimations que l’on peut faire avec les consommations actuelles car l’évolution vers des vitesses maximales plus basses, notamment sur autoroutes, dissuade l’achat de véhicules inutilement puissants et rapides, qui sont habituellement plus lourds et constamment plus consommateurs qu’un véhicule ayant bénéficié des mêmes progrès dans le rendement des moteurs, mais moins puissant et plus léger.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Le seul inconvénient est l’accroissement du temps de déplacement en fonction de la réduction de la vitesse moyenne obtenue. Compte tenu du fait que cette mesure concerne toutes les personnes, donc toutes les entreprises, cette conséquence n’introduit pas de distorsion de concurrence, il est même possible de soutenir qu’elle représente un accroissement des besoins de main d’œuvre dans les métiers impliquant des déplacements professionnels importants.

Deux groupes d’opposants doivent être distingués :

Conditions pratiques de mise en œuvre

La décision est de nature réglementaire, elle peut être prise dans des délais très courts nécessaires pour délimiter les routes mises à 70 km/h. Six mois est un ordre de grandeur raisonnable pour le délai de mise en œuvre.

 

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Homologuer et mettre en œuvre le contrôle de la vitesse par des radars automatiques embarqués dans des véhicules se déplaçant dans le flux de circulation.

Définition du problème

Les radars automatiques ne sont pas utilisables sous leur forme actuelle sur la totalité du réseau. Il convient d’étendre la dissuasion des vitesses excessives à toutes les voies, y compris le réseau secondaire à faible flux de circulation, pour avoir un effet maximal du respect des limitations de vitesse, tant sur l’accidentalité que sur la consommation de carburant.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Développer et homologuer des « radars automatiques » installés dans des véhicules banalisés circulant dans le trafic, avec un suivi assuré par le centre de traitement de Rennes, comme pour les radars automatiques de la « première génération » (radars fixes non déplaçables) et ceux de la « seconde génération » (radars embarqués dans des véhicules à l’arrêt ou établis temporairement par des systèmes variables à l’extérieur des véhicules). Ce dispositif de « troisième génération » est indispensable pour réaliser des contrôles dans des zones où il est difficile et dangereux d’installer transitoirement des radars déplaçables (dans des véhicules ou à l’extérieur des véhicules).

Argumentaire

La chaîne de contrôle de la vitesse intégrant la totalité de la démarche, depuis la prise de la photographie jusqu’à l’expédition de l’avis au propriétaire du véhicule, a levé le goulet d’étranglement créé par le temps de traitement manuel des infractions dans les unités de police et de gendarmerie.

Les radars automatisés ont d’abord été utilisés sur des socles bétonnés raccordés physiquement au système de transmission des données. Ils sont alors signalés par des panneaux spécifiques et ce choix de la signalisation était indispensable pour assurer une pédagogie nouvelle du respect des règles, avec une faible tolérance sur les excès de vitesse (5 km/h ou 5% au dessus de 100 km/h). Cette méthode a provoqué une rupture avec les tolérances élevées acceptées dans le passé.

Dans un second temps ce dispositif automatisé a été utilisé dans des véhicules banalisés pouvant s’arrêter au bord des voies ou même être fixés temporairement à des infrastructures ou placés au sol. Les données constatées (photos, mesures, renseignements sur l’emplacement, l’heure du contrôle, la vitesse autorisée localement) sont enregistrées par un ordinateur embarqué et elles seront transmises secondairement au centre de Rennes qui pourra assurer le traitement comme celui des constats effectués par les radars non déplaçables. La limite à cet usage est lié au danger introduit par le stationnement des véhicules dans des zones potentiellement dangereuses (notamment les bandes d’arrêt d’urgence des autoroutes ou des voies rapides) ou difficiles d’accès.

Le dernier stade de l’évolution de ce dispositif qui a eu un rôle très important dans la réduction de la vitesse moyenne de circulation et de l’accidentalité consiste à porter la dissuasion sur la totalité du réseau par l’usage de radars embarqués dans des véhicules banalisés se déplaçant dans le flux de circulation. Très proches des radars embarqués utilisés à l’arrêt quant aux outils de mesure, de photographie et d’enregistrement, ils utiliseraient cependant des règles légèrement différentes pour les variables recueillies et les tolérances sur les vitesses mesurées par rapport aux vitesses sanctionnées.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il n’y a pas d’obstacle technique au développement de ce type de contrôle. Il faudra cependant définir les conditions d’homologation et d’usage. Il faut inclure un repérage par GPS de la position du véhicule pour localiser avec précision le lieu de l’infraction. Le dispositif doit permettre de prendre les photos numériques et de mesurer la vitesse de véhicules en éloignement. Cette possibilité est indispensable pour assurer le contrôle des motocycles.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Définir un cahier des charges, homologuer le dispositif, définir leur usage et les seuils de tolérance sur les vitesses mesurées, planifier la mise en œuvre de ces radars automatiques effectuant des mesures dans un véhicule en déplacement pour chaque département, éventuellement par transformation des véhicules permettant de faire des mesures à l’arrêt. Il faut signaler que le développement de cette possibilité de contrôle automatisé dans un véhicule en déplacement avait été indiqué dans les recommandations du rapport d’évaluation de l’impact du CSA sur la sécurité routière de 2006, mais la réalisation pratique se fait attendre.

La formulation était la suivante (page 62 du rapport) : « il est important, à côté des radars fixes et des radars mobiles (dans des véhicules à l’arrêt ou au sol) de développer l’usage des radars automatiques embarqués dans des véhicules en déplacement qui porteront la dissuasion de l’excès de vitesse dans des zones où le contrôle fixe est impossible car trop dangereux pour ceux qui le mettent en œuvre et pour les usagers. L’expérimentation et l’homologation de ce type de radar est une urgence ».

 

11/

Cesser de communiquer sur les sites et les dates de mise en œuvre des radars déplaçables mis en œuvre dans le cadre du CSA et évaluer leur usage.

Définition du problème

Indiquer par une signalisation spécifique l’emplacement d’un radar fixe dans le cadre du CSA défini début 2003 et mis en place en novembre de la même année avait un rôle pédagogique. L’objectif était de rompre avec des habitudes de tolérance concernant le contrôle des limitations de vitesse et de redonner un sens aux règles. L’évaluation des effets des radars fixes sur la vitesse met en évidence un ralentissement au niveau du radar et une accélération une fois la zone de contrôle dépassée. Le signalement limite donc l’efficacité du dispositif.

Les radars déplaçables sont signalés dans certains départements (date et voies contrôlées) et ne le sont pas dans d’autres, ce qui provoque des inégalités face au risque d’être contrôlé sans avoir pu le prévoir.

L’usage de ces radars doit être évalué, c'est-à-dire que le temps de surveillance doit être documenté avec précision et permettre à la fois de garantir le bon usage d’un investissement et des fréquences de passage devant un radar comparables d’un département à l’autre, compte tenu du trafic.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Uniformiser les pratiques et étendre la dissuasion à tout le réseau en cessant de signaler les radars déplaçables. Le signalement des radars fixes peut être poursuivi à la fois pour maintenir leur effet pédagogique et aussi parce que leur positionnement par GPS étant inévitable, la suppression de leur signalement perpétuerait des inégalités de traitement des usagers suivant leur équipement en dispositifs signalant leur approche.

Utiliser les données centralisées au centre de traitement des infractions de Rennes pour documenter l’utilisation de ces radars en utilisant le nombre d’infractions constatées ainsi que les jours et les tranches horaires pendant lesquels ces constats ont été effectués.

Argumentaire

Si l’on veut continuer à limiter l’efficacité des radars automatiques aux lieux où l’usager sait qu’il risque d’être contrôlé, il faut continuer à signaler ces lieux. Si l’on veut étendre la dissuasion à l’ensemble du réseau, il faut que le risque d’être contrôlé par des radars automatiques existe sur l’ensemble du réseau et donc ne pas les signaler. Peut-on imaginer que la SNCF signale les trains qui seront contrôlés et ceux qui ne le seront pas pour dissuader de voyager sans billet ? De telles pratiques sont purement démagogiques et réduisent la dissuasion de l’excès de vitesse.

Quand un journal local indique avec précision les voies sur lesquelles la vitesse sera contrôlée avec des radars déplaçables et le jour des contrôles, cette pratique instaure une inégalité des usagers face au CSA. Les « locaux » sont avertis et non les usagers de passage ou ceux qui ne lisent pas la presse locale. Le but du CSA n’est pas de réduire la vitesse dans des zones limitées, mais de faire respecter les limitations sur l’ensemble du réseau. Cet objectif est d’autant plus important que la notion de « point noir » a maintenant une signification réduite dans le champ de la sécurité routière. Les véritables points noirs accumulant les accidents sur une longueur de voie très limitée (carrefour dangereux notamment) ont été traités (giratoires, modification de tracés dangereux) et ce sont maintenant des sections longues de voies qui se révèlent très accidentogènes. Il s’agit d’une part de voies supportant une densité de circulation élevée en l’absence de séparation des chaussées et d’autre part du réseau secondaire sinueux ou comportant des intersections ne pouvant être traitées par des aménagements du type giratoire du fait du nombre d’intersections concernées et de la faiblesse de la circulation.

Après la phase d’apprentissage du respect des limitations de vitesse, il convient de passer à la phase suivante caractérisée par la possibilité d’être contrôlés en un point quelconque du réseau sans être avertis du lieu et du moment du contrôle. Le développement des radars mobiles embarqués dans des véhicules en mouvement contribuera quand ils seront mis en service à la généralisation du risque d’être contrôlé et il serait ingérable de vouloir signaler les voies où circuleront les véhicules équipés.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Seuls les usagers qui persistent à ne pas vouloir respecter les règles en matière de limitation de vitesse seront opposés à cette mesure de bon sens. Instaurer ou maintenir la signalisation des radars automatiques signifie que l’on ne souhaite pas donner à ce dispositif toute sa capacité de dissuasion.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Avertir avec précision du moment où les contrôles mobiles ne seront plus signalés dans les départements qui ont instaurés cette pratique du signalement.

 

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Développer une procédure proche de celle utilisée pour les radars automatisés dans la gestion d’autres infractions routières, afin de réduire les tâches de secrétariat des gendarmes et des policiers.

 

Définition du problème

La gestion des procédures se situant en aval du constat d’une infraction aux règles de la sécurité routière n’est pas optimisée. Elle engendre des tâches de secrétariat effectuées manuellement, coûteuses et fastidieuses, qui ne facilitent pas l’extension de certains types de contrôles indispensables.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Développer l’usage des méthodes de constat des infractions sans interception immédiate des contrevenants, pour faciliter le constat par des fonctionnaires utilisant des véhicules banalisés en circulation. Ce choix permet de traiter ces infractions avec les méthodes centralisées et en grande partie automatisées, identiques à celles mises en œuvre pour les excès de vitesse constatés par les radars couplés à des photos numériques transmises à un centre de traitement.

Argumentaire

La prévention des infractions au code de la route est assurée en grande partie par la crainte de sanctions. Cette efficacité est liée au fait que la majorité de ces infractions sont commises par des usagers insérés socialement et soucieux de conserver la liberté d’utiliser un véhicule individuel. Rendre crédible l’observation d’une infraction aux règles en tous lieux est un objectif majeur pour étendre le pouvoir de dissuasion par la crainte de la sanction. Quand un usager circule sur autoroute et sous une pluie dense sans allumer ses feux, il est actuellement difficile de le sanctionner car l’interception est un acte complexe, potentiellement dangereux et consommateur de temps des forces de gendarmerie ou de police. Observer l’infraction à partir d’un véhicule banalisé inséré dans la circulation, la localiser par un positionnement utilisant un GPS et limiter le travail de gestion sur le terrain à la saisie de l’immatriculation et d’un code indiquant la nature de l’infraction assurerait une efficacité maximale. La suite de la procédure serait alors traitée par les méthodes développées à Lille puis à Rennes pour les infractions aux limitations de vitesse constatées par des radars automatiques. Le propriétaire du véhicule reçoit la notification du constat de l’infraction et doit indiquer l’identité du conducteur s’il avait confié son véhicule à un tiers.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Les limites sont celles observées actuellement avec les radars automatiques (impossibilité de joindre certains propriétaires qui n’ont pas effectué les formalités auprès des gestionnaires des certificats d’immatriculation lors d’un changement d’adresse, erreurs dans le fichier des permis de conduire, difficulté de gestion des infractions commises par des conducteurs étrangers) mais elles seront réduites dans les années à venir par les améliorations importantes en cours de réalisation dans la gestion des fichiers des immatriculations et des permis, ainsi que par les accords entre pays européens dans la gestion des infractions. Ces inconvénients sont mineurs par rapport à l’amélioration considérable des conditions de surveillance de la circulation produite par de telles procédures ne comportant pas d’interception des véhicules.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Il est indispensable d’homologuer et de développer des procédures identiques à celles utilisées pour les contrôles automatiques de la vitesse (fiche n°10) avec une informatique embarquée permettant des transferts par lots à un centre de traitement qui assure la totalité de la gestion des suites données au constat de l’infraction.

