L'INFORMATION ET LA DESINFORMATION PAR LA PUBLICITE
Le droit d'analyser et de critiquer fait partie non seulement des droits fondamentaux du citoyen d'une collectivité, mais également des mécanismes indispensables au maintien de l'équilibre instable qui caractérise une vie sociale. C'est son instabilité qui prouve que notre société est vivante, qu'elle bouge encore, et c'est la conservation d'un équilibre qui lui permet d'exister, sinon elle tomberait. Analyser des images publicitaires implique de les reproduire, comme on reproduit une partie d'un texte que l'on désire commenter, je reproduirai donc les images de publicités pour des véhicules pour permettre au lecteur de comprendre mon analyse. J'espère que les publicitaires qui conçoivent, et les marques de véhicules qui paient ces publicités accepteront cette nécessité. Ils pourraient même s'en réjouir puisque ces images sont destinées à être vues et que des supports sont payés pour les montrer à leurs lecteurs.La publicité a pris une place importante dans la promotion de produits, d'idées, voire de personnes physiques ou morales. L'argent des annonceurs permet d'acheter l'intelligence et le savoir faire des publicitaires qui sont au niveau de ces investissements financiers. Si la seule limite à la publicité était la législation sanctionnant la calomnie ou l'affirmation mensongère, le champ ouvert à l'imagination des publicitaires demeurerait dangereusement étendu et l'on comprend que les décideurs politiques aient institué une réglementation allant de l'interdit à l'encadrement strict de certaines publicités. Ces interdits ou limitations concernent par exemple la publicité pour des partis politiques ou des candidats à des élections, la promotion du tabac ou des boissons alcooliques. Dans certains cas le choix a été fait de ne pas légiférer mais de négocier avec les professionnels des "code de bonne conduite", par exemple l'abandon des publicités utilisant l'argument de la vitesse maximale pour les véhicules automobiles. Il est très difficile de faire respecter de tels codes si les protagonistes n'ont pas la volonté d'en respecter l'esprit. Il est toujours facile de prétendre en respecter la lettre alors que le message passé peut être aussi nocif que l'argument auquel on renonce.
La promotion de la vitesse sur les routes, ou tout au moins des possibilités de vitesse des véhicules, est apparue depuis de nombreuses années comme contradictoire avec l'amélioration de la sécurité routière dans un pays qui a institué des limitations de vitesse sur ses routes. Le choix entre une législation interdisant toute promotion de la vitesse directement ou indirectement et un engagement des professionnels à respecter certaines limites a été constamment arbitré dans un sens favorable à cette dernière option. La profession étant incapable de faire respecter l'esprit de ses engagements, nous voyons apparaître régulièrement des publicités qui sont des promotions permanentes de la puissance et de l'agressivité des véhicules avec toutes les ficelles des publicitaires pour mélanger les genres et associer les caractéristiques des produits à celles d'autres objets ou à des êtres vivants capables de les valoriser par ce processus d'identification et de transfert.
L'éloge de la vitesse, directe ou indirecte, n'est pas ma seule source d'intérêt, toutes les publicités qui tentent de faire évoluer la notion de représentation du risque routier et des capacités des véhicules à minimiser ce risque, font également partie du champ de cette analyse. C'est le cas pour deux des publicités envisagées ci-dessous, celle pour la Renault Laguna et celle pour la BMW X5.
Les trois publicités commentées ci-dessous ont été publiées fin 2003 dans plusieurs magazines :
- publicité pour la 607 Peugeot : la voiture,
de couleur foncée, en gros plan, vue de trois-quarts arrière, est
représentée dans un paysage champêtre, en bordure d'une prairie vallonnée au
fond de laquelle plusieurs petites voitures blanches pour la plupart serrées
les unes contre les autres constituent le troupeau de moutons blancs
regardés par le loup noir dont on imagine facilement qu'il va n'en faire
qu'une bouchée. Un seul mot sous la désignation du modèle et le sigle de
Peugeot : "féline".
- publicité pour la
Renault LAGUNA légendée :"le sentiment de sécurité enfin pris en
photo". La photo très sombre représente un paysage de gorge montagnarde
parcouru par une petite route sinueuse bordée de pneumatiques, comme on en
place sur un circuit automobile pour assurer la sécurité en cas de perte de
contrôle. Une Laguna emprunte cette route. Une telle publicité n'est en rien
une promotion directe ou indirecte de la vitesse, elle m'a intéressé pour
commenter les notions de risque perçu (ou risque ressenti, ou risque
subjectif) et de risque réel (ou risque objectif). Les routes de montagne
sont objectivement moins dangereuses que les routes de plaine.
- publicité pour la
BMW X5 avec technologie X drive. Cette campagne publicitaire déclinée
sous des formes différentes représente sur une page une situation en
contradiction avec les lois de la physique, par exemple un verre de lait
placé horizontalement sur une table sans que le lait s'écoule, accompagnée
de la légende "les lois de la physique auraient-elles changées ?" .
La double page suivante représente une BMW X5 dans un paysage de brume très
indistinct avec une courbe très stylisée, le sol étant remplacé par de
multiples lignes courbes indiquant la trajectoire parfaite que va suivre le
véhicule. La légende est alors "Non les lois de la physique n'ont pas
changé ...le x drive détecte les pertes de motricité ...". Là encore pas
de promotion de la vitesse, ni même d'affirmation d'une sécurité accrue, le
message passe entièrement par l'image du défi aux lois de la physique qui
est ensuite abandonné pour faire place à une description technique
irréprochable.
- publicité de 2010 pour la Volkswagen Scirocco "Le missile sol-r" de 265 chevaux.