introduction

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Note d’introduction à l'ensemble de documents produits par Claude GOT devant la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris.

Fin 2008, Airy Routier a estimé que mes propos le concernant dans un chapitre du livre "La violence routière – des mensonges qui tuent" portaient atteinte à son honneur et à sa considération et justifiaient une plainte pour diffamation. La citation n’a pas produit d’analyse précise et argumentée contredisant mes propos. Il est évident que ces derniers auraient été diffamatoires si la preuve avait été apportée qu’ils étaient inexacts. En l’absence d’une telle démarche, trois questions pouvaient être posées :

L’analyse des risques doit être multifactorielle et exhaustive

L’analyse des risques et leur prévention reposent sur la compréhension de l’ensemble des mécanismes qui les produisent ou s’opposent à leur contrôle. Définir et assurer la pédagogie des actions visant à réduire un risque sans avoir cette approche multifactorielle conduit à l’échec.

La lutte contre le tabagisme est devenue efficace quand les acteurs de la sécurité sanitaire ont identifié et pris en compte les démarches des producteurs de cigarettes visant soit à désinformer, soit à ne pas faire connaître les informations dont ils disposaient. La lutte contre l’insécurité routière impose d’identifier l’ensemble des actions qui s’opposent à son efficacité.

La description de ces connaissances par les chercheurs peut être entravée par des tentatives d’intimidation utilisant la voie judiciaire. Tous les intermédiaires existent entre :

Parmi des dizaines d’affirmations fausses concernant la sécurité routière, Airy Routier a pu dire, ou écrire, que (les citations exactes sont reproduites dans cette documentation, l’indication d’une page fait référence au livre "La France sans permis") :

Ces affirmations, sont fausses en totalité ou en partie et je les cite ici parmi des dizaines d’autres pour mettre en évidence l’absence totale de volonté de respecter les faits. Airy Routier réorganise les situations et les interprètent en associant notamment des affirmations fausses, des omissions et des erreurs logiques. C’est le caractère complexe de cette déconstruction/reconstruction de la réalité qui caractérise la manipulation. L’ignorant ou l’incompétent peut commettre des erreurs, mais il n’a pas le savoir faire du manipulateur pour construire des ensembles coordonnés allant dans le sens de ce qu’il veut prouver. Les quatre grands ensembles de ce type que nous décrirons sont :

  1. La construction artificielle de la notion de France sans permis
  2. La description et l’interprétation des effets de la réforme de 2002
  3. La description de la nature juridique de la réforme de 2002
  4. la réécriture des décisions de 1973 et de leurs effets.

L’origine d’une action de santé publique : la publication du livre "La violence routière – des mensonges qui tuent".

La parution en mars 2007 du livre d’Airy Routier : " La France sans permis " imposait une analyse argumentée destinée à faciliter le travail de ceux qui auraient à commenter ce traité de désinformation. Je l’ai produite au cours du mois d’avril 2007 et elle a été accessible sur le site www.securite-routiere.org où elle peut toujours être consultée. Ce livre dénaturait les décisions les plus importantes prises dans le domaine de la sécurité routière depuis 1973. La production de connaissances et les conseils que j’avais pu donner étaient décrits comme une entreprise d’hygiénisme autoritaire fondée sur le dogmatisme, les qualificatifs d’ayatollah ou de Torquemada caractérisant ce comportement. Je n’avais pas entrepris d’action judiciaire contre Airy Routier, estimant qu’elle n’aurait pu que faire la publicité de son livre.

L’année suivante, j’ai décrit dans un livre : "La violence routière – des mensonges qui tuent" les principales procédures de manipulation des faits auxquelles j’avais été confronté depuis le début des années soixante-dix dans le domaine de l’accidentologie. Il a été publié en septembre 2008 par les éditions Lavoisier et un chapitre est consacré au livre d’Airy Routier. Ce dernier a entrepris une action judiciaire pour diffamation et ce choix d’utiliser la voie pénale est une opportunité pour développer la compréhension de la relation entre deux mondes, celui de l’approche de la connaissance par des procédés regroupés sous le terme de méthode scientifique et celui de l’usage extensif de l’irrationalité mise au service d’une "cause".

La formation des étudiants et des chercheurs dans le domaine de la santé publique ne peut être assurée par la seule "démarche positive" décrivant les connaissances pour en déduire les actions possibles, en fonction de leur efficacité, de leur coût et de leur acceptabilité sociale. Il faut également décrire les démarches qui dégradent la sécurité sanitaire ou ralentissent ses progrès. Qu’elles relèvent de la passion, de l’intérêt économique ou de l’ignorance de la réalité, il est impossible de les négliger en prétendant qu’elles ne relèvent pas de la connaissance scientifique. Celui qui accepte de répondre aux demandes de conseils des décideurs légitimes, politiques ou administratifs, doit avoir la volonté et la capacité d’analyser l’ensemble des facteurs d’influence, qu’ils soient favorables ou contraires à l’effet recherché. Il doit pouvoir rendre publiques ses analyses.