 

13/

Préciser auprès des juridictions dans quelles conditions la confiscation du véhicule ne doit pas être une décision rare mais la règle.

Définition du problème

Certaines infractions atteignent un tel niveau de gravité et de conscience de la transgression d’une règle que l’application des sanctions habituelles (suppression du permis, amendes, voire emprisonnement) semble dépourvue d’efficacité. Il faut alors être capable de prendre des décisions qui privent l’usager de la possibilité de transgresser les règles en ajoutant aux sanctions prises la confiscation du véhicule. Les deux domaines les plus concernés sont les grands excès de vitesse et les infractions à la législation sur l’alcoolisation des conducteurs..

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Préciser par une instruction aux Parquets dans quelles situations la confiscation du véhicule doit être la règle et non une mesure exceptionnelle. Trois situations doivent être envisagées :

Argumentaire

Les résultats exceptionnels obtenus depuis 5 ans dans le domaine de la sécurité routière ont été principalement obtenus par la plus grande crédibilité du dispositif de contrôle et de sanctions. Si l’on veut poursuivre ces progrès il faut compléter le dispositif actuel par des moyens de dissuasion supplémentaires concernant les fautes les plus graves, la confiscation du véhicule est une des procédures à utiliser dans de telles circonstances.

Nous savons que la caractéristique la plus fréquente associée à la conduite sans permis avec implication dans un accident mortel est le fait d’avoir déjà été sanctionné pour une conduite sous l’influence de l’alcool. Dans ce cas le problème de la relation de cet usager avec l’alcool occulte souvent le risque de sanction et si le véhicule est disponible, il sera utilisé. Il est indispensable de conduire des enquêtes de proximité après une suppression de permis ou une suspension de permis pour conduite en état d’imprégnation alcoolique pour s’assurer que l’usager concerné ne conduit plus. Ces enquêtes sont très faciles à réaliser et peu consommatrices de temps d’enquêteur. La poursuite de la conduite doit provoquer la confiscation du véhicule.

 

La confiscation du véhicule doit également être développée en cas d’excès de vitesse très important car dans cette situation il est impossible d’évoquer l’inattention et l’absence de volonté de transgresser la règle. Il s’agit d’une attitude délibérée qui justifie une mesure de cette nature.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

L’argument souvent utilisé pour justifier la rareté des confiscations de véhicule dans certains départements est la difficulté matérielle de stockage des véhicules et le coût de la gestion de ce stockage, puis de la procédure de vente par les Domaines. Il s’agit là d’un problème d’organisation qui ne présente pas de difficulté particulière et le fait que ces véhicules en grand excès de vitesse sont dans l’ensemble des véhicules « haut de gamme » en bon état permet d’assurer l’équilibre financier de l’opération et de compenser la situation opposée concernant les véhicules conduits par des usagers sanctionnés pour conduite en état d’imprégnation alcoolique, qui sont statistiquement des véhicules plus anciens que la médiane des véhicules en circulation. Il est en outre possible d’organiser une utilisation de ces véhicules confisqués par les services de gendarmerie et de police pour leurs besoins en véhicules non identifiables visuellement et destinés à assurer des contrôles dans les flux de circulation.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Définir dans quelles conditions la confiscation du véhicule doit être la règle et documenter l’usage de la décision de confiscation au niveau de chaque département, notamment en comparant le nombre de contraventions pour grand excès de vitesse et pour récidive de conduite en état d’imprégnation alcoolique (ou conduite sans permis après une telle infraction) au nombre de confiscations de véhicules.

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Mieux prévenir les excès de vitesse par l’équipement de véhicules avec des dispositifs techniques adaptés, soit d’origine, soit sous forme de peines complémentaires en cas d’infractions.

Définition du problème

Une fraction des usagers de la route aime rouler vite et s’estime capable de le faire sans risque pour les autres usagers. Ils oublient que leur niveau d’attention est variable, que la surestimation par un conducteur de ses capacités de conduite est un fait documenté et qu’ils ne sont pas seuls sur les routes. Ces usagers ont également une méconnaissance profonde des données statistiques disponibles sur les liens unissant la vitesse et le risque routier. Ils ont en outre des véhicules qui ne sont pas fait pour respecter les règles sur les limitations de vitesse et toutes les conditions sont donc réunies pour accroître le risque lié à la vitesse inadaptée ou excessive.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Compléter la prévention et la dissuasion de l’excès de vitesse par l’équipement des véhicules avec des dispositifs techniques adaptés (enregistreurs d’événements dites également « boîtes noires », limiteurs de la vitesse maximale, limiteurs de vitesse adaptés à la valeur maximale autorisée localement) et la possibilité de prononcer des peines complémentaires adaptées à cette infraction en cas de récidive. Outre la possibilité de confiscation du véhicule, les trois mesures paraissant les plus pertinentes sont :

Nous savons que ces dispositifs, notamment le système LAVIA seront généralisés quand l’Union Européenne sera sortie de sa léthargie face au drame de la détérioration du climat. Dans l’attente de cette réaction qui nous est annoncée régulièrement mais qui demeure bloquée par des intérêts particuliers, sans commune mesure avec l’intérêt collectif, il est possible de les diffuser en dehors du cadre de la décision judiciaire, notamment dans les administrations ou dans des flottes commerciales. Le Gouvernement avait annoncé son intention de passer à l’acte lors des choix décisifs qui ont provoqué la réduction de la mortalité routière au dessous de 5000. Il demeure très discret sur la tenue de ses engagements et il convient de reprendre son dossier et de planifier avec les fournisseurs l’équipement des véhicules achetés par l’administration d’une part leur équipement de limiteurs de vitesse à 130 km/h et d’autre part la possibilité d’équiper d’enregistreurs certains véhicules exposés à des risques particuliers (véhicules d’intervention des policiers, des gendarmes, des pompiers et des SMUR). La volonté d’agir au plus vite peut inciter à prendre des risques non seulement pour ceux qui sont les acteurs de ces interventions, mais pour l’ensemble des usagers.

Argumentaire

Les résultats exceptionnels obtenus depuis 5 ans dans le domaine de la sécurité routière ont été principalement obtenus par la réduction de la vitesse. Si l’on veut poursuivre ces progrès il faut compléter le dispositif de contrôle et de sanctions actuel par des moyens de dissuasion supplémentaires de l’excès de vitesse. Nous avons signalé l’importance de la dissuasion par la confiscation du véhicule dans les formes les plus extrêmes de cette infraction aux règles. Il faut ajouter d’autres possibilités de sanctions dans le cas d’excès de vitesse moins importants mais répétés. Nous connaissons les méthodes utilisables et qui ont fait leur preuve. Comme l’éthylotest antidémarrage est une méthode adaptée à la prévention de la récidive de la conduite sous l’influence de l’alcool (fiche n°15) les trois méthodes envisagées ci-dessous sont des méthodes adaptées à la prévention des excès de vitesse par une aide technique allant jusqu’à l’impossibilité de commettre l’infraction.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Le coût de l’équipement du véhicule sera assuré par l’usager. L’administration aura à organiser la gestion de ces dispositifs qui peut être déléguée en grande partie à des garages agréés en complément de la surveillance assurée par les services de gendarmerie et de police. Le contrôle des enregistreurs d’événements peut se faire par une convocation téléphonique aléatoire de l’usager concerné suivie d’un transfert des données enregistrées sur les outils d’analyse des responsables du contrôle d’une telle disposition (il peut s’agir d’une collecte directe de données sur une clé USB au niveau d’un commissariat ou d’une unité de gendarmerie suivie de l’expédition vers un centre spécialisé régional qui traite les données).

En pratique l’enregistreur d’événements est un instrument qui peut être orienté vers deux objectifs différents :

Dans le cas de l’équipement de flottes de véhicules, d’entreprise ou d’administrations, l’importance des marchés concernés permet d’avoir de tels équipements sans majoration du prix du véhicule.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Ces dispositifs enregistrant des données indirectement nominatives et la CNIL ayant des difficultés dans le cadre des textes qui régissent la conservation de ce type de données à formuler des avis les autorisant dans un but de surveillance des personnes, il serait utile de prévoir cet usage dans un texte législatif réglant spécifiquement le problème. Ce choix éviterait les difficultés liées à l’application des textes actuels. Un projet de loi serait proposé au Parlement après une consultation explicite de la CNIL et du Conseil d’Etat pour avoir leur avis sur ce qui est possible avec la législation actuelle et ce qu’il faudrait définir par un texte spécifique pour rendre possible l’usage de ces dispositifs s’ils paraissent incompatibles avec la législation.

Compléter le dispositif réglementaire actuel concernant les peines complémentaires et organiser sa mise en œuvre par des circulaires précises émanant de la chancellerie et du ministère de l’intérieur. Il conviendra également de documenter l’application au niveau de chaque département, notamment en comparant le nombre de contraventions pour excès de vitesse et le nombre de peines complémentaires limitant la conduite à des véhicules ne pouvant pas dépasser une certaine vitesse maximale par construction et éventuellement équipés d’un enregistreur de vitesse, voire dans l’avenir d’un système LAVIA. Ce dernier dispositif est l’exemple accompli du dispositif de sécurité incorporé « structurellement » au véhicule. Au lieu de reposer sur le mythe d’un ensemble d’usagers civiques, éduqués et responsables qui respectent les règles parce qu’il faut les respecter, il s’adapte à la diversité des individus dans leur rapport à la règle et assure l’absence de transgression sans créer de gêne au niveau des usagers qui respectent les limitations de vitesse.

Rendre effectif les engagements politiques concernant l’installation de limiteurs de vitesse sur les véhicules achetés par l’administration.

15/

Généraliser l’expérimentation sur les éthylotests antidémarrage

Définition du problème

Prévenir la récidive de la conduite sous l’influence de l’alcool est un problème majeur dans la lutte contre l’insécurité routière. L’enjeu demeure supérieur à 1000 décès annuels. Il est difficile de faire évoluer cette situation du fait de l’association d’une problématique de délinquance et d’une autre relevant de la notion de consommation non maîtrisée et éventuellement de dépendance.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Le but étant de ne pas prendre la route quand on a consommé une quantité d’alcool qui va produire un dépassement du seuil légal, la méthode qui conditionne la possibilité de démarrer le véhicule au dépistage préalable de l’imprégnation alcoolique est particulièrement bien adaptée à cet objectif. La proposition consiste à rendre possible dans tous les départements français la soumission de la poursuite de la conduite après le constat d’une imprégnation alcoolique à l’utilisation d’un véhicule équipé d’un éthylotest antidémarrage quand le contexte semble favorable à l’usage d’une telle méthode (contrôle préventif d’alcoolémie positif et contexte social favorable à la mesure, notamment la possibilité d’un suivi médical s’il est nécessaire et d’un suivi de l’application de la mesure).

Argumentaire

Le défaut de maîtrise de la consommation d’alcool peut être favorisé par le contexte et rend particulièrement utile un dispositif de sécurité « structurelle » incorporé au véhicule et aidant la personne en difficulté avec l’alcool a éviter un comportement dangereux. La nécessité de souffler dans un éthylotest électronique couplé au démarreur du véhicule et empêchant la mise en route de ce dernier en cas d’alcoolémie élevée est une mesure de prévention qui a été mise en œuvre dans plusieurs pays et a fait la preuve de son efficacité. En France une expérimentation a été conduite dans le département de la Haute Savoie, elle a prouvé sa faisabilité dans notre pays et il est maintenant indispensable de la généraliser.

Cette proposition n’exclut pas d’avoir un éthylotest en complément de l’équipement normal d’un véhicule, mais il faut bien comprendre les limites du volontariat dans ce domaine. Les usagers qui conduisent sous l’influence de l’alcool et provoquent des accidents dans ces conditions ont des alcoolémies le plus souvent élevées et conduisent en pleine connaissance de cause. Dissuader de conduire avec une alcoolémie limite qui serait méconnue par l’usager « de bonne foi » n’est pas un enjeu très important justifiant une contrainte forte. Le dispositif ne serait efficace que si tous les véhicules neufs étaient équipés et qu’une alcoolémie à un niveau prohibé empêche le démarrage du véhicule, comme dans la pratique expérimentale actuelle après une première infraction. Il semble impossible de généraliser un tel dispositif du fait de l’importance des contraintes pour l’usager non consommateur d’alcool lors de l’usage de son véhicule.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

La réussite dépend de la formation, de la rigueur et de la motivation de ceux qui travaillent ensemble pour développer un tel programme. Il est évident que s’il n’y avait pas eu le Dr Mercier Guyon pour militer en faveur de l’expérience savoyarde et travailler en confiance avec les responsables des structures préfectorales, judiciaires et des unités de gendarmerie et de police, cette entreprise n’aurait pas vu le jour.

Conditions pratiques de mise en œuvre.

Les textes réglementaires nécessaires existent et l’expérience conduite en Haute Savoie est documentée avec une précision permettant son développement dans d’autres départements. Il n’y a donc plus d’obstacle à sa généralisation autre que les aspects organisationnels qui exigent compétence et volontarisme.

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Rendre obligatoire par un texte réglementaire l’usage d’un carnet de bord renseigné par tout conducteur utilisant un véhicule d’entreprise dont il n’est pas le propriétaire.

Définition du problème

Parmi les limites à l’efficacité des radars automatiques contrôlant la vitesse sans interception de l’usager concerné, l’absence de désignation par le propriétaire du conducteur du véhicule persiste dans un certain nombre de cas. Elle est rendue possible par l’absence dobligation pour une entreprise de gérer l’usage de ses véhicules avec des carnets de bord permettant l’identification des conducteurs utilisant un véhicule leur appartenant.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Rendre obligatoire l’usage d’un carnet de bord dans chaque véhicule d’entreprise, indiquant le nom du conducteur, la date et les heures d’usage de ce véhicule.

Argumentaire

Ce document éviterait de se trouver confronté au cas d’un propriétaire payant l’amende, mais prétendant ne pas savoir qui conduisait le véhicule lors de l’infraction. La jurisprudence a établi qu’il ne pouvait actuellement subir de retrait de points s’il apporte la preuve qu’il ne pouvait être lui-même le conducteur lors de l’infraction.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il n’y a pas de difficulté particulière à mettre en œuvre une contrainte aussi minime qui est déjà effective dans toutes les entreprises bien gérées qui veulent savoir qui conduit leurs véhicules, aussi bien avec des objectifs de responsabilisation des utilisateurs que de contrôle des besoins de l’entreprise.

Conditions pratiques de mise en oeuvre

Texte réglementaire créant cette obligation.

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Développer les moyens de la délégation interministérielle à la sécurité routière en créant une Agence Française de Sécurité Routière

Définition du problème

Si la création d’une délégation interministérielle à la sécurité routière en 1972 a facilité la coordination de l’action gouvernementale, notamment du fait de son rattachement initial aux services du Premier ministre qui lui donnait une indépendance vis-à-vis des différents ministères techniques concernés, les moyens de cet organisme ne sont pas à la hauteur de l’importance de ses missions. Les actions d’évaluation et de suivi des indicateurs les plus pertinents demeurent très insuffisantes.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Associer à la délégation une Agence Française de Sécurité Routière, calquée sur le modèle de l’AFSSA et de l’AFSSSAPS, ce qui lui permettrait d’avoir un outil d’expertise, de connaissance et d’évaluation « transversal » indispensable pour organiser et piloter l’action.

Argumentaire

Quand le Gouvernement a placé la délégation interministérielle auprès du ministre de l’équipement, en accompagnant cette mesure d’une fusion du poste de délégué interministériel et de celui de directeur de la sécurité routière (1983), il était évident qu’une page était tournée et que la sécurité routière n’était plus une priorité gouvernementale. La décision était une négation de la notion de coordination de ministères techniques qui défendent leurs territoires respectifs, leurs prérogatives et leurs politiques. Si le responsable de la structure concernée apparaît comme un simple arbitre de conflits « territoriaux » ou décisionnels, il aura des difficultés pour faire avancer rapidement des dossiers et rendre les décisions effectives. Si à l’opposé il apparaît comme le représentant du Premier ministre, soutenu par ce dernier, et décidé à placer chaque dossier à la hauteur de la priorité politique annoncée, il aura l’efficacité souhaitée.

A un niveau plus élevé il est possible de charger un ministre ou un secrétaire d’Etat de la sécurité routière. Cela ne semble pas excessif pour traiter la première cause de mortalité des jeunes adultes en France. La mesure a été proposée dans le rapport sur les « gisements de sécurité routière ». Ce rapport envisageait un ministre « plein » directement rattaché à Matignon et non un secrétariat d’Etat rattaché au ministère de l’équipement, ce qui semble rationnel puisque ce rattachement affaiblit la fonction interministérielle. Cependant cette solution ne me semble pas la meilleure, car la sécurité routière dépend trop étroitement de l’équipement, de l’intérieur et de la justice pour prendre le risque d’ajouter un échelon supplémentaire au niveau ministériel qui aura inévitablement des difficultés à agir par l’intermédiaire des autres ministères impliqués, les conflits me paraissent inévitables avec cette solution. Une délégation interministérielle très soutenue par le Premier ministre et rattachée à ses services m’est toujours apparue comme la solution la plus opérationnelle.

Deux évolutions récentes ont modifié mon avis sur l’organisation au niveau ministériel et central de la sécurité routière, me faisant renoncer à la proposition faite en 2002 de replacer la délégation interministérielle auprès des services du Premier ministre. La première est le succès de la politique conduite depuis 2002 sans modification des attributions. Il est évident qu’elle a été rendue possible par un soutien fort au niveau du Premier ministre et une bonne entente entre les ministres concernés (c’est un conseiller technique du Premier ministre, Rémy Heitz qui a été nommé à la tête de la DSCR et chargé de coordonner à partir de 2003 les décisions arrêtées fin 2002). La seconde raison est la redistribution des attributions ministérielles de 2007 et la création d’un ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durable. Ce choix donne un poids plus important au niveau gouvernemental à la synergie très forte qui existe entre la lutte contre l’aggravation de l’effet de serre et la sécurité routière.

Il semble acceptable dans ce contexte nouveau de maintenir le dispositif actuel réunissant au sein de ce ministère aux multiples fonctions la direction de la sécurité routière et la délégation interministérielle à la sécurité routière. A l’opposé la proposition faite en 2002 de créer une Agence française de sécurité routière capable d’instruire, de piloter et d’évaluer des actions décidées au niveau interministériel, et qui ne concernent pas une mais plusieurs structures administratives, apparaît toujours comme indispensable. Si l’on veut dépasser les formes d’action purement décisionnelles et ajouter des actions d’évaluation et de contrôle de la bonne gestion, il est indispensable de doter la délégation interministérielle des outils nécessaires pour avoir ce rôle. La structure à mettre en place doit également contribuer à la formation des acteurs de terrain (juges, policiers, gendarmes, moniteurs d’auto-école) en étroite association avec leurs établissements formateurs spécifiques.

 Une telle Agence doit réunir plusieurs services.

Une fonction doit être assurée par un organisme qui a les moyens de ses missions. Le découpage ministériel traditionnel de l’administration française est un handicap majeur pour la mise en œuvre d’actions interministérielles. La création d’une structure de pure coordination est insuffisante. Il faut des outils adaptés à l’action ou à l’acquisition de connaissances, avec un financement adapté. Quand l’AFSSA a été créée, les pouvoir du ministère de la santé et de celui de l’agriculture n’ont pas été amputés, leur capacité d’expertise a été au contraire accrue, un organisme responsable et doté de moyens leur donnant la crédibilité technique et scientifique. La comparaison entre les moyens mis en œuvre pour développer la sécurité alimentaire dans la filière bovine confrontée au problème de l’ESB et ceux consacrés à la sécurité routière sont instructifs. Les rapports entre les enjeux humains sont dans des ordres de grandeur de 1 à 10 000 pour le nombre de vies perdues, les investissements financiers ont été beaucoup plus importants pour traiter le problème le moins grave en termes de sécurité sanitaire.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Les difficultés seront celles  provoquées par une mesure qui semble retirer du pouvoir à certaines structures ministérielles en créant une Agence par nature interministérielle. Il faut savoir choisir et donner une juste représentation à chaque ministère dans la tutelle et le Conseil d’administration de la nouvelle structure. L’expérience acquise avec l’AFSSAPS, l’AFSSA et l’InVS permet d’éviter des erreurs conceptuelles dans un tel domaine.

Les arguments concernant la multiplication inutile des structures pour résoudre les problèmes ne sont pas pertinents dans des domaines très techniques comme celui de la sécurité routière. Trois échelons sont indispensables, celui de la recherche, celui de la gestion politico-administrative et entre les deux celui qui assure la jonction entre la connaissance disponible et les possibilités d’action. La création de l’ AFSSAPS, l’AFSSA et l’InVS n’a pas affaibli le ministère de la santé et n’a pas remplacé l’INSERM. Les trois organismes facilitent le travail du ministre de la santé en mettant à sa disposition les moyens assurant des décisions appropriées. Entre l’INRETS et les gestionnaires de la sécurité routière il faut un organisme opérationnel produisant les évaluations nécessaires des pratiques et assurant la veille technologique et épidémiologique. Il convient de ne pas placer sur le même plan une Agence inutile créant des conflits décisionnels dans des domaines relevant directement du politique et de l’administratif et une Agence orientée vers la connaissance, les applications techniques et la formation dans un secteur concernant de nombreux ministères et coordonné par une structure interministérielle existante.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Un tel établissement public doit être créé par voie législative et son statut juridique devrait être celui d’un établissement public à caractère administratif, comme l’AFSA ou l’AFFSAPS, son conseil d’administration devrait être composé de représentants des différents ministères techniques concernés et présidé par le Délégué interministériel à la sécurité routière.

 

18/ 

Adapter l’organisation locale du dispositif de surveillance de la circulation, en accroissant la spécialisation et en modifiant la territorialité des unités de police et de gendarmerie en charge des actions de contrôle et de sanction.

Définition du problème

Les unités de police et de gendarmerie implantées au niveau d’une agglomération ou d’un canton, ont un rôle important dans le domaine de la sécurité routière et il ne saurait être question de réserver cette activité à une unité spécialisée. Il est cependant difficile de conduire simultanément :

 Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Développer dans chaque département, en tenant compte de l’existant et des particularités géographiques (importance des agglomérations gérées par des unités de la police nationale) une police de la route identifiée comme telle aux yeux de la population. Elle aurait une capacité d’agir sur l’ensemble des voies du département et permettrait de mieux planifier au niveau départemental l’ensemble des actions de sécurité routière relevant de l’application du dispositif de contrôle et de sanction, en coordination avec les unités locales de gendarmerie et de police.