Comprendre les retards dans le développement de la lutte contre le tabagisme sans analyser les pratiques de l’industrie du tabac, ou celles de la prévention du risque lié à l’amiante sans décrire les actions de lobbying des industriels de l’amiante, serait impossible. J’ai toujours accepté de répondre aux questions posées par les décideurs au cours des quarante dernières années. Elles concernaient soit directement mon domaine de recherche, la sécurité routière, soit des domaines où les responsables politiques m’estimaient capable, seul ou dans le cadre d’une commission, de contribuer à l’élaboration des politiques publiques, du fait de mon expérience des actions de prévention, mais également de ma connaissance du monde industriel et de celui de la recherche. Dans chacune de la quinzaine d’expertises auxquelles j’ai participé ou que j’ai assurées, l’existence d’opposants au développement d’une politique de sécurité sanitaire était identifiable, qu’il s’agisse de tabac, d’alcool, de stupéfiants, d’amiante, de sida, ou d’obésité.

Pour résumer mon expérience de ces deux aspects complémentaires de l’action publique, j’ai écrit deux livres en 2005. Un Que-sais-je (Presses Universitaires de France) sur "l’expertise en santé publique" décrivait les conditions de la réussite d’une expertise dans ce domaine particulier. Le second : "Comment tuer l’Etat – précis de malfaçons et de malfaisance" (Bayard éditions) était consacré aux mécanismes de l’erreur décisionnelle. L’objectif était de distinguer, à l’aide d’exemples, l’échec par manque de compétence, de celui provoqué par une volonté délibérée de faire échouer une action publique efficace. La langue française distingue la malfaçon de la malfaisance pour marquer la différence de nature entre les deux procédés. Le mauvais faiseur n’a pas l’intention de mal faire, mais il n’a pas la compétence nécessaire pour faire au mieux. Dans le domaine de l’artisanat, c’est le mauvais peintre dont le pinceau laisse des traces ou le poseur de moquettes qui ne sait pas les tailler avec précision. La malfaisance est d’une autre nature et il ne faut pas la confondre avec la simple opposition doctrinale. Quand Alain-Gérard Slama a publié en 1993 : "L’angélisme exterminateur", en utilisant de multiples exemples d’actions de santé publique auxquelles j’avais contribué, nous pouvions débattre ensemble dans la sincérité. Il avait écrit "qu’une société libre est celle qui met le moins possible l’accent sur la prévention, et qui ne regarde pas la personne humaine sous le rapport de la prévisibilité", je pouvais lui répondre qu’une société complexe associant les développements techniques et la promotion de l’inutile devait organiser une sécurité structurelle en créant des normes et des interdits. Notre conflit reposait sur l’opposition entre l’article 3 et l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme de 1789, il était clairement doctrinal et il n’y avait pas de malfaisance dans nos propos, chacun défendant sa position dans une clarté complète et avec sincérité. Le débat démocratique cesse quand l’un des interlocuteurs tente de tromper en utilisant des arguments invalides, nous entrons alors dans le champ de la malfaisance.

Après avoir analysé avec Maître Honnorat qui a assuré ma défense la citation initiant la procédure de diffamation, notre décision a été d’assumer sans l’affaiblir la position qui a été la mienne au cours de cette quarantaine d’années d’expertise et donc de conseil en santé publique. J’affirme que les procédés d’Airy Routier se situent dans le domaine du mensonge et de la manipulation. Il ne s’agit pas d’une absence de savoir-faire professionnel, de négligence, d’incompétence massive ou de débilité mentale. Il s’agit du travail d’un professionnel compétent qui défend sa cause avec des procédés dépourvus de sincérité. Nous situons donc son action dans le champ de la malfaisance et nous assumons cette affirmation.

Cet objectif imposait une description très étendue du livre "la France sans permis" et des propos tenus par Airy Routier après sa parution. Le volume des documents réunis est important, mais il est possible de l’utiliser comme une facilitation de l’accès à la preuve. Face à une telle masse de désinformation, le juge comme l’enseignant ou l’étudiant, doit pouvoir aller de l’écrit ou du propos d’Airy Routier, au commentaire que je peux en faire, et aux documents qui fondent ce commentaire. Le respect des faits, le respect des juges et un enseignement conforme aux connaissances acquises, ont des exigences identiques.