Argumentaire

La spécialisation permet d’assurer une formation de qualité, des investissements en matériel mieux utilisés, une réduction de la pratique des « indulgences » du fait de la moindre « proximité », et surtout une pratique plus homogène au niveau d’un département pour la mise en œuvre de plans de contrôle et de sanctions définis avec les autorités judiciaires et préfectorales. Des liens étroits avec un établissement public de sécurité routière (Agence française de sécurité routière dont la création est proposée par ailleurs) permettraient de développer une formation continue indispensable pour s’adapter à l’évolution rapide des matériels et des méthodes de contrôle. Ces unités dépendant du ministère de l’intérieur auraient un rôle strictement limité à la sécurité routière en évitant les multiples missions annexes qui détournent les unités motocyclistes de leur activité principale. Des unités spécialisées permettent d’associer une indépendance dans l’action à un professionnalisme rendu indispensable par le développement de matériels spécifiques de plus en plus performants, qui exigent une formation appropriée. L’avantage d’une force unique au niveau départemental est d’assurer une unité de commandement. Elle est indispensable pour planifier les actions et éviter les contraintes absurdes provoquées par la juxtaposition, et souvent l’intrication, de territoires dépendant d’unités différentes de police ou de gendarmerie. Elle permet d’équiper cette unité avec des matériels performants adaptés aux tâches à assurer :

Les exemples connus de mise en œuvre d’unités spécialisées permettent d’affirmer que l’établissement de nouvelles modalités de fonctionnement administratif est une contrainte sans commune mesure avec les avantages produits. Les formes les plus élaborées de cette notion de spécialisation ont été développées aux Etats-Unis (dans certains Etats, le niveau de spécialisation étant très variable dans cette fédération), et les exemples de la police de Los Angeles ou de la Highway Patrol de Californie mettent en évidence l’intérêt d’un niveau élevé de qualification produit par une formation prolongée et la spécialisation. Les fonctions étant valorisées, elles sont attractives pour ceux qui envisagent une carrière professionnelle dans ce domaine et la qualité d’ensemble de ces services s’accroît. La situation est très différente en France, les conditions de travail actuelles de ces unités de police ou de gendarmerie spécialisées sont souvent difficiles du fait des insuffisances en personnel et en matériel. Nous avons besoin d’une véritable politique d’équipement, de formation et de mise en action des unités spécialisées qui provoquerait, chez les personnels concernés et chez les usagers, une modification profonde de la situation. Dans un hôpital comme dans le système de contrôle routier, la présence de spécialistes confirmés, capables de répondre à toutes les situations avec professionnalisme, est une condition de la qualité. Ceux qui ne veulent pas reconnaître cette nécessité ont une vision très courte des enjeux de sécurité routière et de l’évolution des techniques.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il ne faut pas avoir une attitude de refus a priori d’une telle solution, parce que l’on imagine immédiatement la difficulté de créer des unités mixtes associant des policiers et des gendarmes, ou de créer un corps nouveau avec ses statuts, ses rigidités, et la perspective de longs délais avant que la mise en œuvre ne soit effective. Il est possible d’envisager des unités spécialisées départementales avec des statuts police ou gendarmerie suivant le département, ayant la capacité d’opérer sur l’ensemble des routes du département. Cette dimension dans la zone d’action permettrait de s’appuyer sur une logistique optimisée et de supprimer l’émiettement des moyens entre des unités qui n’atteignent pas la taille critique pour disposer et mettre en œuvre toutes les techniques disponibles actuellement.

Conditions pratiques de mise en œuvre

La meilleure solution est celle qui peut être rapidement opérationnelle, car elle n’impose pas la création d’un nouveau statut. Elle consisterait à avoir des unités spécialisées de gendarmes dans les départements à prédominance rurale et de policiers dans les départements à dominance urbaine (notamment les 8 départements de l’Ile de France, le Rhône, les trois départements littoraux de la région PACA, le Nord et éventuellement la Haute Garonne et la Gironde). Pour effectuer ces choix, il faut tenir compte des effectifs de personnels déjà spécialisés dans ces fonctions de police routière et de la fraction des accidents corporels et mortels (cette distinction est importante) observée dans les zones territoriales dépendant actuellement de la police ou de la gendarmerie.

Une fois le choix effectué, la définition des objectifs de moyens en personnel, en matériel, en locaux pourrait être établie. Des formations communes seraient assurées en collaboration avec l’établissement public de sécurité routière qui aurait en charge le développement ou la sélection des matériels, des logiciels et des méthodes d’intervention pour garantir une homogénéité des pratiques, indispensable pour qu’elles soient considérées par les usagers comme une référence constante et crédible. 

Il est nécessaire de produire des textes donnant à ces unités spécialisées une compétence territoriale sur l’ensemble des voies d’un département. La durée de cette période de réorganisation pourrait être planifiée sur cinq ans, au terme desquels nous disposerions d’une force spécifique de sécurité routière, apte à traiter le problème au niveau d’importance qu’il mérite.

19/

Définir une politique d’évaluation des méthodes mises en oeuvre pour assurer la sécurité routière

Définition du problème

Le rapport de l’instance d’évaluation de la politique de sécurité routière de 2003 recommande la mise en place d’évaluations en continu des diverses actions de la politique de contrôle-sanction.

Il formule les propositions suivantes :

« L’extension de la pratique des stages de sensibilisation à la sécurité routière, prévue par le projet de loi de 2003, les place au premier rang des évaluations à conduire. La circulaire du 18 décembre 2002 supprimant la pratique des indulgences doit également être l’objet d’une évaluation continue. Plus généralement, pour évaluer la politique de contrôle-sanction routier, il convient aussi de traduire la loi en objectifs mesurables pour les différents acteurs du dispositif. Cela suppose au préalable la mise au point d’indicateurs d’activité et d’indicateurs de respect des règles (vitesse, alcool, port de la ceinture) qui permettront un suivi local et national de la politique en confrontant les objectifs assignés aux résultats réellement atteints. »

Malgré toutes les recommandations allant dans ce sens, nous sommes encore loin de disposer d’une évaluation des actions de sécurité routière à la hauteur des besoins.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Identifier les dispositifs à évaluer et définir pour chacun d’eux des méthodes, un calendrier et des responsables de la procédure. Dans ce but je propose de réaliser deux séminaires de deux jours permettant de définir les travaux à réaliser pour produire des évaluations pertinentes de la politique de sécurité routière conduite sur le terrain :

Argumentaire

Pour planifier une réduction des risques de mort sur la route, il faut disposer de connaissances descriptives approfondies produisant un minimum d’aptitude à modéliser l’insécurité routière. Cette dernière est indispensable pour évaluer l’influence potentielle d’une décision particulière. Il est possible, à partir des données sur l’efficacité d’une ceinture de sécurité et des taux de port de la ceinture dans différentes conditions de circulation, de se fixer des objectifs et de définir une évolution du système de contrôle. Si l’on ne connaît pas le taux de port des ceintures à l’arrière, si la connaissance n’est pas suffisamment affinée au niveau géographique pertinent, si l’on n’a pas expérimenté l’effet d’un accroissement défini du contrôle exprimé en heures de fonctionnaires de police ou de gendarmerie dans un périmètre connu, il est impossible d’évaluer le rapport coût-efficacité d’une action dans ce domaine. J’ai pris volontairement un exemple simple pour lequel nous disposons d’une partie des connaissances nécessaires. Pour d’autres problèmes majeurs, nous sommes confrontés à un déficit de connaissances qui ne peut qu’induire l’irrationalité à tous les échelons de la décision. Un de mes plus mauvais souvenirs d’évaluation en sécurité routière a été le refus par le ministère de l’équipement de l’évaluation de l’efficacité du contrôle technique des véhicules. Il était facile à mettre en place lors de l’instauration du dispositif, en satisfaisant un minimum d’exigences méthodologiques. L’inconvénient était évidemment de courir le risque de constater que le contrôle ne modifiait pas l’accidentalité.

Autre exemple de l’interférence entre les connaissances et la prise de décision politique dans le domaine de l’insécurité routière, le débat sur les conséquences possibles de l’amnistie des fautes de conduite. Je l’ai initié en 1988 en affirmant qu’il pouvait être dangereux de savoir que les fautes de conduite seraient amnistiées, notamment quand des médias irresponsables annoncent l’amnistie et expliquent aux automobilistes qui ne respectent pas le code (sans danger bien sûr, puisqu’ils conduisent mieux que la moyenne !) qu’ils peuvent arrêter de payer leurs contraventions. La campagne contre l’amnistie a été reprise fin 1994 et fin 2001, plusieurs associations se sont mobilisées et ont contribué à obtenir la décision du candidat Jacques Chirac de renoncer à l’amnistie des fautes de conduite en avril 2002. L’argumentaire pouvait être qualitatif, il est absurde d’annoncer le pardon des fautes avant qu’elles ne soient commises, l’impunité annoncée est une promesse dangereuse. Il était plus pertinent de fonder l’évaluation du risque en demandant aux spécialistes de l’évaluation des séries chronologiques de s’emparer du sujet. Le problème devenait une urgence de santé publique quand un ingénieur des ponts et chaussées a affirmé que la surmortalité précédant l’élection de 1988 et celle de 1995 était liée à une variation aléatoire de la mortalité routière s’associant aux variations du trafic. Deux économistes de Paris-Dauphine ont réalisé une évaluation quantitative avec des méthodes plus raffinées, évaluant la mortalité attribuable à 300 morts pour chacune des amnisties de 1988 et 1995. Dans le même temps, des spécialistes de la modélisation du risque routier et de l’analyse des données chronologiques, saisis par le comité d’experts auprès du Conseil national de la sécurité routière, se heurtaient à l’insuffisance des bases de données utilisables pour affiner l’évaluation du risque attribuable, tout en reconnaissant que les méthodes statistiques les plus éprouvées confirmaient le surrisque. Heureusement l’acte politique de supprimer l’amnistie des fautes de conduite a été pris, mais les décideurs auraient eu une tâche plus facile avec un argumentaire scientifique complet à leur disposition au moment de la décision. Cet argumentaire ne pouvait être produit qu’avec des bases de données de qualité permettant de répondre à des questions émergentes de ce type.

Nous sommes donc dans une situation d’insuffisance de la contribution de la recherche et de l’usage des méthodes les plus fondamentales de la gestion dans la définition de nos actions de sécurité routière. Il faut rompre avec l’improvisation insuffisamment argumentée et évaluée, en adoptant des méthodes plus rationnelles. L’identification des besoins est la première étape.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il n’y a pas d’inconvénients, il n’y a que des difficultés. La France est un pays dont les habitants aiment se prétendre rationnels, mais répugnent à accepter les exigences de la rationalité quand il s’agit d’évaluer leur action. Cette faiblesse atteint spécialement les administrations et les décideurs, malgré l’adoption de mesures intéressantes telles que la LOLF. Je propose dans ce texte de nombreuses évaluations qui peuvent être mises en œuvre dès maintenant, sans attendre la tenue des deux séminaires proposés ci-dessus. Une liste résumant l’ensemble des évaluations à conduire est présentée dans l’annexe 1 de ce document.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Définir lors du prochain CISR une méthode de définition des besoins en évaluation et en indicateurs de la délégation interministérielle. La procédure pourrait être l’organisation par la direction de la sécurité routière des deux séminaires proposés, en collaboration et avec la participation de l’INRETS, des administrations concernées et d’organismes ou de personnes spécialisés dans les pratiques d’évaluation ou ayant une expérience du traitement des données statistiques dans le champ de la sécurité routière.

20/

Poursuivre l’évaluation du CSA (contrôle sanction automatisé)

Définition du problème

Le CSA a été un choix innovant et efficace du plan de sécurité routière de 2002. Deux évaluations ont été faites, l’une par l’ONISR avec un groupe d’experts orientant leur démarche vers l’efficacité observée, l’autre avec les inspections des différents ministères concernés visant à établir l’effectivité des mesures et les obstacles à leur pleine efficacité. Ces évaluations n’ont pas été actualisées alors que les indicateurs mis au point doivent être suivis et leurs résultats publiés.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Poursuivre l’évaluation du CSA en publiant périodiquement un tableau de bord précisant de façon quantifiée les obstacles au plein effet du CSA, les mesures prises pour pallier ses insuffisances et le calendrier prévu pour leur mise en œuvre.