La confrontation de deux procédures et de deux systèmes de références

Il n’est pas inutile de s’appuyer sur deux citations pour exprimer la nécessité et la difficulté de faire prévaloir la sincérité dans le fonctionnement social.

"En vérité le mentir est un maudit vice. Nous ne sommes hommes, et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole. Si, comme la vérité, le mensonge n’avait qu’un visage, nous serions en meilleurs termes : car nous prendrions pour certain l’opposé de ce que dirait le menteur. Mais le revers de la vérité a cent mille figures et un champ illimité". (Michel de Montaigne – Essais livre 1 chapitre 9).

"La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font  l'objet du débat" (Hannah Arendt, La crise de la culture.)

Le scientifique observe une réalité, émet des hypothèses pour mieux la comprendre et tente d’apporter des preuves de la validité de ses conclusions. Le manipulateur définit ce qu’il souhaite et utilise les explications destinées à convaincre. Dans ce but il dévalorise les personnes qui ne sont pas de son avis et des faits qui le contrarient. Il produit ensuite des raisonnements invalides

La complexité technique de notre société et la rapidité de son évolution ont aggravé le risque de désinformation. La banalité d’une situation, par exemple la conduite d’une voiture, favorise le conditionnement à des propos manipulateurs qui peuvent paraître convaincants, car ils se situent dans un domaine dont les éléments sont décrits par des termes compréhensibles et familiers.

Là encore, Annah Arendt a produit une des meilleures descriptions de ce mécanisme pervers : "Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le menteur possède le grand avantage de savoir d’avance ce que le public souhaite entendre ou s’attend à entendre. Sa version a été préparée à l’intention du public, en s’attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette attitude déconcertante de nous mettre en présence de l’inattendu, auquel nous n’étions nullement préparés". (Hannah Arendt – Du mensonge à la violence). Le menteur/manipulateur a la liberté du romancier, il peut tout faire, le scientifique est prisonnier de la réalité des faits, il ne peut que tenter de mieux les comprendre, pour se doter d’outils qui permettront ensuite d’agir sur la réalité et de la modifier dans le sens souhaité.

Le principal sujet de conflit entre les producteurs d’une connaissance scientifique de l’accident et les amateurs de grosses voitures rapides est le rôle de la vitesse dans l’accidentalité. Je le retiens comme un exemple particulièrement démonstratif de l’inversion des procédures dans les démarches de connaissance et les démarches de manipulation.

Airy Routier ne craint pas de placer la barre très haut dès le début de son livre en définissant ce qu’il reconnaît comme indéfendable : " Celui qui conduit à 100 km/h en ville ou à 190 km/:h sur une route ou une autoroute chargée, avec quelques verres dans le nez, est bel et bien un criminel en puissance et mérite, de ce fait, d’être mis hors d’état de nuire " (France sans permis page 7).

Dans l’approche scientifique de la relation entre la vitesse et le risque, la première étape consiste à établir le lien entre les vitesses autorisées et l’accidentalité, indépendamment des vitesses réelles mesurées. Par exemple la limitation à 120 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes de liaison en décembre 1973, après la guerre du Kippour, a divisé par deux la mortalité au kilomètre parcouru, de 36 tués par milliard de kilomètres parcourus à 18 tués. Quand la vitesse a été augmentée à 140 km/h en mars 1974, la mortalité a augmenté, elle s’est abaissée à nouveau quand le délégué interministériel à la sécurité routière a obtenu de l’abaisser à 130 km/h, valeur conservée depuis.

Décrit par le menteur, cet épisode important de la connaissance de la relation vitesse/mortalité sur autoroute est déformé avec les méthodes suivantes :

Ce simple passage permet de comprendre une des différences majeures entre le mensonge simple et la manipulation. Cette dernière est construite à partir d’un ensemble de constituants associant mensonges et omissions. Lire la description des effets des mesures de 1973/1974 dans le livre de Cohen et collaborateurs, chercheurs de l’INRETS : les limitations de vitesse et leurs effets, et dans le livre d’Airy Routier montre que les deux démarches se situent dans des mondes différents. Ces faits sont détaillés dans l’ensemble des documents que nous avons produits.

L’étape suivante de la démarche scientifique est celle de la mesure des vitesses réelles avant et après une décision modifiant les règles. Il ne suffit pas de constater une variation allant dans le sens prévisible, il faut quantifier les effets. Quand la Suisse a préparé le passage de 60 à 50 km/h de la vitesse maximale en ville, elle a choisi une véritable procédure expérimentale avec des villes passant à 50 alors que les autres demeuraient à 60, les vitesses moyennes ont été mesurées et comparées, ainsi que l’accidentalité. Ce type de démarches est à la base des procédures de modélisation qui ont été développées par de nombreux chercheurs.