Argumentaire

Le CSA a été une méthode nouvelle pour les usagers et contraignante par le choix d’une mise en œuvre conjointe d’une permanence du contrôle en un point donné et d’une réduction des tolérances sur le respect des limitations de vitesse (5km/h au dessous de 100 km/h et 5% pour les vitesses supérieures à 100 km/h) destinée à redonner un sens et une crédibilité à la réglementation. Son acceptabilité sociale a été attribuée pour une part importante à la notion d’égalité des usagers face à l’application des règles, ce qui n’était pas le cas auparavant comme l’avait montré la commission d’évaluation du système de contrôle et de sanctions présidée par Michel Ternier. Pour maintenir cette notion d’impartialité inhérente à l’automatisme du dispositif, il faut identifier les dysfonctionnements possibles et organiser leur correction dans des délais raisonnables.

Parmi les points bien identifiés et faciles à documenter par l’exploitation des données accessibles à partir des bases de données informatisées du dispositif il faut insister sur :

Ces données concernant la phase initiale de la gestion des infractions doivent être documentées au niveau départemental. Il faut ensuite connaître :

Il convient enfin de définir les méthodes mises en œuvre pour éviter qu’une fraction des usagers puisse échapper à la sanction correspondant à leur infraction. Cet objectif impose :

Cette énumération, très incomplète, met en évidence l’importance d’une documentation précise de chaque obstacle identifié, avec son importance et ses causes, pour permettre la définition des meilleures solutions possibles et entreprendre leur mise en œuvre. Des investissements très importants ont été faits pour améliorer le fichier des permis de conduire, mais ils ont été tardifs. Les nouvelles cartes grises avec une immatriculation normalisée au niveau de l’Union ne seront utilisées que dans plusieurs années. Il faut trouver des solutions dans la période intermédiaire pour assurer l’équité. J’avais proposé de rendre obligatoire la vérification de la qualité de l’adresse disponible dans le fichier des immatriculations. Cette vérification n’est toujours pas faite alors que de nombreuses méthodes sont utilisables (par exemple rendre obligatoire l’envoi de l’attestation d’assurances à l’adresse de la carte grise, ce qui correspond également à l’intérêt de l’assureur, un usager qui fraude n’est pas un bon client pour un assureur). Il est également possible de faire des recherches avec des méthodes automatisées permettant l’interception des usagers en infraction, quand les procédures n’ont pu aboutir faute d’une adresse correcte. La lecture en temps réel des plaques d’immatriculation à des péages d’autoroute ou par une informatique embarquée dans des véhicules de police ou de gendarmerie permet ces interceptions, les immatriculations étant comparées à une base de données de véhicules dont le propriétaire n’a pu être joint. Ce dispositif est mis en œuvre pour les véhicules volés, il doit être étendu à l’identification des véhicules en infraction à une règle ou en cas de paiements de contraventions non effectués.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

L’évaluation et l’amélioration du fonctionnement du CSA sont indispensables au maintien de l’équité du dispositif et de son efficacité. Comme tous les dispositifs de ce type, il est exposé aux entreprises imaginatives des fraudeurs. Les contraintes utilisées dans le but de faire respecter les règles provoquent constamment de telles attitudes et la qualité de la dissuasion stimule l’imagination des fraudeurs. Si l’administration et les décideurs politiques ne mettent pas en œuvre des moyens limitant cette entreprise de destruction de la prévention par la crédibilité des contrôles et de l’aboutissement des sanctions, l’efficacité du dispositif se réduira. Comme pour le dopage dans les compétitions sportives ou pour les fraudes fiscales, il faut avoir une longueur d’avance et non une de retard sur ceux qui refusent le respect des règles. Il n’y a que des avantages à assurer la qualité du dispositif par l’évaluation. Les difficultés sont liées à la lenteur des réactions de l’administration plus qu’au coût de la mise en œuvre des méthodes assurant la qualité.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Refaire les deux évaluations du CSA qui ont été produites et publier les rapports avec les solutions apportées aux déficiences observées, leur planification et leurs résultats. Cette procédure doit s’intégrer à l’objectif général d’évaluation définie dans la fiche n°19.

21/

Améliorer l’évaluation des problèmes posés par la conduite sous l’influence de l’alcool

Définition du problème

La conduite sous l’influence de l’alcool demeure un facteur majeur d’insécurité routière en France. Il est particulièrement important de remarquer que la caractéristique la plus fréquente des conducteurs responsables d’un accident mortel, alors qu’ils n’ont pas de permis, est le fait d’avoir eu leur permis supprimé pour des conduites sous l’influence de l’alcool. Le comité des experts du CNSR a remis un rapport sur ce sujet en juin dernier. Il propose plusieurs évaluations qui peuvent être réalisées dans des délais courts.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Mettre en œuvre les principales propositions faites dans le rapport du comité des experts du CNSR examiné par ce dernier lors de sa réunion de juillet 2007. Il s’agit notamment d’assurer la qualité du fonctionnement du dispositif législatif et réglementaire très complet qui a été mis en place depuis 1970 (date de la fixation d’un seuil d’alcoolémie légal). Parmi les 10 mesures proposées dans ce rapport certaines concernent l’évaluation statistique de la gestion du risque lié à l’alcoolisation des usagers. Il est indispensable de :

Argumentaire

La gestion du risque routier lié à la consommation d’alcool est un problème reconnu comme difficile dans tous les pays qui ont une forte consommation par habitant de ce produit. Malgré la réduction de la consommation globale au cours des 40 dernières années la France demeure un pays de très forte consommation d’alcool et il n’est pas surprenant que les accidents avec alcoolémie élevée soient encore très fréquents.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Identifier le statut individuel face à l’alcool d’un conducteur qui a été dépisté avec une alcoolémie élevée et suivre l’évolution de ce statut exige une coordination de plusieurs groupes d’acteurs relevant de l’action judiciaire, administrative, médicale et sociale. Elle est difficile et exige du temps et des moyens, ces derniers demeurent très insuffisants. La difficulté initiale est d’obtenir une bonne description de faits statistiques qui caractérisent des pratiques, or il est impossible d’améliorer ces dernières sans indicateurs adaptés et sans une volonté affirmée de les documenter.

 

Conditions pratiques de mise en oeuvre

Il conviendrait de demander aux administrations locales (niveau départemental) de documenter de façon quantifiée les méthodes et les moyens qu’elles mettent en œuvre pour gérer le problème très particulier de la conduite sous l’influence de l’alcool. Outre la production de données statistiques affinées précisées dans cette proposition, il faut que les PDASR décrivent spécifiquement la situation locale. Une donnée aussi simple et importante que la fréquence des récidives pour ce type de délit et le classement de ces récidives en fonction du contexte (était encore dans une période de suppression ou de suspension du permis, avait été autorisé à repasser le permis après annulation) est habituellement inconnue des responsables administratifs qui ne tentent pas de faire produire ces données statistiques.

22/

Améliorer l’évaluation des problèmes posés par la conduite sous l’influence des stupéfiants

Définition du problème

Une évaluation précise du rôle des stupéfiants dans les accidents mortels a été établie pour la période octobre 2001/septembre 2003 par une équipe pluridisciplinaire coordonnée par l’observatoire français des drogues et toxicomanies (étude SAM). Depuis, alors qu’une loi de 2003 a institué la pénalisation de la conduite sous l’influence des stupéfiants, aucun bilan de ce risque n’a été produit, alors que le bulletin d’analyse des accidents corporels (BAAC) doit comporter le résultat de la recherche de produits stupéfiants dans tous les accidents mortels et dans une partie des accidents corporels.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Exploiter les données concernant la présence de stupéfiants en utilisant les bulletins d’analyse des accidents corporels. Deux champs sont prévus dans le BAAC pour documenter le résultat des recherches :

Argumentaire

Le rôle de la consommation de stupéfiants dans la survenue d’accidents de la route est un sujet politiquement sensible. Entre la volonté de majorer ce rôle qui traduit souvent l’intention de minorer relativement celui de l’alcool et le déni du risque lié à l’usage du cannabis ( qui s’est atténué depuis la publication des résultats de l’étude SAM), il faut documenter de façon précise la proportion d’usagers accidentés qui étaient sous l’influence de stupéfiants et utiliser la notion de responsabilité dans l’accident pour avoir une connaissance approchée de la proportion d’accidents attribuables à l’usage de ces produits.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Disposer d’une donnée et ne pas l’exploiter est un comportement qui peut avoir deux origines :

Conditions pratiques de mise en œuvre

Demander à l’ONISR de traiter les données des BAAC concernant la présence de stupéfiants et d’assurer un contrôle de qualité des résultats s’il y a un doute à ce sujet. Ce contrôle pourrait être réalisé à partir des procès verbaux d’accidents sur un échantillon tiré au sort.

23/

Evaluer les variations dans les sanctions prononcées pour des délits routiers de même nature

Définition du problème

Les décisions des juges sanctionnant les délits routiers graves tiennent compte d’un ensemble de facteurs qui justifient les variations des décisions pour des délits identiques. Des exemples particulièrement surprenants sont cependant régulièrement cités, par des associations ou dans des médias, mettant en évidence des discordances majeures entre des décisions de justice concernant des délits ne semblant pas comporter de circonstances associées qui justifient les différences observées.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Evaluer pour les délits routiers les plus fréquents les variations des jugements rendus pour vérifier l’absence de différences significatives entre les juridictions, voire entre les magistrats d’une même juridiction.

Argumentaire

La délinquance routière a des caractéristiques qui concourent à la production de différences entre les sanctions concernant le même délit. Il s’agit d’une délinquance qui concerne des usagers dont le comportement et le statut social peuvent inciter à ne pas les considérer comme des personnes « dangereuses » au sens que l’on peut donner à ce terme en cas de violences volontaires. Les accidents étant produits par des comportements qui n’avaient pas comme intention première de provoquer des dommages, le juge qui est confronté à ces « délits intentionnels pouvant provoquer des délits non intentionnels » hésite parfois à sanctionner sévèrement l’auteur de délits routiers qui n’ont pas « encore » produit de dommages. Il peut également hésiter par un déficit de données statistiques précises disponibles sur les « peines moyennes » prononcées dans un contexte donné.

Si l’on prend l’exemple d’une nouvelle forme de délinquance apparue depuis la fin 2003 qui est la destruction de radars automatiques, nous pouvons constater que des auteurs ont été interpellés et des sanctions prononcées. Aucune statistique détaillée reprenant l’ensemble de ces condamnations et précisant la distribution statistique des sanctions (distribution du montant des amendes, des peines assorties de sursis, des peines de prison ferme, ces différentes sanctions étant quantifiées avec précision pour permettre des analyses fines) n’a été produite.

Des infractions aussi fréquentes que la conduite sous l’influence de l’alcool à un niveau délictuel sont sanctionnées avec une sévérité croissante, mais avec des variations considérables. Une description statistique de ces sanctions, beaucoup plus détaillée que celle qui est disponible, faciliterait le travail des magistrats. Elle permettrait également de remarquer les situations anormales caractérisées par des sanctions significativement différentes de celles observées dans la majorité des juridictions.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Les difficultés ne sont pas techniques mais « relationnelles ». Les activités très spécialisées sont exercées par des professionnels qui ont une connaissance approfondie des contextes et tiennent à conserver leur autonomie de jugement pour adapter leurs décisions à une situation particulière. Cette situation n’est pas propre au juge, le médecin a une activité très différente mais qui relève de la même problématique. Il applique à un cas particulier des choix décisionnels qui doivent demeurer dans des limites qu’il n’a pas définies, mais qui ont une légitimité qui s’impose à lui. Dans le cas du juge cette légitimité est établie par le législateur qui détermine la nature et le niveau des peines qui doivent sanctionner un délit Pour le médecin, elle est le produit des résultats observés en fonction des pratiques mises en œuvre et ces limites sont de plus en plus souvent formalisées dans des guides de bonnes pratiques. L’un et l’autre prennent en compte le contexte et font des choix qui ne sont ni totalement contraints, ni arbitraires. Les premières évaluations de services hospitaliers ont provoqué de vives réactions, d’autant qu’elles n’émanaient pas directement des professionnels des soins, mais leur intérêt était tellement évident qu’elles sont maintenant produites avec régularité et ne suscitent plus les mêmes réactions. Les professionnels y voient même un outil particulièrement utile pour améliorer leur pratique et seuls les médiocres y trouvent à redire.

Conditions pratiques de mise en œuvre

L’acceptabilité de ces pratiques dépend étroitement de l’association des professionnels à la définition des méthodes mises en œuvre. Il faut donc constituer un groupe de travail réunissant des juges ayant une part importante de leur pratique dans le champ de la sécurité routière, des spécialistes de l’évaluation et des administratifs assurant la gestion de données statistiques judiciaires pour mettre au point la documentation de la variabilité des décisions judiciaires dans un nombre limité de délits routiers fréquents. Ce travail pourrait être conduit dans un certain nombre de sites pilotes pour préciser la faisabilité et définir les méthodes les plus simples et les plus opérationnelles pour atteindre les objectifs visés. Les procédures pourraient ensuite être généralisées après les adaptations nécessaires.

 

24/

Evaluer le contenu des procès verbaux établis après un accident corporel de la circulation pour contribuer à améliorer leur qualité.

 

Définition du problème

Les procès verbaux permettent d’établir les responsabilités des usagers dans la survenue d’un accident de la circulation. Il n’y a pas d’étude de leur contenu destinée à identifier leurs qualités et leurs défauts. Cette procédure est cependant indispensable :

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Charger un groupe de travail réunissant des formateurs de la gendarmerie et de la police, des chercheurs en sécurité routière, des magistrats et des responsables associatifs de définir les améliorations à apporter aux documents utilisés pour la formation des personnels rédigeant les procès verbaux. Il est indispensable de ne pas se limiter à l’aspect purement rédactionnel et d’identifier les anomalies les plus fréquentes dans la conduite de la procédure.

Le produit de ce travail serait la mise en œuvre d’un site internet associé à un thésaurus (liste de mots clés couvrant tout le champ concerné) et à une classification permettant d’accéder rapidement aux indications pertinentes par un double processus (indexation et classification).

Argumentaire

Le constat de l’impossibilité de rendre de « bonnes décisions » judiciaires ou financières après un accident de la route est relativement fréquent. L’absence d’un élément indispensable à la procédure est favorisée par le fait que l’accident grave demeurant un événement relativement rare pour une unité non spécialisée de gendarmerie ou de police, il est difficile de disposer au niveau local de toutes les compétences nécessaires pour s’adapter à la diversité des situations rencontrées. D’autre part les documents réglementaires ou législatifs, les instructions sont très nombreux et constituent une masse de texte impossible à exploiter dans l’urgence. La gendarmerie et la police rédigent des documents résumant ces dispositions, mais ils ne sont pas actuellement communs aux unités relevant de ces deux structures. En outre ils ne vont pas assez loin dans l’analyse des difficultés rencontrées et dans la proposition d’actions adaptées à ces difficultés.

Exemple : la recherche de l’imprégnation alcoolique dans les accidents corporels graves ou dans les accidents mortels. Je lis des procédures d’accidents depuis près de quarante ans et la situation dans ce domaine est encore loin d’être satisfaisante malgré son amélioration régulière. Deux anomalies demeurent fréquentes :

La recherche de stupéfiants produit les mêmes difficultés et les mêmes insuffisances dans les procédures.

Dans une proportion importante de cas, c’est la qualité du recours à une expertise complémentaire qui est en cause. Les experts spécialisés dans l’accidentologie sont rares et il ne faut pas confondre l’expertise des véhicules et l’expertise des trajectoires reconstituées à partir des renseignements disponibles (traces de freinage s’il y en a, traces de ripage, déformations des véhicules). Un nombre croissant d’experts utilise des logiciels spécialisés assurant cette fonction, mais il faut être assuré de la qualité de leur formation. Ce problème de l’expertise ne peut trouver sa solution dans l’urgence au niveau d’une brigade ou d’un parquet, il faut parfois savoir chercher l’expert spécialisé au niveau national, donc disposer de renseignements détaillés sur ce qui peut être demandé à des experts inscrits sur les listes établies par les cours d’appel. L’amélioration des données et des conclusions utilisables par les juges et par les compagnies d’assurances conditionne la qualité des décisions finales (sanctions et indemnisations).

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Ce travail sera une entreprise longue et continue, mais une grande partie est déjà faite, les structures de formation des policiers, des gendarmes et des magistrats produisent des documents concernant ces procédures. L’objectif est avant tout d’en faire une synthèse unifiant les positions sur des points difficiles, de compléter les documents sur des points particuliers et de faciliter la mise à disposition d’une information actualisée et de qualité.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Constituer un groupe de travail réunissant les différents acteurs qui concourent à la production des procédures. Un groupe permanent serait plus adapté qu’une commission à la durée de vie limitée car il doit contribuer à améliorer progressivement un processus qui est évolutif, de nouveaux problèmes apparaissant année après année. Le travail initial consistera à identifier tous les facteurs de qualité et de non qualité d’une procédure et à produire une classification et un thésaurus adaptés au problème. Ils permettront de structurer le site internet dédié (classification) et de faciliter les recherches par des mots clés (thésaurus spécifique facilitant les recherches multicritères).

 

25/

Evaluer la qualité du contenu des bulletins d’analyse des accidents corporels

Définition du problème

La source de la plus grande partie des statistiques descriptives traitant des accidents de la route est le bulletin d’analyse des accidents corporels (BAAC) renseigné par les policiers et les gendarmes qui ont eu en charge de faire les constats sur les lieux de l’accident et de rédiger le procès verbal. Le BAAC a été l’objet d’améliorations successives et les utilisateurs de ce document connaissent dans l’ensemble ses qualités et ses insuffisances. Le contrôle de qualité n’est cependant pas assuré avec des méthodes adaptées à chaque type de renseignement et ne permet pas d’initier les correctifs assurant leur valeur.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Instaurer une évaluation continue des différentes données contenues dans les BAAC produisant des résultats quantifiés.

Argumentaire

Notre société et ses médias ont une appétence pour les chiffres qui n’est pas proportionnelle au niveau de confiance que l’on peut leur accorder. Les progrès dans l’usage des données accidentologiques ont été considérables au cours des dernières décennies et les documents produits par l’ONISR ont peu d’équivalents dans les pays de l’Union, notamment le document de synthèse annuel. Malgré ces qualités, des déficiences persistent. Il convient de les réduire par une évaluation continue permettant de proposer les modifications procédurales capables de leur donner une crédibilité optimale. Des exemples permettent de comprendre la diversité des situations observées.

Un problème aussi important que la localisation exacte du lieu d’un accident a trouvé sa solution dans le positionnement par GPS. Il faut donc non seulement préciser son usage dans le BAAC mais également vérifier la qualité du renseignement sur une série de BAAC, car ce n’est pas parce qu’une méthode est précise que l’obtention du résultat et sa retranscription correcte sont exactes.

Nous avons des données de mortalité à 30 jours à l’unité près, mais personne ne peut dire quelle est l’erreur sur le nombre publié. La gestion des suicides et des décès d’origine médicale n’est pas uniforme, je connais de nombreux cas de suicides qui ont été finalement bien identifiés dans la procédure et qui sont cependant dans la statistique des accidents mortels. A l’opposé des morts sont dites médicales sans preuves suffisantes et des accidents ayant provoqué des morts différées ne paraissant pas imputables au seul traumatisme sont parfois exclues abusivement des morts accidentelles. Quand un agriculteur diabétique fait des comas hypoglycémiques et que son tracteur se retourne sur lui et l’écrase, il s’agit d’une mort par un accident de la route et il est abusif de l’exclure de la statistique de mortalité routière. Il convient à mes yeux de coder tous les accidents survenant sur la chaussée et de prévoir des codes spécifiques pour les suicides (connus avec certitude, probables) et les décès d’origine médicale (connus avec certitude, probables).

Je cite par ailleurs l’impossibilité actuelle de disposer de statistiques de qualité sur les risques liés aux caractéristiques des véhicules. Il s’agit d’un problème caractérisant parfaitement l’absence de contrôles de qualité des BAAC dans le renseignement du champ identifiant avec précision le véhicule (CNIT). Certains de ces contrôles peuvent être incorporés aux logiciels car actuellement des incompatibilités de codages évidentes ne provoquent pas de blocage de la saisie informatisée.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il n’y a que des avantages à disposer de données statistiques validées. Les difficultés sont liées à la longueur des procédures mises en œuvre pour obtenir des modifications adaptées. L’exemple des erreurs dans la saisie des codes caractérisant les véhicules légers est caricatural. Le « type mines » de l’ancienne nomenclature est devenu un CNIT et il est composé d’une chaîne de 12 caractères depuis 1996. Dans un premier temps l’espace dédié à sa saisie dans les BAAC ne comportait que 8 espaces et cette anomalie n’a pas été corrigée avant 2002 ! Par la suite l’habitude ayant été prise de ne pas renseigner ce champ, nous avons continué à observer une proportion très importante de renseignements inadaptés (VP pour voiture particulière ou le nom du modèle commercialisé par exemple Clio ou 307) et inutilisables. Ces lenteurs témoignent de  défauts de commandement et d’organisation majeurs. Ce n’est pas parce qu’une anomalie est constatée que la décision de la corriger devient effective dans des délais raisonnables et que la qualité de la correction est vérifiée.

Il y a plus de trente ans, quand le groupe de recherche dans lequel je travaillais a eu accès aux BAAC, je suis allé au fort de Rosny visiter le centre de saisie des formulaires qui étaient remplis par les gendarmes. Une double saisie était réalisée avec une comparaison des résultats et un retour au document initial en cas de litige. Nous pouvions alors utiliser des codes véhicules corrects dans la quasi-totalité des accidents. Ce n’est plus le cas actuellement alors que le nombre d’accidents corporels, donc le nombre de BAAC à saisir a été divisé par trois. Nous sommes confrontés à une dégradation de qualité et il convient de la réduire.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Avoir au niveau de l’ONISR un responsable du contrôle de qualité des BAAC capables de négocier avec d’autres organismes (SETRA, CETE, INRETS, autres centres de recherche) la mise en œuvre de procédures permettant de préciser l’intervalle de confiance des données contenues dans les BAAC et de faire des propositions pour les améliorer.

26/

Compléter les statistiques juridiques concernant la sécurité routière produites au niveau national par des statistiques départementales

Définition du problème

Les données publiées par les différentes administrations doivent être comparées entre elles. Ces comparaisons permettent de s’assurer que l’on parle de la même chose et de comprendre les raisons des éventuelles divergences. Ce croisement des sources doit se faire à un niveau adapté. Il doit concerner suffisamment de cas pour permettre des comparaisons statistiquement significatives et éviter de se limiter au seul niveau national qui est trop global pour faciliter la compréhension des problèmes.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Définir avec le ministère de la justice les statistiques judiciaires qui pourraient être produites au niveau départemental.

Argumentaire

Il faut utiliser des exemples pour comprendre cette nécessité. La conduite sous l’influence de l’alcool est un des problèmes majeurs de la sécurité routière. Il peut être abordé par des statistiques provenant des BAAC ou par les données provenant des contrôles aléatoires hors accident. Il est également possible de traiter les données judiciaires concernant la conduite sous l’influence de l’alcool, en cas d’accident ou hors accident. Il est également utile de traiter les données provenant du système sanitaire et portant sur les décès provoqués par des pathologies liées à l’alcool ou sur les dénombrements de consultations de centres spécialisés en alcoologie. En analysant les relations entre ces différentes valeurs au niveau d’un département nous pouvons identifier les qualités et les défauts de gestion du problème posé par l’alcoolisation excessive, et notamment celle des usagers de la route. Un département qui a un taux de décès élevé dû à des pathologies alcooliques, de nombreux accidents liés à l’alcool, une proportion de dépistages préventifs positifs faibles et un niveau de sanctions judiciaires liées à l’alcool au volant également faible ne gère pas avec des méthodes appropriées l’alcoolisation des usagers de la route.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Les difficultés sont réelles, il faut définir de nouveaux traitements de données et adapter leur collecte aux besoins. Ces contraintes sont celles de toute évaluation et il faut savoir investir dans les connaissances qui permettent d’améliorer la qualité de la gestion d’un problème.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Recherche d’un accord technique entre l’ONISR et les services du ministère de la justice assurant la gestion des données statistiques suivi d’une décision au niveau des directions concernées pour le mettre en œuvre.