Les commentaires d’Airy Routier sur les connaissances disponibles constituent un exemple démonstratif de sa volonté de tromper. Confronté aux résultats d’une telle démarche, il n’avait qu’une ressource, faire l’ignorant et affirmer n’avoir jamais vu ces preuves de la relation mathématique entre vitesse de circulation et mortalité routière. Cette position est exprimée sans ambiguïté dans la vidéo mise sur le site du Nouvel Observateur le 27 mars 2007, après la publication de son livre

Gérard Petitjean : "Eh bien, est-ce que tu contestes cette affirmation de la sécurité routière selon laquelle quand la vitesse baisse de 1 km/h, on baisse de 4% la mortalité sur la route."

Airy Routier : "Je ne la conteste pas, je ne la soutiens pas, je voudrais voir les éléments mathématiques qui sont prouvés derrière, puisque c’est des chiffres balancés en l’air sans aucune base, je ne les ai vues nulle part les bases."

Cette affirmation est mensongère et il est facile de le prouver. Dans son livre, il commente sur deux pages le rapport d’expertise du dispositif de contrôle sanction automatisé mis en place à partir de 2003. Certaines critiques formulées sont invalides, mais l’analyse qui est faite témoigne de la lecture attentive de ce rapport par Airy Routier. Il cite notamment une phrase du document avec la page où elle se trouve : "Cette intéressante précision est publiée à la page 60, dans le corps du texte, sans autre commentaire…". Le rapport développe longuement la relation entre la variation de la vitesse moyenne et celle de l’accidentalité, avec les références des études les plus récentes. L’évidence de la mauvaise foi est alors indiscutable. Airy Routier prétend ne pas connaître et met en doute des faits décrits avec précision dans un document qu’il a lu et qu’il cite avec précision.

Cette situation résume bien le dilemme du menteur confronté à ses contradictions. Soit il reconnaît son incompétence ou sa négligence, donc son manque de fiabilité, soit il avoue que la tromperie était volontaire et il assume son statut de menteur/manipulateur. Les enquêteurs et les juges sont fréquemment confrontés à une telle alternative. Elle est notamment présente dans l’instruction des délits d’initiés. Quand un membre d’un conseil d’administration d’une grande entreprise vend ses actions peu de temps avant la chute des cours provoquée par de mauvais résultats, il a le choix entre deux attitudes : reconnaître qu’il avait connaissance des faits qui allaient lui faire perdre de l’argent ou prétendre qu’il était un administrateur incompétent et sous informé.

Attribuer des propos à des personnes, ou des résultats à des organismes, qui ne les ont jamais produits fait également partie des outils les plus utilisés dans le domaine de la manipulation. De nombreux exemples sont présentés dans ce CD.

Ce que j’ai voulu mettre en évidence par l’analyse approfondie du livre d’Airy Routier et de ses propos réunis dans la documentation produite pour le procès, qui développe ce que j’avais entrepris en mars/avril 2007.

Faire une recherche sur le mensonge et la manipulation des faits dans un but de sécurité sanitaire est une démarche spécifique indispensable. Il est impossible de se contenter d’établir des connaissances, il faut également analyser les démarches qui s’opposent à la diffusion d’un savoir objectif.

L’accidentologie et la biomécanique ne changent pas de systèmes de références toutes les décennies, nous sommes dans un domaine où les connaissances sont à la fois nombreuses et faciles à obtenir avec des moyens d’observation adaptés et des méthodes validées.

Les garanties de valeur sont celles des productions scientifiques en général. "La science et l’objectivité scientifique ne résultent pas des tentatives d’un savant individuel pour être objectif, mais de la coopération amicalement hostile de nombreux savants" (Popper, The open society and its ennemies). "Les récepteurs d’une découverte collaborent à sa vérification en essayant (en vain) de la détruire, de la réfuter. Constaté signifie collectivement validé dans un travail de communication aboutissant à la reconnaissance universelle (dans la limite du champ, c'est-à-dire de l’univers des connaisseurs compétents). Les adversaires collaborent au travail de vérification par le travail qu’ils font pour critiquer, corriger, réfuter" (Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité). Les conflits sont fréquents dans la démarche scientifique, mais les faits et les méthodes sont nécessairement décrits avec sincérité, le contrôle des pairs aboutissant toujours à corriger les erreurs, voire à disqualifier les faussaires, qui existent dans le milieu scientifique, comme dans le journalisme.