27/

Evaluer l’effectivité de l’exécution des sanctions dans le cadre des délits routiers.

Définition du problème

Ce problème a deux composantes :

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Procéder à l’évaluation de ces deux aspects de la dissuasion des délits routiers par l’application effective des sanctions prévues par le code de la route.

Argumentaire

Les travaux de chercheurs, puis la commission d’évaluation du système de contrôle et de sanctions présidée par Michel Ternier, avaient mis en évidence l’importance du développement du trafic d’influence dans la gestion des délits routiers. Le terme « d’indulgence » couvrait d’une expression bienveillante des pratiques profondément anormales qui dévalorisaient l’application de la loi et supprimaient la notion de justice. Rappelons que moins de la moitié des infractions constatées se terminaient par le paiement d’une amende. La circulaire du ministre de l’Intérieur du 18 décembre 2002 était précise, elle indiquait que :

« L'importance de l'écart constaté entre le nombre d'infractions constatées et le nombre de sanctions infligées suscite des doutes légitimes sur l'égalité devant la loi et la crédibilité de l'action publique.

Aussi, je vous demande de faire preuve de la plus grande rigueur et de veiller, avec les Directeurs Départementaux de la Sécurité Publique et les Commandants de Groupement de la Gendarmerie Nationale, à ce que toutes les infractions relevées fassent l'objet de procédures et parviennent aux officiers du ministère public ou aux procureurs de la Républiques compétent qui apprécieront la suite à leur donner.

Je vous rappelle à ce propos que le pouvoir de classer "sans suite" une procédure n'appartient qu'au ministère public et ce pour des cas limités et justifiés par des circonstances propres aux faits constatés.

Je vous demande, en conséquence, de rappeler aux personnels placés sous votre autorité que ces instructions, s'appliquent à tous, quel que soit le niveau hiérarchique ou de responsabilité. Et que tout manquement sera susceptible de constituer une faute disciplinaire voire une infraction pénale. »

L’application de ce texte a été un des éléments importants du changement de comportement des usagers, mais également des responsables de l’application sur le terrain des dispositions du code de la route. Les actions de sécurité routière ont acquis alors une place différente dans la hiérarchie des priorités de la sécurité publique. Si les pratiques massives de « l’intervention abusive » ont cessé, des tentatives réapparaissent et sont signalées par plusieurs acteurs du dispositif, à des niveaux hiérarchiques très différents. Il faut bloquer ce risque de retour en arrière par une évaluation adaptée créant une crainte de voir appliquer les sanctions indiquées dans la circulaire de 2002.

L’évaluation de l’effectivité des sanctions prises, notamment des sanctions pénales les plus sévères, est le second moyen de vérification du bon fonctionnement du dispositif de contrôle et de sanctions. Les spécialistes du droit pénal nous indiquent que la dissuasion par la sanction est d’autant plus efficace qu’elle concerne des personnes dans l’ensemble bien intégrées socialement et dépourvues de troubles graves du jugement et du comportement. La perspective de la prison ne dissuade pas les auteurs de crimes sexuels et de crimes passionnels, elle dissuade peu les actions contre les biens, mais elle est efficace pour les délits financiers ou les délits routiers. Pour que cette efficacité existe il faut que la peine soit exécutée et il est indispensable de documenter cette effectivité de la sanction.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Comme toute évaluation ces actions doivent utiliser une méthode adaptée et être mises en œuvre avec rigueur. Elles ont donc un coût lié au temps de travail nécessaire à leur production. L’obstacle principal n’est pas à ce niveau car ce temps demeure minime par rapport aux enjeux, il se situe habituellement dans le domaine du refus de la mise en cause de la qualité du travail effectué. Il faut rappeler que tous les milieux observent des variations dans le niveau de conscience professionnelle ou d’aptitude à suivre une procédure. Les procédures de contrôle de qualité se développent pour limiter les dérives qui sont aussi bien institutionnelles que personnelles. Quand un système pénitentiaire n’a pas les moyens de ses missions, l’évaluation contribue à préciser cette anomalie et permet de planifier sa correction si la volonté politique existe. Ces constats évidents sont d’une grande banalité mais il convient de les rappeler, l’évaluation est l’outil qui permet l’évolution, car elle rend visible ce qui est anormal au point de le rendre insupportable. Il est évidemment plus facile de fermer les yeux et de ne pas savoir.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Pour l’évaluation de la circulaire du 18 décembre 2002 interdisant le trafic d’influence rebaptisé indulgence, la meilleure solution serait de constituer au niveau départemental un groupe de travail permanent aux effectifs très réduits (un représentant du préfet, un représentant du parquet, un gendarme et un policier). Une journée du trimestre précédent et le code d’unités de police et de gendarmerie du département seraient tirés au sort et une vérification à la source des constats d’infractions effectués ce jour là serait réalisée. A partir de cette liste, un suivi de la procédure permettrait de vérifier que la procédure a suivi son cours normal et n’a pas été interrompue pour des raisons injustifiées. En cas de manquement, des sanctions seraient prises et signalées dans les bulletins d’information des organismes concernés.

Pour l’évaluation de l’effectivité de l’exécution des peines il sera nécessaire d’entreprendre une concertation entre les services de la délégation interministérielle et la chancellerie pour déterminer la procédure à suivre en fonction des objectifs retenus et des données disponibles dans les services gérant notamment l’exécution des peines de prison.

 

28/

Evaluer les plans départementaux de sécurité routière et les plans organisant au niveau local le dispositif de contrôle et de sanctions

Définition du problème

Les plans départementaux d’actions de sécurité routière (PDASR) ont pour but de décrire comment une administration locale décline les différents aspects de la sécurité routière à son niveau, précise les risques particuliers observés et les mesures prises ou planifiées pour les réduire. Une évaluation précise du contenu de ces plans, de leur pertinence et de leur qualité semble tellement indispensable au niveau de gestion central que l’on se demande pourquoi aucune évaluation de ce type n’existe. C’est en faisant de tels constats que l’on réalise les insuffisances d’un mode de gestion « pyramidal » des processus décisionnels. Des directives sont données du haut de la hiérarchie vers la base sans que le dispositif de rétroaction soit mis en place. L’importance du retour permanent d’informations permettant l’évaluation des composantes qui déterminent la qualité d’un processus est dans un état de sous développement affligeant, faute de moyens et donc de volonté politique d’avoir une connaissance détaillée des actions de terrain.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Organiser au niveau de l’ONISR la collecte et l’évaluation des plans départementaux d’actions de sécurité routière.

Argumentaire

Les départements français sont des bons niveaux géographiques pour évaluer l’importance des variations locales de l’insécurité routière. L’ONISR a fait de gros progrès dans la quantification des causes des différences observées (part de la circulation sur les différents réseaux notamment), mais il ne suffit pas de faire le bilan des résultats, il faut disposer de documents consacrés au passage de la reconnaissance de spécificités locales vers la mise en œuvre de décisions destinées à les traiter.

La lecture de PDASR est édifiante. Si certains d’entre eux témoignent d’une véritable aptitude à identifier les problèmes et à mettre en œuvre des solutions, d’autres ne sont que des descriptions sans projets opérationnels, se contentant de décliner au niveau local les faits collectés dans les bulletins d’analyse des accidents corporels et de paraphraser les constatations faites au niveau national par l’ONISR.

 

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Le seul inconvénient est inhérent à toute pratique d’évaluation, elle met en évidence les dysfonctionnements, les insuffisances, les faux-semblants.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Réunir au centre de documentation de la DSCR la totalité des PDASR et des plans des dispositifs départementaux de contrôle et de sanctions. Former un responsable de l’évaluation de ces plans avec le concours de chercheurs de l’INRETS. Publier annuellement les commentaires que l’on peut faire sur chaque PDASR, avec un indice de qualité et les éventuelles remarques des rédacteurs locaux de ces plans aux résultats de cette évaluation.

29/

Assurer la connaissance des niveaux de risque d’accidents et de dommages produits par les différentes catégories de véhicules légers et de motocycles.

Définition du problème

L’accident de la route est produit par le dysfonctionnement d’un système associant des usagers, des véhicules et des infrastructures dans un environnement réglementaire dont le respect est assuré par un dispositif de contrôle et de sanctions. Les statistiques de l’ONISR distinguent les grandes catégories de véhicules mais ne détaillent pas la variation des risques à l’intérieur des groupes où elles sont les plus importantes. Il est impossible de communiquer et de faire évoluer l’opinion publique sur le risque des véhicules inutilement rapides, lourds et puissants si l’on ne documente pas ces différences. Chaque usager doit savoir qu’il est absurde et inacceptable d’être exposé à une multiplication du risque d’être tué par un facteur 10 du seul fait de la mise en circulation de véhicules conçus pour ne pas respecter les limitations de vitesse, gaspiller l’énergie, aggraver l’effet de serre et détruire les usagers de véhicules raisonnables du fait de leur masse dangereuse pour les autres.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Obtenir que l’on puisse documenter année après année le risque lié aux principales caractéristiques des voitures individuelles et des motocycles (vitesse maximale, poids, puissance). Les analyses statistiques doivent notamment documenter le risque relatif suivant que l’on est dans un véhicule léger ou dans un véhicule lourd, ainsi que l’accroissement du risque d’accident en fonction de la vitesse maximale pouvant être atteinte par un véhicule (les véhicules inutilement rapides ont un risque accru de provoquer des accidents sur toutes les formes d’infrastructure et d’environnement, notamment sur le réseau limité à 90 km/h).

Argumentaire

La documentation des CNIT (code national d’identification du type) dans les bulletins d’analyse des accidents corporels demeure mauvaise malgré les progrès réalisés ces dernières années. Il convient d’éviter la saisie en ligne du CNIT dans les BAAC car les erreurs sont trop fréquentes du fait de la longueur de la chaîne de caractères (12 lettres et chiffres) et de son absence de structuration facilitant la lecture et la retranscription. L’immatriculation est beaucoup plus facile à lire et à retranscrire sans erreur du fait de sa limitation à 8 caractères et à sa structuration en trois groupes dont deux numériques et un alphabétique. Il convient donc de documenter l’immatriculation sur les BAAC et d’accéder au CNIT et au numéro d’identification du type (VIN) par un lien avec la base d’immatriculation des véhicules qui contient ces données.

 

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il n’y a que des avantages pour la sécurité routière à établir et à diffuser de telles connaissances. Les inconvénients concernent les producteurs de véhicules inadaptés aux objectifs de sécurité routière. L’immatriculation d’un véhicule étant une donnée indirectement nominative au regard des règles sur les données informatisées, il conviendra de déclarer à la CNIL cet usage de l’immatriculation dans les BAAC. Ce choix aura également l’avantage de réduire le travail des policiers et des gendarmes, la saisie d’une immatriculation étant beaucoup plus facile que celle d’un CNIT.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Quand les BAAC sont transmis aux services du ministère de l’Intérieur le gestionnaire du fichier des immatriculations peut utiliser un programme établissant le lien entre l’immatriculation et son fichier pour compléter le BAAC par le CNIT et le VIN de chaque véhicule accidenté. L’ONISR et les organismes de recherche pourront alors produire des études fiables liant les caractéristiques des véhicules accidentés aux risques.

30/

Mettre à la disposition des chercheurs les données de vente des véhicules légers en France pour faciliter les recherches sur les risques relatifs d’accident et de dommages aux tiers en fonction des caractéristiques des véhicules

Définition du problème

Les immatriculations des véhicules et la délivrance des cartes grises se font à partir de documents émanant des constructeurs et indiquant notamment le CNIT et le numéro dans la série du type. Ces données ne sont pas mises à la disposition des chercheurs alors qu’il s’agit de données non nominatives et qu’il n’y a aucun obstacle à leur diffusion. Elles sont indispensables pour procéder à des évaluations des risques liés aux véhicules (l’accidentalité doit être interprétée en fonction du parc existant).

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Rendre accessibles aux chercheurs des extraits périodiques des ventes de véhicules neufs en France sous la forme d’une liste de CNIT et de numéros dans la série du type avec les effectifs commercialisés pour chaque CNIT.