La démarche des dogmatistes sectaires est à l’opposé. Ils fondent un dogme avec un nombre limité d’affirmations fondatrices et l’appartenance au groupe s’exprime par l’acceptation du dogme et non par la recherche de preuves de sa validité.

Il serait suicidaire d’imaginer un fonctionnement social où non seulement les menteurs pourraient s’exprimer librement, ce qui est une nécessité, mais où il serait dangereux "pénalement" pour un scientifique de les combattre sans hypocrisie en affirmant, preuves à l’appui, qu’ils mentent.

Outre cette documentation, il convenait de permettre à des témoins, agissant dans des domaines différents et complémentaires, d’éclairer la démarche judiciaire par leur connaissance des domaines traités et leur complémentarité. J’ai eu à travailler avec eux et ils connaissent mes motivations, mes publications et mes méthodes :

Geneviève Jurgensen, par son action dans le cadre de la Ligue contre la violence routière, a eu un rôle majeur dans la prise de décisions de sécurité routière et à plusieurs reprises dans leur maintien. Quand elle a obtenu de François Mitterrand le maintien du permis à points lors du conflit avec les chauffeurs routiers en 1993, elle était la seule à pouvoir infirmer les propos que lui fait tenir Airy Routier lors de son entretien avec le président de la République. Elle pouvait également définir les méthodes et les références qui ont été les siennes, notamment son choix de fonder ses actions sur des connaissances et non d’obtenir des décisions fondées sur des arguments affectifs.

Rémy Heitz est le magistrat qui a coordonné la prise des décisions politiques de 2002 concernant la sécurité routière, puis leur mise en œuvre en tant que délégué interministériel à la sécurité routière. Cité à de nombreuses reprises dans le livre d’Airy Routier, il pouvait témoigner sur les positions qui lui sont prêtées et sur les aspects juridiques de la critique du dispositif judiciaire défini par la loi et de nouveaux règlements en 2003. Notamment sur les recours possibles et sur les similitudes entre le dispositif français et ceux adoptés par d’autres pays utilisant le système du permis à points.

Franck Guarnieri dirige le Centre commun de recherche sur les risques et les crises à Sophia Antipolis. Il est responsable de la formation doctorale de l’Ecole des mines de Paris " Sciences et génie des activités à risques ". Il développe la collection Sciences du risque et du danger des éditions Lavoisier. Il est légitime pour affirmer la nécessité d’analyser la désinformation dans le domaine de la connaissance des risques, en respectant les exigences de la méthode scientifique.

Yves Page est un chercheur en accidentologie, il a travaillé à l’observatoire national interministériel de sécurité routière, puis dans la structure de recherche réunissant des universitaires et les constructeurs automobiles (Centre Européen d’Etudes de Sécurité et d’Analyse des Risques) et maintenant auprès de la direction de Renault. Il était particulièrement bien placé pour apporter un témoignage sur ma contribution à l’élaboration des connaissances accidentologiques en collaboration avec les constructeurs et sur l’usage par Airy Routier de reconstructions artificielles d’ événements maintenant bien analysé de la politique passée de sécurité Routière.

Jean Chapelon est le secrétaire Général de l’ONISR. Il est le responsable de la mise à disposition du public, des journalistes et des décideurs, de l’ensemble des données statistiques acquises dans le champ de la sécurité routière. Il était en capacité de témoigner de la différence entre la présentation de son travail dans le livre d’Airy Routier et la réalité. Il pouvait également mettre en évidence l’occultation par Airy Routier de l’ensemble des données disponibles sur la conduite sans permis, alors qu’il s’agit du thème du livre La France sans permis.

Bernard Laumon est un épidémiologiste, directeur de recherche à l’INRETS, qui dirige une structure de recherche, l’Unité mixte de recherche épidémiologique et de surveillance transport travail environnement (UMRESTTE) à Lyon. Créateur du registre des accidents du Rhône, analysant avec son équipe les facteurs influant sur l’accidentalité et ses conséquences, il était particulièrement bien placé pour témoigner de l’usage massif d’affirmations fausses, de raisonnements invalides et de mauvaises pratiques épidémiologiques dans le livre d’Airy Routier, notamment sur le rôle de la vitesse dans les accidents

Ces six témoignages, concernant six domaines différents, ont eu un rôle très important pour préciser si j’étais en droit de commenter comme je l’ai fait les écrits et les dires d’Airy Routier, dans le chapitre 10 du livre : La violence routière, des mensonges qui tuent et dans les textes contenus dans cet ensemble de documents.

Aux textes remis au tribunal et à la partie adverse s’ajoute maintenant le jugement rendu le 16 juin 2009 et concluant à ma relaxe.