Argumentaire

Depuis de nombreuses années, une structure associative développée par les constructeurs automobiles, l’association auxiliaire de l’automobile (AAA) obtient des gestionnaires administratifs du fichier des cartes grises une liste de données concernant les véhicules neufs vendus en France. Ces données sont exploitées dans un but commercial pour surveiller l’évolution du marché de façon fine, en distinguant non seulement les marques et les modèles mais également les différentes versions de ces modèles.

Il est anormal que ces données ne soient pas accessibles aux chercheurs qui travaillent sur les risques liés aux caractéristiques des différents types de véhicules et notamment à leur poids, leur puissance et leur vitesse maximale.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Il n’y a pas d’inconvénient à mettre ces données non nominatives à la disposition des chercheurs. Le fichier informatisé existe et sa communication peut se faire pour un coût pratiquement nul.

Conditions pratiques de mise en œuvre

L’ONISR pourrait être le destinataire de la mise à jour avec une périodicité à déterminer et les chercheurs désirant utiliser le fichier en obtiendraient une copie.

 

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Développer les connaissances sur l’efficacité des formations à la conduite

Définition du problème

Les conditions d’accès à la conduite varient d’un pays à l’autre. Ces variations produisent des différences importantes dans le coût de la formation sans que l’on puisse affirmer que ce sont les formations les plus coûteuses qui ont la plus grande efficacité pour réduire la forte accidentalité des premières années de conduite.

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Pour améliorer l’efficacité de la formation il convient de réunir des données comparables obtenues dans différents pays industrialisés et notamment chez ceux qui observent les plus faibles excédents d’accidentalité dans les cinq ans qui suivent l’obtention du permis de conduire. Cette démarche de recherche pourrait être l’objet d’un contrat entre l’INRETS et la DSCR.

Argumentaire

Dans le débat public sur la sécurité routière le retour récurrent d’une opposition entre les techniques d’information et d’éducation et celles fondées sur le dispositif de contrôle et de sanctions témoigne d’un faible niveau de réflexion ou d’intentions malfaisantes visant à rendre inefficace le dispositif de contrôle. Il est évidemment plus valorisant, mais aussi plus démagogique de mettre l’accent sur l’importance de la prévention par des usagers bien formés et informés que sur la dissuasion de mauvais élèves par la seule crainte de la punition.

Il faut sortir de cette opposition puérile et avoir à l’esprit que la prévention par la crainte de la dissuasion demeure une des formes de la prévention et que c’est elle qui a fait la preuve de son efficacité en décembre 2002 (il faut répéter sans se lasser que les progrès de la fin 2002 ont été obtenus d’un mois sur l’autre, témoignant d’un retour brutal à la crédibilité du dispositif de contrôle, notamment à la suite de la circulaire interdisant toutes les pratiques d’indulgence injustifiée qui supprimait son efficacité et son équité). Pour autant il ne faut pas sous estimer l’importance de la qualité de la formation. Nous devons améliorer notre connaissance de l’existant dans les différents pays de l’Union Européenne si nous souhaitons rendre plus efficace notre dispositif de formation et supprimer ses éventuels excès dépourvus d’intérêt évaluable. Le lien statistique entre la difficulté d’obtention du permis et son coût au sein de l’Union n’est pas évident et il faut approfondir nos connaissances dans ce domaine.

Nous sommes par ailleurs ignorants des résultats propres aux auto-écoles qui assurent la préparation au permis de conduire, comme des liens entre les variations interdépartementales des résultats à l’examen (nombre de permis obtenus lors du premier passage notamment) et l’accidentalité des jeunes conducteurs au niveau départemental. Il convient d’évaluer les auto-écoles par lesquelles ils ont été formés et de tenir compte de la difficulté de l’examen dans cette évaluation.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

Le dispositif conduisant à l’obtention du permis de conduire a été mis en place progressivement depuis le « certificat de capacité » défini dans le cadre du décret du 10 mars 1899 jusqu’à la réglementation actuelle. Le nombre de modifications intervenues met en évidence à la fois le souci de perfectionner le dispositif par l’ajout de mesures nouvelles à la suite des travaux de multiples commissions (la dernière fut présidée par Jean Verré en 1996/1997) et la pauvreté des évaluations disponibles. La difficulté de l’évaluation est évidente car la diminution régulière de l’accidentalité et de la mortalité depuis 1973 impose l’usage de méthodes très élaborées pour distinguer les effets des très nombreuses mesures prises en faveur de la sécurité routière. Des études ont été produites sur l’efficacité de l’apprentissage anticipé de la conduite et elles prouvent la faisabilité de telles évaluations. Il faut à la fois définir les procédures d’évaluation du permis de conduire actuel par rapport à ses équivalents au sein de l’Union, définir ce que pourrait être une évaluation des différentes modalités locales de l’apprentissage en France et de leurs résultats (sur le mode de l’évaluation de l’AAC), puis mettre en œuvre ces procédures.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Proposer à l’INRETS de définir les méthodes d’évaluation à mettre en œuvre et d’entreprendre l’évaluation comparative des résultats au sein de l’UE par un groupe de ses chercheurs, avec un cahier des charges et un financement (notamment pour rencontrer les acteurs des différents pays ayant obtenu le plus faible taux d’accidentalité chez les jeunes conducteurs).

 

32/

Utiliser les ressources financières produites par l’usage des radars automatiques pour des actions exclusivement destinées à améliorer la sécurité routière et non à l’alimentation des dépenses infinies des travaux routiers, en utilisant le prétexte fallacieux de la sécurité routière.

Définition du problème

Les travaux effectués sur les routes mobilisent des masses financières considérables dont la part prise en charge au niveau local (régions, départements, communes) est croissante. Il est tentant de vouloir affecter les ressources financières provenant du CSA à ces travaux en utilisant la justification « sécurité routière ». Dans ce domaine il est très difficile de séparer clairement ce qui est purement « sécurité routière » du domaine de l’amélioration des revêtements, de réalisation de déviations qui peuvent être plus dangereuses que le tracé initial, ou de corrections de tracés dont l’intérêt est encore plus discutable en termes de vies humaines épargnées.

Si l’on veut maintenir l’esprit des intentions de 2002,  un projet innovant comme le CSA doit financer de nouveaux projets innovants destinés exclusivement à accroître la sécurité routière » et des mesures améliorant la qualit�� du CSA, notamment en réduisant les possibilités de fraude (usurpation d’immatriculations, fausses adresses sur le fichier des cartes grises, plaques illisibles, sanction effective des usagers avec une immatriculation d’un autre pays de l’Union). Créer une Agence de la sécurité routière, sur le modèle de l’AFSSAPS et de l’AFSSA, avec des moyens d’observation que n’a pas actuellement l’Observatoire national interministériel de sécurité routière est un objectif prioritaire qui doit passer avant tout autre usage des moyens financiers de l’Etat.

Nous savons bien que toute « affectation spécifique » des moyens de l’Etat est avant tout un geste de communication. Nous sommes dans un système de vases communicants et ce qui est donné d’un côté peut être repris de l’autre. La seule situation où l’affectation a un sens concerne les projets totalement isolés des autres. Le CSA en est un exemple, il produit des ressources évaluables et son budget est isolable. Financer une mesure qui améliore son fonctionnement peut être individualisé et c’est cela qui permet de l’utiliser dans un effet de communication : «  Le Gouvernement renforce la sécurité routière en affectant prioritairement à l’ amélioration du CSA le produit des amendes ».

Enoncé de la proposition et de ses objectifs

Maintenir l’intention initiale, largement commentée au moment de la création du CSA, d’utiliser les fonds obtenus pour des actions de sécurité routière en limitant l’usage local d’une partie de ces fonds à des actions relevant exclusivement de la sécurité routière. La méthode consistera à hiérarchiser les fonctions qu’il faut assurer au niveau local et à lier l’affectation de ces fonds au respect de cette règle. Autrement dit vouloir dépenser sur les routes avec des objectifs de sécurité routière discutables, quand une commission médicale de gestion des retraits de permis de conduire n’a pas de photocopieuse, ou d’archives informatisées permettant de savoir qu’un usager a déjà été sanctionné pour une conduite sous l’influence de l’alcool, ou quand le département n’a aucun projet pour mettre en place les éthylotests antidémarrage, fait partie de ces inversions de priorité.

L’argent du CSA doit aller prioritairement à l’évaluation des pratiques locales de gestion de l’insécurité routière, au développement de nouvelles méthodes demandant des moyens (éthylotests antidémarrage, gestion des sanctions telles que l’équipement de véhicules avec des limiteurs et des enregistreurs de vitesse en cas d’infractions répétées aux limitations de vitesse, etc. ). Leur liste et longue, la majorité d’entre elles sont proposées dans les fiches concernant l’évaluation et dans l’annexe 1 de ce plan.

Il y a des actions sur le réseau routier qui sont purement sécuritaires, par exemple un plan départemental de réduction du risque provoqué par les obstacles verticaux. Le critère utilisé doit être : l’action est purement sécuritaire, ce n’est pas un habillage artificiel avec une part hypothétique relevant de cet objectif.

Argumentaire

Quand le CSA a été créé, personne n’imaginait un tel succès dans la qualité technique du fonctionnement du dispositif et dans la puissance de la dissuasion des excès de vitesse produite. Ce résultat a deux conséquences importantes auxquelles il faut être attentif si l’on veut éviter les dérives qui mettraient en péril la poursuite des gains en sécurité observés.

La première de ces dérives est la sous utilisation du dispositif. Elle apparaît clairement avec la signalisation des voies surveillées par des radars fixes déplaçables et les hésitations des pouvoirs publics à développer la génération de radars mobiles placés dans des véhicules en mouvement, recommandés dans le rapport d’évaluation du CSA de mars 2006 et toujours indisponibles (alors qu’il a fallu 6 mois pour définir, homologuer et mettre en place la première génération de radars).

La seconde dérive consisterait à ne pas tenir les engagements initiaux et à renoncer à accentuer le succès lié à la qualité croissante de la dissuasion des infractions par des dispositifs efficaces. La façon la plus simple et la plus hypocrite pour exprimer ce renoncement dans les faits, tout en évitant de le rendre apparent, consisterait en l’affectation d’une part importante des fonds obtenus par les amendes du CSA à des dépenses « d’amélioration du réseau routier ». Ces dépenses ont la capacité d’absorber des sommes très importantes sans la moindre preuve de leur utilité ou avec une utilité réduite pour des dépenses élevées. Si l’on souhaite maintenir l’acceptation sociale du CSA, sa qualité doit être irréprochable, il faut donc être capable de bloquer le développement de la fraude organisée et affecter prioritairement des moyens à cet objectif.

Toutes les interprétations des succès de la période décembre 2002/2007 se résument à une conclusion, le gouvernement a obtenu une réduction des vitesses moyennes très importante, qui explique plus des ¾ de la réduction de la mortalité sur les routes. Il faut utiliser les moyens financiers provenant des contrôles automatisés de la vitesse dans des améliorations du dispositif le rendant encore plus équitable et efficace.

Inconvénients et difficultés envisageables pour sa mise en œuvre

L’obstacle sera la volonté locale d’utiliser ces moyens « librement », c'est-à-dire pour boucher les trous au sens propre comme au sens figuré, du réseau routier et des budgets locaux. Demander une justification de l’usage « sécurité routière » aboutira à une prolifération d’affirmations sans preuves et d’évaluations fantaisistes dont les exemples se sont multipliés lors de l’application de la LOLF.

Conditions pratiques de mise en œuvre

Si le Gouvernement fait ce choix d’attribuer aux décideurs locaux une partie du produit des amendes provenant du CSA, il doit définir un cahier des charges pour l’utilisation locale de ces fonds. Il devrait comporter une liste de priorités qui doivent obligatoirement être financées et une véritable procédure d’évaluation de leur bon usage. Ce transfert de moyens donnerait l’opportunité de mettre en œuvre de bonnes pratiques associant des objectifs précis et prioritaires, un mode de financement et une évaluation. Cette exigence rejoint la proposition d’évaluation des plans locaux de sécurité routière. Actuellement l’ONISR n’a aucun moyen pour évaluer ces plans. Si ce cahier des charges n’était pas respecté, la part attribué à chaque département devrait être réduite l’année suivante.